Retour à l'accueil Sciences et Technologies
de l´Information et
de la Communication pour
l´Éducation et la Formation
version à télécharger (pdf)

Volume 28, 2021
Editorial

Numéro Spécial
Les technologies positives
pour l'apprentissage



Contact : infos@sticef.org

Volume 28, Numéro 2
Technologies positives pour l'apprentissage

 

Editorial

Gaëlle MOLINARI (TECFA, Université de Genève & UniDistance), Fabien FENOUILLET (LINP2, Université Paris Nanterre), Élise LAVOUÉ (LIRIS, Université Jean Moulin Lyon 3)

 

En 2007, la revue STICEF publiait un numéro spécial sur les dimensions émotionnelles de l’interaction dans un EIAH (Nkambou et al., 2007). Dans la conclusion de leur éditorial, Nkambou et ses collaborateurs soulignaient qu’il y avait « encore du chemin à faire » pour « doter les EIAH d’une capacité affective ».

Quel a été le chemin parcouru pendant ces 14 dernières années ? Quelle place les émotions et la motivation des apprenants occupent-elles dans le processus de conception des EIAH aujourd’hui ? Le présent numéro spécial propose de répondre à ces questions à travers le prisme d’un champ de recherche en émergence, les technologies positives pour l’apprentissage. Ce numéro spécial fait suite à un atelier organisé dans le cadre des 8es Rencontres Jeunes Chercheurs en EIAH, dont le but était d’introduire les questions et concepts de ce champ de recherche auprès de la communauté EIAH.

Plusieurs objectifs sont rattachés au champ des technologies positives pour l’apprentissage dont celui de mieux comprendre non seulement le rôle des émotions et de la motivation dans les situations d’apprentissage avec le numérique, mais aussi la façon d’utiliser et de concevoir des EIAH de sorte à favoriser le bien-être, la motivation et le fonctionnement optimal chez les apprenants et groupes d’apprenants.

Cet éditorial comporte trois parties introductives, à savoir, la psychologie positive et ses apports en éducation, les technologies positives en apprentissage, et les technologies positives pour l’apprentissage collaboratif. Les cinq articles de ce numéro spécial font ensuite chacun l’objet d’un résumé de présentation. La conclusion ouvre sur une série de questions qu’il s’agira d’explorer au cours de ces (quatorze) prochaines années.

1. La psychologie positive et l’apprentissage

1.1. Une étude scientifique du développement du plein potentiel

La psychologie a été traversée par de nombreux courants depuis sa naissance à la fin du 19e siècle parmi lesquels se trouvent le béhaviorisme, le structuralisme ou encore le cognitivisme. Ces différents courants forgent une vision de l’être humain et de son fonctionnement. Pour le béhaviorisme, le fonctionnement humain n’est pas différent du fonctionnement animal et la pensée humaine, étant inaccessible, ne peut faire l’objet d’une étude scientifique. Presque a contrario, le cognitivisme place la psyché humaine au centre des préoccupations scientifiques en estimant qu’il est possible de l’étudier en la considérant notamment sous l’angle du traitement de l’information.

Même s’il est encore trop tôt pour connaitre l’ampleur que prendra la psychologie positive, il reste cependant déjà possible de la considérer comme un nouveau courant de la psychologie au même titre que le béhaviorisme ou le cognitivisme. En effet, la psychologie positive propose de considérer l’homme sous un jour nouveau, celui de ses forces. Différents auteurs (Martin-Krumm, 2018), (Parks et Schueller, 2014) s’accordent pour dire que c’est Martin Seligman, à la fin des années 1990, alors qu’il était président de l’American Psychological Association, qui a eu l’idée de rassembler les travaux épars sur le bien-être, le développement personnel ou encore la personnalité. Ces travaux ont pour visée commune d’appréhender l’épanouissement des individus comme des institutions. Cette nouvelle vision de la recherche en psychologie a été plus clairement formalisée dans un article co-écrit au tout début du 21e siècle avec Csikszentmihalyi (Seligman et Csikszentmihalyi, 2000). Dans cet article, les deux auteurs font le constat que la psychologie du 20e siècle s’est principalement intéressée aux dysfonctionnements de l’être humain pour tenter de les résoudre. Ils pointent les forces et les faiblesses de cette démarche pour finalement proposer une nouvelle approche, celle de la psychologie positive.

Il existe actuellement de nombreuses définitions de la psychologie positive. Celle que proposent Vallerand et Bragoli-Barzan (Vallerand et Bragoli-Barzan, 2019) a l’avantage d’être en français et d’être proposée par des spécialistes reconnus de cette nouvelle discipline. Pour eux, il s’agit de l’« étude scientifique et de l’application scientifiquement guidée des facteurs qui amènent les individus et organisations à se développer et à atteindre leur plein potentiel » (p. 21). Cette définition permet de saisir le principal objectif de la psychologie positive, à savoir étudier le développement du plein potentiel. Il ne s’agit pas ici de confondre plein potentiel et performance. Autrement dit l’objectif de la psychologie positive n’est pas d’amener les salariés à battre leurs concurrents ou les enfants à améliorer leurs notes. Cette confusion et l’irruption en force, dans l’espace francophone, de recherches et de pratiques innovantes issues de ce nouveau courant, expliquent sans doute la défiance qu’il rencontre aujourd’hui auprès de certains et qui repose sur de nombreux malentendus (Bouffard, 2019).

Comme le souligne Shankland (Shankland, 2014), le plein potentiel ne réfère pas au fonctionnement maximal mais au fonctionnement optimal décrit comme celui de l’individu qui « se considère comme étant en pleine possession de ses moyens » (p. 6). La psychologie positive est une discipline scientifique, et sa visée est principalement de comprendre ce qui caractérise la pleine possession par l’individu de ses moyens, ainsi que les déterminants qui lui permettent d’y parvenir (et de s’y maintenir). Il s’agit notamment de comprendre comment la personnalité, la cognition, les comportements et l’environnement vont favoriser l’épanouissement de l’être humain afin qu’il puisse atteindre ce fonctionnement optimal. On comprend donc ici qu’une des questions centrales de la psychologie positive est de chercher à comprendre et à définir ce fonctionnement optimal. Les sujets d’étude sur la compréhension du fonctionnement optimal font appel à de très nombreux concepts comme la joie, la résilience, l'adaptation, la spiritualité, le courage, la coopération, la qualité des lieux de vie, le sens de la vie et bien d’autres encore.

