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Volume 28, 2021
Article de recherche

Numéro Spécial
Les technologies positives
pour l'apprentissage



Contact : infos@sticef.org

Confiance et apprentissage médiatisé par ordinateur : une question d'environnement

 

José Anibal SAMANIEGO CHO (Epsylon, Université Paul Valéry Montpellier 3), Stéphanie MAILLES VIARD METZ (ADEF, Aix-Marseille Université), Julien VIDAL, Nathalie BLANC (Epsylon, Université Paul Valéry Montpellier 3)

RÉSUMÉ : Dans cette étude, nous nous sommes intéressés à l’impact de la confiance et de l’émotion sur une situation d’apprentissage médiatisé par ordinateur. À travers une version modifiée du « Jeu de la Confiance », nous avons comparé deux types d’environnement (Confiant vs Méfiant) afin de déterminer si les processus de décision mis en œuvre tiennent compte de cette variable contextuelle ou dépendent uniquement du niveau initial de confiance des participants, habituellement désigné sous les termes de confiance généralisée (CG). Des données de nature différente ont été collectées durant la réalisation de la tâche. La confrontation de ces différentes données permet de révéler l’importance de la qualité intrinsèque de l’environnement en matière de confiance et seulement un effet secondaire de la CG. Ces résultats ouvrent ainsi la voie à des recherches futures qui devront creuser le lien entre confiance et émotion.

MOTS CLÉS : Apprentissage, confiance, émotion, prise de décision.

Computer-mediated trust and Learning : a matter of environment.

ABSTRACT : In this study, we examine the impact of trust and emotion on a computer-mediated learning situation. Through a modified version of the « Trust Game », we compared two types of environment (Trustful vs Distrustful) in order to determine whether the decision-making processes vary as a function of this contextual factor or depend on the individuals’ initial trust level solely. Several measures were collected while participants were performing the task. Overall, this study highlights the importance of the intrinsic quality of the environment in terms of trust and only a minor effect of individuals’ initial trust level. Thus, these results provide promising lines for future research with the need to deepen our understanding of the link between trust and emotion.

KEYWORDS : Learning, trust, emotion, decision-making.

    1. Introduction

    La dernière décennie a vu s’accélérer le développement des environnements d’apprentissage assisté par ordinateur (Azevedo et Hadwin, 2005), face à une demande croissante de contenu attractif et accessible au plus grand nombre. Le développement de ces environnements fait écho à l’exposition sans cesse grandissante aux interfaces numériques et constitue un contexte propice à la personnalisation de l’apprentissage (Lavoué et Rinaudo, 2012) et à son autorégulation (Schunk et Zimmerman, 2013). Parallèlement, les travaux de recherche montrent l’importance de la confiance lors de l’activité d’apprentissage (Lee, 2007). C’est un élément central dans le triptyque Apprenant-Outil-Enseignant, notamment en raison de son rôle essentiel dans la motivation des apprenants (Ennen et al., 2015). Les émotions générées en contexte d’apprentissage sont aussi à considérer. D’après les résultats de Eligio et al. (Eligio et al., 2012), dans un contexte de jeu, lorsque les apprenants ont la possibilité d’échanger et de communiquer quant à leur ressenti émotionnel, une augmentation de la performance est observée, concomitante à la génération d’émotions positives et de l’empathie. Les recherches concernant l’influence positive de la confiance sur le bien-être (Helliwell et Huang, 2011) vont également dans ce sens, bien que les émotions en jeu ne soient pas clairement identifiées.

    Alors même que cette notion de confiance est rarement appréhendée dans les recherches menées en pédagogie numérique (Chae et al., 2016), (Lee, 2007), les scientifiques signalent depuis plusieurs années l’urgence de considérer l’impact des émotions sur les apprentissages. Certains auteurs mettent en avant la possibilité que les émotions positives puissent avoir un effet positif sur l’apprentissage (Pekrun et al., 2002). Dans cette étude, nous souhaitons donc explorer les liens susceptibles d'exister entre la confiance qu’il est possible d’induire dans un dispositif d’apprentissage médiatisé, les émotions qu’il permet de générer et son impact sur une activité d’apprentissage. Pour cela, nous présentons dans un premier temps les concepts étudiés pour préciser notre questionnement et dans un deuxième temps, l’expérimentation mise en œuvre pour le mettre à l’épreuve. Les données récoltées lors de cette expérimentation nous amènent enfin à valider certaines de nos suppositions mais aussi à réfléchir à des préconisations en termes de conception des dispositifs.