1.2. Le fonctionnement optimal en situation d’apprentissage

Dans ce numéro spécial, notre but est de comprendre comment les objectifs de la psychologie positive peuvent s’associer à ceux des technologies numériques, et ce à travers un champ de recherche du domaine de l’Interaction Humain-Machine (IHM) : la technologie positive (Botella et al., 2012). Tout comme la psychologie positive, la technologie positive s’intéresse au bien-être et au fonctionnement optimal des individus, des groupes et des organisations, et son objectif est de comprendre comment exploiter « les possibilités de structuration, d’augmentation et de remplacement » (p. 78, traduction libre) offertes par les nouvelles technologies pour favoriser ce fonctionnement optimal. Le champ de la technologie positive est abordé plus en détail dans la section suivante.

En plus de la psychologie positive et des technologies, ce numéro spécial aborde également un domaine qui n’est pas moins vaste, l’apprentissage. En effet, l’objectif principal de ce numéro spécial est d’aborder la question des technologies positives pour l’apprentissage. La question du fonctionnement optimal en situation d’apprentissage est avant tout liée à l’implication de l’apprenant. Autrement dit, il s’agit pour les chercheurs et concepteurs dans le domaine des technologies numériques pour l’éducation de comprendre comment « motiver » l’utilisateur apprenant.

La motivation est au cœur du fonctionnement optimal et de la psychologie positive. Le fonctionnement optimal de l’apprenant suppose qu’il soit motivé. Le concept de motivation fait référence à de très nombreuses conceptions dont certaines, comme le flow (qui peut se définir comme un engagement profond dans l’activité), sont utilisées pour modéliser le comportement des apprenants dans les environnements numériques d’apprentissage (voir l’article de Heutte dans ce numéro). Cependant la motivation ne se réduit pas au flow, et d’autres conceptions sont sollicitées pour rendre compte de la façon dont les technologies éducatives peuvent être conçues et utilisées pour favoriser le fonctionnement optimal de leurs utilisateurs. Ainsi, la motivation peut être considérée comme un processus qui articule de grands ensembles de concepts (Fenouillet, 2017).

Historiquement, la motivation fait référence aux raisons ou motifs qui nous poussent à agir. De nombreux termes ont été utilisés pour qualifier ces motifs comme le besoin, l’instinct, l’intérêt, la curiosité, le but, la valeur, l’estime de soi, l’émotion, l’intention, etc. De nombreuses classifications des motifs de nos comportements sont proposées qui diffèrent en fonction des théories auxquelles elles sont associées, comme les buts de maîtrise ou de performance (Dweck et Leggett, 1988) ou encore les motifs intrinsèques ou extrinsèques (Deci et Ryan, 2002). Cependant, les recherches ont mis en évidence qu’il ne suffit pas d’avoir un motif pour agir, il faut également estimer être capable de réaliser le comportement souhaité pour assouvir ce qui restera sinon, une simple envie (Bandura, 2003). Il faut donc être en mesure de prédire ce qui va se produire pour être motivé, sans cette prédiction l’être humain comme l’animal risque de se résigner (Peterson et al., 1993).

Le motif et la prédiction sont indispensables à la motivation mais ne suffisent pas pour atteindre certains résultats qui nécessitent de prendre la bonne décision mais aussi la mise en place de la bonne stratégie. Dans la deuxième moitié du 20e siècle, de nombreuses théories « motivationnelles » ont mis en évidence que la motivation était aussi une question de décision quand on pense, par exemple, au problème que pose notamment la procrastination (Steel, 2007) ou encore l’enlisement de l’engagement qui conduit les individus à prendre des décisions absurdes (Staw, 1981).

Du fait de la complexité du concept motivationnel, différents motifs peuvent être mobilisés pour comprendre les causes de la motivation chez l’apprenant. Par ailleurs, certaines théories motivationnelles ont été spécialement développées pour rendre compte des raisons de l’utilisation (ou non) des technologies, comme c’est le cas pour le modèle d’acceptation des technologies (Davis, 1989). Certains auteurs vont donc privilégier une explication de la motivation en termes de motifs autodéterminés, là ou d’autres vont plutôt chercher à faciliter l’usage de l’interface et les émotions bénéfiques à l’apprentissage qu’elle suscite. Dans tous ces cas, le point commun sera la motivation de l’apprenant dans les situations d’usages du numérique, avec toutefois un focus sur différents aspects du processus motivationnel.

2. Des technologies « positives » en apprentissage ?

2.1. La conception de technologies dites « positives »

Botella et al. (Botella et al., 2012) sont parmi les premiers à avoir parlé de technologies positives. Plus récemment, Calvo et Peters (Calvo et Peters, 2014), (Calvo et Peters, 2015) ont prôné la création d’un nouveau domaine de recherche qu’ils nomment l’informatique positive, et qu’ils définissent comme l’évaluation et la conception d’expériences numériques qui soutiennent les déterminants du bien-être, à savoir, l’autonomie, la compétence, la relation sociale, la compassion, l’engagement et le sens. Les études sur le sujet mettent en avant que la personne et l'environnement avec lequel elle interagit déterminent tous deux la motivation et le comportement. Ainsi, l’individu et son environnement s’influencent mutuellement et co-évoluent en permanence (Deci et Ryan, 1985), (Higgins, 1997). Cette vision implique de prendre en compte dans la conception d’environnements numériques non seulement les caractéristiques individuelles, mais également les caractéristiques de la situation dans laquelle est placé l’individu. Zhang (Zhang, 2008) considère l’environnement de l’utilisateur comme étant composé de la technologie, avec ses caractéristiques et les capacités associées, mais également des influences relationnelles et socioculturelles. Il introduit le terme d’affordances motivationnelles pour désigner ce que doivent offrir les technologies pour permettre une interaction optimale.

Le terme d'affordance fait référence aux propriétés actionnables entre un objet et un acteur (Gibson, 1977), (Norman, 1999). Les affordances motivationnelles comprennent les propriétés d'un objet qui déterminent si, et comment, il peut soutenir les besoins motivationnels d'une personne, afin que celle-ci se sente intéressée (et ainsi s’engage) et ressente du plaisir (et ainsi en veuille plus). Selon Zhang (Zhang, 2007), le but ultime de la conception d'une technologie est d'atteindre un niveau d’affordance motivationnelle élevé afin que les utilisateurs soient attirés par cette technologie, qu'ils aient vraiment envie de l'utiliser et qu'ils ne puissent pas s'en passer. Il propose dix principes de conception de technologies dites positives, en empruntant une perspective motivationnelle : soutenir l’autonomie, promouvoir la représentation de soi, apporter un challenge optimal, offrir un feedback positif, faciliter l’interaction humain-humain, représenter les liens sociaux, faciliter les besoins d’influencer les autres et d’être influencé par d’autres, induire des émotions positives et induire les émotions attendues.

Au-delà de ces affordances motivationnelles artefactuelles, Deterding (Deterding, 2011) insiste sur la prise en compte des affordances motivationnelles situationnelles, qu’il définit comme les possibilités de satisfaire les besoins motivationnels découlant de la relation entre les caractéristiques d'un objet et les capacités d'un individu dans une situation donnée. Selon cette approche, la situation offre ses propres caractéristiques motivationnelles (affordances situationnelles) et façonne l'utilisation, la signification et ainsi les affordances motivationnelles offertes par l’objet dans cette situation (affordances artefactuelles). L’un des principaux enjeux de la conception de technologies dites « positives » est alors d’offrir ces deux types d’affordances motivationnelles dès le début de l’activité, puis de les maintenir en répondant aux besoins de l'utilisateur.

2.2. Des technologies pour une expérience d'apprentissage « optimale »

La conception d’une interaction optimale, telle que définie précédemment, représente un véritable enjeu pour les environnements numériques d’apprentissage. Dans le cadre des apprentissages, les technologies positives font principalement référence aux recherches qui visent à faciliter le bien-être et la motivation des apprenants. Une technologie n’est ni positive ni motivante en soi, « la technologie en elle-même est neutre » soulignent Botella et al., (Botella et al., 2012). C’est l’expérience d’apprentissage offerte et son adéquation aux besoins des apprenants dans une situation donnée qui vont la rendre motivante. Cela nécessite la prise en compte de l’impact de l’environnement numérique sur l’expérience d’apprentissage elle-même dès l’étape de conception, par exemple sur les émotions, le sentiment de compétence ou encore l’engagement des apprenants.

Dans le domaine de l’éducation, l'émergence de nouvelles technologies (outils mobiles, robots, réalité virtuelle) apporte de multiples manières de générer des expériences positives chez les apprenants. Il existe en effet de nombreux exemples de recherches qui visent globalement à « optimiser » l’utilisation des technologies dans différents cadres comme c’est le cas pour les serious games (Abt, 1975), (Zyda, 2005), l'utilisation de l'informatique à des fins thérapeutiques (Porter, 1978) ou encore le développement personnel (Eysenbach, 2008). Faisant suite aux travaux de Seligman et Csikszentmihalyi (Seligman et Csikszentmihalyi, 2000), Botella et al. (Botella et al., 2012) font le recensement de nombreuses technologies qui s’appuient sur les possibilités de structuration, d’augmentation ou de remplacement pour promouvoir le fonctionnement optimal et la qualité de l’expérience personnelle. Ils proposent une classification en trois catégories des technologies positives, en fonction de leurs effets sur l'expérience des utilisateurs, à savoir :

- Des technologies hédoniques conçues pour induire certaines émotions, généralement positives et agréables. Ces technologies font référence aux domaines de l'informatique affective et du design émotionnel.

- Des technologies eudémoniques créées pour soutenir une expérience engageante, la réalisation de soi et le développement personnel. Ces technologies couvrent les domaines de l'informatique persuasive, de la ludification, du jeu sérieux, de la simulation et de la réalité virtuelle.

- Des technologies sociales et interpersonnelles utilisées pour soutenir et améliorer l'intégration sociale ou la mise en relation entre individus, groupes et organisations, telles que les réseaux sociaux.

Dans le domaine de l’éducation, les technologies eudémoniques sont présentes depuis de nombreuses années principalement sous la forme de serious games. Plus récemment, elles font également référence à la question de la ludification. L’utilisation des ressorts ludiques est censée motiver l’apprenant même si, dans les faits, la méta-analyse de Wouters et al. (Wouters et al., 2013) montre que l’action de la motivation dépend de la condition contrôle qui est utilisée. A titre d’exemple, l'étude de Parchman et al. (Parchman et al., 2000), concernant une formation intensive de techniciens, montre qu’un serious game peut être plus motivant que le cours en présentiel, sans présenter cependant de différence avec un didacticiel. Les recherches sur le serious game tiennent cependant bien souvent pour acquis que l’utilisation de cette technologie procure de l’amusement qui va motiver l’apprenant, si bien que très peu d’études cherchent à mesurer la motivation (Wouters et al., 2013), s’intéressant principalement au gain d’apprentissage.

Certains travaux cependant s’intéressent à l’engagement perçu par les apprenants que Bouvier et al. (Bouvier et al., 2014a) identifient comme étant un état apparaissant lorsque les facteurs d’immersion liés au média (forme du jeu) et les facteurs liés au scénario et contenus répondent aux caractéristiques et attentes des joueurs (perceptuelles, intellectuelles, interactionnelles). Brockmyer et al. (Brockmyer et al., 2009), quant à eux, insistent sur son aspect progressif : l’engagement évolue de l’immersion (niveau le plus bas), à la présence, au flux, pour finalement atteindre l’absorption psychologique (niveau le plus élevé). Selon la même approche, Jennett et al. (Jennett et al., 2008) soulignent que l’expérience psychologique d’engagement dans un jeu n’est pas forcément optimale comme l’entend la notion de flow, mais que différents niveaux d’immersion fluctuent en fonction des tâches effectuées. Les facteurs motivationnels propres à l’apprenant-joueur, notamment les sentiments de compétence et d’auto-efficacité, s’appliquent aussi bien au contenu d’apprentissage qu’au jeu lui-même (Sutter Widmer et Szilas, 2015), et sont difficilement dissociables. Certaines mesures de l’engagement, le plus souvent subjectives, sont recueillies via des questionnaires comme ceux proposés par Jennett et al. (Jennett et al., 2008) pour mesurer l’attention accordée, par Brockmyer et al. (Brockmyer et al., 2009) pour mesurer l’immersion, par Sweetser et Wyeth (Sweetser et Wyeth, 2005) pour évaluer le niveau de plaisir éprouvé dans les jeux à partir d’un modèle nommé GameFlow, ou encore par Fu et al. (Fu et al., 2009) qui proposent « EGameFlow », une échelle de mesure spécifique aux jeux pédagogiques. D’autres approches reposent sur l’analyse des traces d’interactions des apprenants-joueurs pendant le déroulement du scénario, selon le courant des learning analytics (Bouvier et al., 2014b). Ainsi, l’exemple des serious games illustre à quel point la notion d’engagement et plus largement de fonctionnement optimal des apprenants à travers la technologie est complexe, multidimensionnelle et difficilement identifiable.

Les technologies dites hédoniques sont moins développées, bien que l’importance des émotions dans les apprentissages soit aujourd’hui bien reconnue. Les émotions des apprenants ont un impact significatif sur les processus et les résultats d'apprentissage (Pekrun et al., 2011). Les émotions positives, et en particulier celles qui sont liées à l’activité et son résultat, comme la curiosité et le plaisir, aident les apprenants à se concentrer davantage sur la tâche, à renforcer leur motivation à apprendre ou à faciliter l'autorégulation (Wolters, 2003). Les émotions négatives peuvent avoir des effets néfastes car elles détournent l'attention des apprenants de la résolution de problèmes, consomment des ressources cognitives et inhibent les performances, en particulier dans les tâches d'apprentissage complexes (Pekrun, 2014). Les technologies dites « affectives » vont le plus souvent prendre la forme de systèmes de tutorat intelligents qui détectent automatiquement les émotions des apprenants et leur renvoient un feedback automatique, ou interviennent dans le processus d’apprentissage en s’adaptant automatiquement à l’apprenant. « Affective AutoTutor » (D’Mello et Graesser, 2012) est l’un des systèmes de tutorat intelligents les plus connus. Les émotions ont une valeur diagnostique (Boekaerts, 2010), pour l'enseignant comme pour l’apprenant lui-même, car elles sont révélatrices des processus et stratégies cognitifs mis en œuvre. Ainsi, d’autres recherches, moins développées dans le domaine des technologies affectives, s’intéressent à encourager les apprenants à utiliser les émotions ressenties dans l’objectif de favoriser l’autorégulation et la réflexivité (Lavoué et al., 2020), (Lavoué et al., 2015), (Lavoué et al., 2017), (Molinari et al., 2016), (Montero et Suhonen, 2014), (Ruiz et al., 2016) ou encore à aider le tuteur à suivre les émotions des apprenants pour adapter son feedback (Ez-Zaouia et al., 2020) (Leony et al., 2013).

Les technologies positives dites sociales et interpersonnelles sont abordées plus en détail dans la section suivante.

3. Les technologies positives pour l’apprentissage collaboratif

3.1. Des technologies sociales positives

La troisième catégorie de technologies positives est une catégorie qui s’adresse au niveau social, interpersonnel, au « soi partagé », et qui inclut des technologies dont l’objectif est de soutenir et favoriser la mise en relation des individus, des groupes et des organisations. Riva et al. (Riva et al., 2020) reprécisent les objectifs que ce type de technologies doit permettre d’atteindre, notamment en période de pandémie Covid-19, à savoir : favoriser le partage de valeurs (value sharing), la réalisation d’activités communes (shared activities), le soutien aux autres (to care for others) et l’épanouissement au sein du groupe (to grow in community life) (p. 583). Il s’agit donc pour les technologies sociales non seulement de mettre en relation (réduire le sentiment d’isolement, favoriser le sentiment d’appartenance au groupe), mais également de promouvoir des relations interpersonnelles de qualité (authentiques, bienveillantes, soutenantes, enrichissantes, constructives). Riva et al. (Riva et al., 2012) soulignent que l’un des enjeux auxquels il convient de répondre est de comprendre comment concevoir et utiliser des technologies de façon à soutenir la présence sociale à distance, c’est-à-dire à motiver les individus à interagir dans les environnements numériques et à persévérer dans une telle dynamique relationnelle (Androwkha, 2020).

Les relations interpersonnelles font partie, avec les émotions positives, l’engagement, le sens et l’accomplissement, des dimensions susceptibles de favoriser le bien-être psychologique (Seligman, 2018). Zeiner et al. (Zeiner et al., 2016) ont mené 200 interviews pour rendre compte des expériences positives au travail, et ont montré que 79% de ces expériences impliquent des interactions avec d’autres personnes, en l’occurrence des collègues considérés comme égaux dans la hiérarchie de l’entreprise. Les mêmes chercheurs ont également identifié cinq catégories d’expériences positives avec autrui, dont des expériences d’aide (aider les autres, recevoir de l’aide, enseigner aux autres), de flow collectif (résoudre un problème, faire l’expérience de la créativité), de contrôle (établir des priorités, garder trace des réalisations, terminer une tâche), et de communauté (être connecté avec les autres, échanger des idées, créer quelque chose ensemble, contribuer à quelque chose de plus grand). Le feedback (en recevoir et en donner, se voir lancer et lancer un défi) est la dernière catégorie recensée. Elle est associée à différentes émotions positives (fierté, soulagement, gratitude, confiance) et a pour particularité de jouer le rôle de variable médiatrice pour les quatre autres catégories (par ex., le fait de recevoir un feedback peut permettre d’achever une tâche difficile). Ces cinq dimensions telles que décrites ici sont récapitulées dans les figures 1 et 2 de l’article de Zeiner et al. (Zeiner et al., 2016, p. 3017). Les chercheurs utilisent ces différentes catégories d’expériences positives pour faire des propositions en matière de conception de technologies positives pour les entreprises, comme des outils de feedback dont le but est d’encourager les salariés en leur fournissant des statistiques de succès personnalisées, couplées à des messages de gratitude que des collègues ont souhaité leur adresser.

3.2. Quelles technologies pour une collaboration « optimale » en situation d’apprentissage ?

L’apprentissage collaboratif et coopératif réfère à une famille de méthodes pédagogiques dont les effets positifs sur la réussite scolaire et académique sont largement documentés (Johnson et Johnson, 2002), (Johnson et al., 2014a). Dans une situation d’apprentissage collaboratif et coopératif, le travail des apprenants est organisé selon un principe d’interdépendance positive : ils sont réunis autour d’objectifs communs à atteindre ; leurs actions sont étroitement liées à celles de leur(s) partenaire(s) ; leur réussite conditionne et dépend de la réussite de leur(s) partenaire(s) ; ils ont pour responsabilité non seulement d’accomplir leur part du travail mais également d’aider les autres à accomplir la leur (Deutsch, 1949), (Johnson et al., 2014b). Johnson et al. (Johnson et al, 2014a) montrent, par le biais d’une méta-analyse, que les situations d’interdépendance positive tendent à favoriser une plus grande motivation auprès des individus en comparaison à des situations de compétition (interdépendance négative) ou d’absence d’interdépendance. De surcroît, une augmentation de la motivation est associée à une augmentation des performances à la tâche, et cette relation positive est d’autant plus forte que les individus sont liés par des relations d’interdépendance positive. Selon Eligio (Eligio, 2010), collaborer pour apprendre est une situation qui motive car l’interdépendance positive qu’elle implique est susceptible de procurer des émotions positives. Buchs et al. (Buchs et al., 2004) montrent ainsi que les apprenants regroupés en dyades ont plus de réactions affectives positives (par ex., ils encouragent davantage leur partenaire) lorsqu’ils sont interdépendants (plutôt qu’indépendants) sur le plan des ressources : dans un premier temps, chacun travaille sur des informations différentes mais complémentaires (plutôt qu’identiques) pour, dans un second temps, les expliquer à l’autre.

Travailler en groupe pour résoudre un problème peut toutefois s’avérer une tâche complexe, pouvant alors susciter des émotions négatives comme de la honte, de la frustration ou encore du désespoir, notamment lorsque les apprenants ne se sentent pas en capacité de produire les actions nécessaires pour réussir la tâche (Avry et al., 2020). La collaboration n’est bénéfique à l’apprentissage que sous certaines conditions, en l’occurrence lorsque les contributions des apprenants sont constructives (elles apportent ou font la demande d’informations nouvelles) et transactives (elles [se] construisent sur les précédentes contributions des partenaires), et lorsque les tours de parole sont fréquents et répartis de façon égale entre les apprenants (symétrie de participation) (Menekse et Chi, 2019), (Weinberger et al., 2007). Par ailleurs, collaborer demande aux apprenants de gérer de façon mutuelle non seulement l’espace cognitif, c’est-à-dire les activités cognitives et métacognitives qui permettent de réaliser la tâche, mais également l’espace relationnel, c’est-à-dire les activités socio-émotionnelles requises pour construire une représentation partagée et maintenir la cohésion et le bien-être au sein du groupe (Barron, 2003). Dans sa troisième étude, Avry (Avry, 2021) montre que la qualité relationnelle (perçue) de la collaboration peut avoir une influence sur l’effort cognitif que les apprenants fournissent pour résoudre la tâche, et est également fonction des stratégies que ces derniers mettent en œuvre pour réguler leurs émotions et celles de leur partenaire.

A ce jour, dans le domaine de l’apprentissage collaboratif médiatisé par ordinateur (Computer-Supported Collaborative Learning ou CSCL), les recherches se sont surtout centrées sur l’étude des facteurs et processus (socio-)cognitifs de l’apprentissage collaboratif. Comme le soulignent Radkowitsch et al. (Radkowitsch et al., 2020), les études CSCL qui intègrent des mesures de la motivation sont rares, et les conceptualisations de la motivation sur lesquelles elles s’appuient sont diverses ce qui rend difficile l’exercice de généralisation des résultats (notamment ceux relatifs à l’effet des scripts collaboratifs sur la motivation, focus de la méta-analyse de Radkowitsch et ses coauteurs. Il en est également de même pour les recherches qui s’intéressent aux émotions et à leur relation avec les processus collaboratifs (Avry, 2021), (Avry et al., 2020), (Molinari et al., 2017). Par ailleurs, les technologies étudiées dans le domaine CSCL visent à soutenir davantage les processus rattachés à l’espace cognitif de la collaboration que ceux rattachés à l’espace relationnel. Ainsi, concevoir des technologies pour favoriser le bien-être et la motivation dans l’apprentissage collaboratif est un objectif relativement récent. Les outils d’awareness peuvent être conçus et utilisés dans l’objectif de répondre à un tel objectif. Ce sont notamment des outils qui vont inciter les apprenants, à différents moments de la tâche collaborative, à s’exprimer sur la qualité des comportements sociaux au sein de leur équipe (voir l’outil Radar de Phielix et al. (Phielix et al., 2011), sur leur niveau de motivation (voir l’application mobile S-REG de Järvenoja et al. (Järvenoja et al., 2020) ou lorsqu’ils les invitent à partager les émotions qu’ils ressentent à leur partenaire (voir l’outil d’awareness émotionnel de Molinari et al. (Molinari et al., 2013), mais également celui de Feidakis et al. (Feidakis et al., 2014). Ces outils d’awareness peuvent être augmentés par des systèmes d’aide ou de recommandation dont le but est d’aider les apprenants à réguler les émotions ressenties pendant la collaboration. Il est alors question de régulation incitative comme c’est le cas avec l’outil d’échantillonnage socio-émotionnel de Bakhtiar et al. (Bakhtiar et al., 2018) qui propose aux apprenants d’identifier ce qui a pu provoquer les émotions qu’ils ressentent et de réfléchir à une stratégie pour les réguler. Les recherches sur les effets des technologies socio-numériques qui encouragent les apprenants à travailler sur les émotions ressenties au cours de la collaboration sont encore peu nombreuses mais leurs résultats sont encourageants. Par exemple, Eligio et al. (Eligio et al., 2012) mais aussi Avry et al. (Avry et al., 2020), Avry et Molinari (Avry et Molinari, 2018) ou encore Molinari et al. (Molinari et al., 2013) montrent que le fait d’inciter les apprenants à partager leurs émotions peut apporter de nombreux bénéfices comme améliorer la compréhension du partenaire (élément important en situation de collaboration à distance où il est généralement plus difficile de connaître l’autre et, en particulier, savoir ce qu’il ressent), favoriser le bien-être, maintenir la motivation du groupe à réussir la tâche et améliorer la qualité de la relation, notamment lorsque les apprenants ont de faibles compétences de régulation émotionnelle.

4. Les questions abordées dans ce numéro spécial

Cinq articles composent ce numéro spécial, dont un article théorique et quatre articles empiriques. L’article théorique (Heutte) rend compte des origines de la psychologie positive, du concept de flow et de la technologie positive. Parmi les articles empiriques, trois abordent la dimension des émotions tandis que le quatrième s’intéresse à la motivation et l’engagement des apprenants. Ainsi, deux articles s’intéressent à l’expérience émotionnelle dans des situations d’apprentissage qui utilisent des technologies émergentes en éducation comme le jeu sérieux (Galaup et al.) et la réalité virtuelle (Brigaud et al.), un article s’interroge sur la façon de concevoir des environnements numériques d’apprentissage pour favoriser un climat de confiance (Samaniego Cho et al.) et un article porte sur la ludification expressive adaptative, une approche de conception basée, entre autres, sur les affordances motivationnelles de l’environnement numérique d’apprentissage (Lavoué et Serna).

Jean Heutte propose une articulation du concept de flow avec celui d’expérience optimale en lien avec l’évolution de la psychologie au cours 20e siècle. Cette articulation permet de comprendre en quoi le concept de flow a favorisé la naissance de la psychologie positive à l’entrée du 21e siècle. En effet, le concept de flow a ceci de particulier qu’il a été conceptualisé à l’origine par l’un des deux fondateurs de la psychologie positive : Mihaly Csikszentmihalyi. Jean Heutte s’attache tout autant à décrire la psychologie positive que le concept de flow pour finalement en montrer toutes les implications et applications dans le domaine des technologies éducatives. Le lecteur pourra également découvrir que si le flow est sans conteste un atout majeur pour l’apprentissage, notamment au travers de l’absorption cognitive, cet engagement peut nourrir quelques désillusions voire, dans certains cas, faire basculer « l’apprenti sorcier » vers le côté obscur. Enfin, la conclusion de l’article se donne pour ambition de dessiner les premières ébauches d’une définition du champ des technologies positives pour l’apprentissage.

L’article rédigé par Michel Galaup, Hervé Pingaud, Catherine Pons-Lelardeux et Pierre Lagarrigue, propose une démarche de conception et d’évaluation en situation réelle d’apprentissage du serious game CLONE destiné à la formation d’élèves-infirmiers. Les auteurs abordent la question de l’expérience positive d’apprentissage sous l’angle de l’équilibre entre le niveau de difficulté de la tâche et les compétences du sujet, de manière à proposer une expérience adaptée et surtout réalisable dans le temps de la formation. Ils questionnent l’émotion et le bien-être procurés lors de la séance d’utilisation de CLONE, ainsi que l’impact sur les apprentissages perçus, observés à l’aide de traces numériques d’interaction et de questionnaires.

Emmanuelle Brigaud, Lucie Bachelard, Julien Vidal, Aude Michel et Nathalie Blanc s’interrogent sur les apports de la réalité virtuelle à l’apprentissage, et ce, dans le contexte particulier d’un environnement artistique dédié à l’exploration de l’œuvre de Salvador Dali. Dans cette recherche, trois conditions ont été comparées, une condition où les participants exploraient l’environnement par le biais d’une vidéo en 360° visionnée sur l’écran d’un ordinateur et deux conditions où l’exploration se faisait via un casque de réalité virtuelle (RV). Dans la condition de vidéo, l’exploration était passive ce qui était aussi le cas dans une des deux conditions de RV où les participants n’avaient pas le contrôle sur leurs déplacements (métaphore des rails). En revanche, l’exploration était active dans la condition de RV où les participants pouvaient contrôler leurs déplacements (métaphore de la téléportation). Les questions de recherche concernent les effets de la RV et des conditions de navigation sur la mémorisation des éléments de l’environnement artistique, le ressenti émotionnel des participants et leur satisfaction à l’égard de l’environnement. Les résultats montrent que les participants font l’expérience d’émotions positives comme l’émerveillement, l’intensité de ces émotions ne variant toutefois pas entre les conditions. Par ailleurs, la possibilité offerte par la réalité virtuelle de naviguer de façon active dans l’environnement artistique renforce son caractère ludique et favorise la mémorisation de ses éléments.

José Samaniego Cho, Stéphanie Mailles Viard Metz, Julien Vidal et Nathalie Blanc s’intéressent à la confiance en situation d’apprentissage. Dans cette recherche, deux groupes de participants, l’un caractérisé par un haut niveau initial de confiance (ou confiance généralisée), l’autre par une faible confiance généralisée, ont participé à un jeu économique sur ordinateur (le jeu de la confiance). Deux versions de l’environnement de jeu ont été comparées, l’une suscitant de la confiance, l’autre de la méfiance. Ces deux versions ont été obtenues en faisant varier les caractéristiques de l’interface (photographie et prénom des joueurs) et l’importance des sommes reçues (élevées vs. faibles). Plusieurs données physiologiques ont été collectées dont les mouvements oculaires (Tobii® modèle X2-60) et les expressions faciales (module Affectiva®). Les résultats montrent l’importance d’aménager l’environnement d’apprentissage de façon à créer un climat de confiance et à susciter des émotions positives. La conclusion de l’article offre des perspectives de recherche intéressantes sur la conception d’interfaces utilisant des technologies positives.

Elise Lavoué et Audrey Serna proposent une approche conceptuelle et pragmatique pour une ludification adaptative expressive des environnements numériques d’apprentissage. Elles font une synthèse des recherches sur les effets de la ludification sur la motivation et l’engagement des apprenants et montrent que les résultats de ces recherches sont mitigés voire contradictoires. A l’issue de cette synthèse, elles introduisent la notion de ludification expressive, et proposent la théorie de l’autodétermination et le concept d’affordances motivationnelles comme socle théorique de cette approche de conception. Elles identifient également différents enjeux associés à la ludification expressive comme la prise en compte des caractéristiques situationnelles, individuelles et de la variation de l’engagement en cours d’apprentissage. Elles font ensuite une revue des méthodes et outils qui prennent en compte le contexte d’apprentissage et les apprenants lors de la conception. Enfin, elles proposent de considérer l’adaptation dynamique de la ludification comme approche complémentaire et nécessaire pour faire face aux fluctuations de l’engagement au cours du temps.

5. Conclusion et perspectives

Les technologies positives pour l’apprentissage forment un champ de recherche en devenir. Les articles de ce numéro spécial laissent entrevoir la spécificité de ces technologies et des approches pour les concevoir. Ils permettent également d’éclairer les contours des nombreuses questions qu’il reste à explorer. Parmi ces questions, il y a celles qui concernent ce qui est visé par ces technologies, à savoir la prise en compte et la promotion du bien-être et du fonctionnement optimal : qu’est-ce que le bien-être en situation d’apprentissage et que veut dire fonctionner de façon positive lorsqu’il s’agit d’apprendre avec le numérique ? En lien direct avec ces questions, il y a celles relatives aux méthodologies à utiliser pour rendre compte de la qualité émotionnelle de l’expérience d’apprentissage, du bien-être et du fonctionnement positif chez l’individu en train d’apprendre. Tout comme des questions éthiques peuvent se poser lorsqu’il s’agit d’interroger les apprenants sur ce qu’ils ressentent ou de détecter automatiquement leurs émotions. D’autres questions concernent la conception proprement dite des EIAH, par exemple : quelles émotions utiliser et comment les utiliser lors de la conception pour favoriser l’apprentissage ; comment s’adapter à une motivation qui fluctue au cours de la tâche, du cours ou de la formation ? Cette dernière question, qui intègre la variable temps dans le processus de conception, croise celles en lien avec les usages du numérique, par exemple : quels effets à court et long-terme ces usages peuvent-ils avoir sur le bien-être et le fonctionnement optimal des apprenants ; quels effets au regard de la durée et de l’intensité des usages, et en fonction des caractéristiques individuelles des apprenants ? Quatorze années séparent ce numéro spécial de celui sur les dimensions émotionnelles de l’interaction dans un EIAH (Nkambou et al., 2007). Rendez-vous dans quatorze ans pour un bilan des recherches sur les technologies positives pour l’apprentissage.

REFERENCES

Abt, C. (1975). Serious Games. Viking Compass.

Androwkha, S. (2020). La présence à distance en e-Formation : Entretien avec Annie Jézégou. Médiations et médiatisations, 3, 59-67.

Avry, S. (2021). Beyond the dichotomy between the socio-cognitive and socio-emotional spaces: the pervasive role of emotions in collaborative problem-solving [thèse de doctorat]. Université de Genève, Suisse.

Avry, S., Chanel, G., Bétrancourt, M. et Molinari, G. (2020). Achievement appraisals, emotions and socio-cognitive processes: How they interplay in collaborative problem-solving? Computers in Human Behavior, 107, 106267.

Avry, S. et Molinari, G. (2018). Sharing emotions impacts computer-supported collaborative processes: Effect of an emotion awareness tool. Travaux neuchâtelois de linguistique, 68, 85-96.

Bakhtiar, A., Webster, E. A. et Hadwin, A. F. (2018). Regulation and socio-emotional interactions in a positive and a negative group climate. Metacognition and Learning, 13(1), 57-90.

Bandura, A. (2003). Auto-efficacité : Le sentiment d’efficacité personnelle. De Boeck.

Barron, B. (2003). When smart groups fail. The journal of the learning sciences, 12(3), 307-359.

Boekaerts, M. (2010). The crucial role of motivation and emotion in classroom learning. Dans H. Dumont, D. Istance et F. Benavides (dir.), The nature of learning: Using research to inspire practice (p. 91-111). Éditions OCDE.

Botella, C., Riva, G., Gaggioli, A., Wiederhold, B. K., Alcaniz, M. et Banos, R. M. (2012). The present and future of positive technologies. Cyberpsychology, Behavior, and Social Networking, 15(2), 78-84.

Bouffard, L. (2019). Review of [Cabanas, E. et Illouz, E. (2018). Happycratie. Comment l’industrie du bonheur a pris le contrôle de nos vies. Premier Parallèle]. Revue québécoise de psychologie, 40(2), 291-295.

Bouvier, P., Lavoué, E. et Sehaba, K. (2014). Defining engagement and characterizing engaged-behaviors in digital gaming. Simulation & Gaming, 45(4-5), 491-507.

Bouvier P., Sehaba K. et Lavoué E. (2014) A trace-based approach to identifying users' engagement and qualifying their engaged-behaviours in interactive systems: Application to a social game. User Modeling and User-Adaptated Interaction (UMUAI), 24(5), 413-451.

Brockmyer J. H., Fox C. M., Curtiss K. A., McBroom E., Burkhart K. M. et Pidruzny J. N. (2009). The development of the game engagement questionnaire: A measure of engagement in video game-playing. Journal of Experimental Social Psychology, 45(4), 624-634.

Buchs, C., Butera, F., Mugny, G. et Darnon, C. (2004). Conflict elaboration and cognitive outcomes. Theory into practice, 43(1), 23-30.

Calvo A. et Peters D. (2014). Positive computing: Technology for wellbeing and human potential. MIT Press.

Calvo A. et Peters D. (2015). Introduction to positive computing: Technology that fosters wellbeing. Dans Proceedings of the 33rd Annual ACM Conference Extended Abstracts on Human Factors in Computing Systems (p. 2499-2500). Association for Computing Machinery.

Davis, F. D. (1989). Perceived usefulness, perceived ease of use and user acceptance of information technology. MIS Quarterly, 13(3), 319–339.

Deci, E. L. et Ryan, R. M. (1985). Intrinsic motivation and self-determination in human behavior. Plenum Press.

Deci, E. L. et Ryan, R. M. (dir.). (2002). Handbook of self-determination research. University of Rochester Press.

Deterding, S. (2011). Situated motivational affordances of game elements: A conceptual model. Dans Proceedings of Gamification: Using game design elements in non-gaming contexts, a workshop at CHI (p. 1979742-1979575).

Deutsch, M. (1949). A theory of co-operation and competition. Human relations, 2(2), 129-152.

D’Mello, S. et Graesser, A., (2012). AutoTutor and affective AutoTutor: Learning by talking with cognitively and emotionally intelligent computers that talk back. ACM Transactions on Interactive Intelligent Systems (TiiS), 2(4), 1-39.

Dweck, C. S. et Leggett, E. L. (1988). A social-cognitive approach to motivation and personality. Psychological Review, 95(2), 256.

Eligio, U. X. (2010). Emotion understanding during computer-supported collaboration. [thèse de doctorat]. Université de Nottingham, UK.

Eligio, U. X., Ainsworth, S. E. et Crook, C. K. (2012). Emotion understanding and performance during computer-supported collaboration. Computers in Human Behavior, 28(6), 2046-2054.

Eysenbach, G. (2008). Medicine 2.0: social networking, collaboration, participation, apomediation, and openness. Journal of medical Internet research, 10(3), e22.

Ez-Zaouia, M., Tabard, A. et Lavoué, É (2020). Emodash: A dashboard supporting retrospective awareness of emotions in online learning. International Journal of Human-Computer Studies, 139, 102411.

Feidakis, M., Caballé, S., Daradoumis, T., Jiménez, D. G. et Conesa, J. (2014). Providing emotion awareness and affective feedback to virtualised collaborative learning scenarios. International Journal of Continuing Engineering Education and Life Long Learning, 24(2), 141-167.

Fenouillet, F. (2017). La motivation (3e édition). Dunod.

Fu, F., Su, R. C. et Yu, S. C., (2009). EGameFlow: A scale to measure learners’ enjoyment of e‑learning games. Computers & Education, 52, 101-112.

Gibson, J. J. (1977). The theory of affordances. Hilldale, 1(2), 67-82

Higgins, E. T. (1997). Beyond pleasure and pain. American Psychologist, 52(12), 1280–1300.

Järvenoja, H., Järvelä, S. et Malmberg, J. (2020). Supporting groups’ emotion and motivation regulation during collaborative learning. Learning and Instruction, 70, 101090.

Jennett, C., Cox, A. L., Cairns, P., Dhoparee, S., Epps, A., Tijs, T. et Walton, A. (2008). Measuring and defining the experience of immersion in games. International Journal of Human-Computer Studies, 66(9), 641–661.

Johnson, D. W. et Johnson, R. T. (2002). Learning together and alone: Overview and meta‐analysis. Asia Pacific Journal of Education, 22(1), 95-105.

Johnson, D. W., Johnson, R. T., Roseth, C. et Shin, T. S. (2014). The relationship between motivation and achievement in interdependent situations. Journal of Applied Social Psychology, 44(9), 622-633.

Johnson, D. W., Johnson, R. T. et Smith, K. A. (2014). Cooperative learning: Improving university instruction by basing practice on validated theory. Journal on Excellence in University Teaching, 25(4), 1-26.

Lavoué, E., Kazemitabar, M., Doleck, T., Lajoie, S. P., Carrillo, R. et Molinari, G. (2020). Towards emotion awareness tools to support emotion and appraisal regulation in academic contexts. Educational Technology Research and Development, 68(1), 269-292.

Lavoué, É., Molinari, G., Prié, Y. et Khezami, S. (2015). Reflection-in-action markers for reflection-on-action in Computer-Supported Collaborative Learning settings. Computers & Education, 88, 129-142.

Lavoué, É., Molinari, G. et Trannois, M. (2017). Emotional data collection using self-reporting tools in distance learning courses. Dans Proceedings of IEEE 17th International Conference on Advanced Learning Technologies (p. 377-378).

Leony, D., Muñoz-Merino, P. J., Pardo, A. et Kloos, C. D. (2013). Provision of awareness of learners’ emotions through visualizations in a computer interaction-based environment. Expert Systems with Applications, 40(13), 5093-5100.

Martin-Krumm, C. (2018). Découvrir la psychologie positive. Dunod.

Menekse, M. et Chi, M. T. (2019). The role of collaborative interactions versus individual construction on students’ learning of engineering concepts. European Journal of Engineering Education, 44(5), 702-725.

Molinari, G., Avry, S. et Chanel, G. (2017). Les émotions dans les situations de collaboration et d’apprentissage collaboratif médiatisées par ordinateur. Raisons éducatives, 1, 175-190.

Molinari, G., Chanel, G., Bétrancourt, M., Pun, T. et Bozelle Giroud, C. (2013). Emotion feedback during computer-mediated collaboration: Effects on self-reported emotions and perceived interaction. Dans Proceedings of CSCL-2013.

Molinari, G., Poellhuber, B., Heutte, J., Lavoué, E., Widmer, D. S. et Caron, P. A. (2016). L’engagement et la persistance dans les dispositifs de formation en ligne : regards croisés. Distances et médiations des savoirs. Distance and Mediation of Knowledge, 13.

Montero, C. et Suhonen, J. (2014). Emotion analysis meets learning analytics: online learner profiling beyond numerical data. Dans Proceedings of the 14th Koli calling international conference on computing education research (p. 165-169).

Nkambou, R., Delozanne, E. et Frasson, C. (2007). Editorial du numéro spécial « Les dimensions émotionnelles de l'interaction dans un EIAH ». Revue STICEF, 14. http://sticef.univ-lemans.fr/num/vol2007/sticef_2007_editoEmotions.htm

Norman, D. A. (1999). Affordances, conventions and design. Interactions, 6(3), 38-43.

Parchman, S. W., Ellis, J. A., Christinaz, D. et Vogel, M. (2000). An evaluation of three computer-based instructional strategies in basic electricity and electronic. Military Psychology, 12, 73–87.

Parks, A. C. et Schueller, S. M. (2014). The Wiley Blackwell handbook of positive psychological interventions. Wiley Blackwell.

Pekrun, R. (2014). Emotions and learning. Educational practices series, 24(1), 1-31.

Pekrun, R., Goetz, T., Frenzel, A. C., Barchfeld, P. et Perry, R. P. (2011). Measuring emotions in students’ learning and performance: The Achievement Emotions Questionnaire (AEQ). Contemporary Educational Psychology, 36(1), 36-48.

Peterson C., Maier, S. F. et Seligman, M. E. P. (1993). Learned helplessness: A theory for the age of personal control. Oxford University Press.

Phielix, C., Prins, F. J., Kirschner, P. A., Erkens, G. et Jaspers, J. (2011). Group awareness of social and cognitive performance in a CSCL environment: Effects of a peer feedback and reflection tool. Computers in Human Behavior, 27(3), 1087-1102.

Porter, D. (1978). Patient responses to computer counselling. Dans F. H. Orthner (dir.), Proceedings of the Second Annual Symposium on Computer Applications in Medical Care (p. 233-237). IEEE Computer Society.

Radkowitsch, A., Vogel, F. et Fischer, F. (2020). Good for learning, bad for motivation? A meta-analysis on the effects of computer-supported collaboration scripts. International Journal of Computer-Supported Collaborative Learning, 15(1), 5-47.

Riva, G., Banos, R. M., Botella, C., Wiederhold, B. K. et Gaggioli, A. (2012). Positive technology: using interactive technologies to promote positive functioning. Cyberpsychology, Behavior, and Social Networking, 15(2), 69-77

Riva, G., Mantovani, F. et Wiederhold, B. K. (2020). Positive Technology and COVID-19. Cyberpsychology, Behavior, and Social Networking, 23(9), 581-587.

Ruiz, S., Charleer, S., Urretavizcaya, M., Klerkx, J., Fernandez-Castro, I. et Duval, E. (2016). Supporting learning by considering emotions: tracking and visualization a case study. Dans D. Gašević (dir.), Proceedings of the sixth international conference on learning analytics & knowledge (p. 254-263). Association for Computing Machinery.

Seligman, M. (2018). PERMA and the building blocks of well-being. The Journal of Positive Psychology, 13(4), 333-335.

Seligman, M. E. P. et Csikszentmihalyi, M. (2000). Positiv psychology: An introduction. American Psychologist, 55, 5–14.

Shankland, R. (2014). La psychologie positive. Dunod.

Staw, B. M. (1981). The escalation of commitment to a course of action. Academy of management Review, 6(4), 577-587.

Steel, P. (2007). The nature of procrastination: A meta-analytic and theoretical review of quintessential self-regulatory failure. Psychological Bulletin, 133(1), 65-94.

Sutter Widmer, D. et Szilas, N. (2015). Déterminants motivationnels et qualité de l’expérience dans un jeu vidéo en algèbre. Dans Actes de la conférence EIAH 2015.

Sweetser, P. et Wyeth, P. (2005). GameFlow: a model for evaluating player enjoyment in games. Computers in Entertainment, 3(3), 1-24.

Vallerand, R. et Bragoli-Barzan, L. (2019). Passion et bien-être : une analyse multidimensionnelle du fonctionnement optimal en société. Dans C. Martin-Krumm (dir.), Psychologie positive. État des savoirs, champs d'application et perspectives (p. 17-41). Dunod.

Weinberger, A., Stegmann, K. et Fischer, F. (2007). Knowledge convergence in collaborative learning: Concepts and assessment. Learning and instruction, 17(4), 416-426.

Wolters, C. A. (2003). Regulation of motivation: Evaluating an underemphasized aspect of self-regulated learning. Educational psychologist, 38(4), 189-205.

Wouters, P., van Nimwegen, C., van Oostendorp, H. et van der Spek, E. D. (2013). A meta-analysis of the cognitive and motivational effects of serious games. Journal of Educational Psychology, 105, 249-265.


Zeiner, K. M., Laib, M., Schippert, K. et Burmester, M. (2016). Identifying experience categories to design for positive experiences with technology at work. Dans Proceedings of the 2016 CHI Conference Extended Abstracts on Human Factors in Computing Systems (p. 3013-3020).

Zhang, P. (2007). Toward a positive design theory: Principles for designing motivating information and communication technology. Advances in appreciative inquiry, 2(1), 45-74.

Zhang, P. (2008). Motivational affordances: Fundamental reasons for ICT design and use. Communications of the ACM, 51(11), 145-147.

Zyda, M. (2005). From visual simulation to virtual reality to games. Computer, 38(9), 25-32.

 

 
Référence de l'article :
Gaëlle MOLINARI, Fabien FENOUILLET, Élise LAVOUÉ, Éditorial du numéro spécial « Les technologies positives pour l’apprentissage », Revue STICEF, Volume 28, numéro 2, 2021, DOI:10.23709/sticef.28.2.0, ISSN : 1764-7223, mis en ligne le 20/05/2022, http://sticef.org
[Retour en haut de cette page] Haut de la page
Mise à jour du 23/05/22