    2. Cadre théorique

    2.1. La notion de confiance : du physique au virtuel, de l’inné à l’acquis

    La notion de confiance, du latin confidere : cum, « avec » et fidere « fier », peut paraître simple à appréhender, intuitive, et présente dans le quotidien de tous. De nombreuses disciplines telles que la sociologie, le marketing, la philosophie, la finance ou encore la psychologie portent un regard spécifique sur la notion de confiance, ce qui rend complexe la possibilité de faire émerger une définition consensuelle. Parmi les nombreux auteurs (Alvarez et al., 2003), (Rousseau et al., 1998) qui ont tenté de trouver un point de convergence entre les définitions possibles de ce terme (plus de 70), nous retenons en particulier celle que proposent Mayer et al., que nous avons traduite : il s’agit d’une « volonté d’une personne d’être vulnérable aux actions d’une autre personne en ayant la conviction que cette dernière effectuera une action importante pour le trustor, indépendamment de l’habileté du trustor à contrôler les actions de l’autre personne » (Mayer et al., 1995, p. 712). En effet, cette définition, qui se veut générale et probablement plus consensuelle, implique que la personne appelée trustor accorde sa confiance et remet quelque chose d’important pour elle au trustee (objet de la confiance, pouvant être un individu, un groupe d’individus, une organisation ou une institution) se fie à lui et s’abandonne ainsi à sa fiabilité (Lewis et Weigert, 1985). La confiance serait donc à l’origine d’une prise de risque (Mayer et al., 1995) même si celle-ci reste tout de même modérée et sans conséquence grave pour le trustor. A noter également que la relation de confiance peut être considérée comme un continuum (Bauer et Fatke, 2014) allant de la méfiance (valeur 0) à la confiance totale (valeur 10). La confiance et la méfiance seraient donc indissociables et l’absence totale de confiance correspondrait au plus haut niveau de méfiance. Sabel (Sabel, 1993) évoque aussi la possibilité d’un apprentissage de la confiance, comme si le fait de créer des liens de confiance fructueux devait faciliter et stimuler la création de liens nouveaux (Rettinger et al., 2011).

    Naoui et Zaiem (Naoui et Zaiem, 2015) ont tenté de trouver un lien entre la confiance dite « classique » et la confiance dite « en ligne » ou « e-confiance », soit cette même confiance médiée par une interface numérique connectée à internet. A travers une méta-analyse, ils ont pu mettre en évidence des points communs : toutes les approches appréhendent la confiance lors de situations incertaines ou risquées et il y a toujours une personne, appelée trustor, et un objet de la confiance, appelé trustee. Weckert (Weckert, 2005) va même jusqu’à transposer la confiance dite classique à la confiance dans le domaine du numérique dans toutes ses dimensions. Les recherches relatives au concept de l’e-confiance (Weckert, 2005) se focalisent, pour la plupart, sur les transactions commerciales en ligne. Néanmoins, l’outil Internet ne se résume pas uniquement au commerce électronique. Internet est un média incontournable de communication qui peut contenir aussi bien des sites à vocation commerciale qu’informative. De plus en plus, Internet prend une place centrale dans le travail collaboratif et permet notamment de travailler selon une modalité synchrone (Passig et Schwartz, 2007). Il s’avère donc essentiel de tenir compte de la nature du dispositif (réseau social, module e-learning) dans l’étude de la confiance des utilisateurs et l’impact de cette confiance sur les activités d’apprentissage.

    Plus spécifiquement, la propension à la confiance (Mayer et al., 1995), (Uslaner, 2002), appelée aussi confiance généralisée (CG) propre à chaque individu (Yamagishi et Yamagishi, 1994), mérite d’être considérée. Celle-ci consiste en une prédisposition généralisée à faire confiance, quel que soit le contexte rencontré ou les individus concernés. Elle est durable dans le temps et basée sur des expériences de vie mais aussi sur le tempérament de l’individu, ainsi que sur des facteurs génétiques et biologiques dans une certaine mesure. La CG serait ainsi à l’origine de l’établissement de toute relation de confiance durable. Selon Mayer et al. (Mayer et al., 1995, p. 712), cette « volonté générale de faire confiance aux autres » augmente le niveau mesurable de confiance avant même d’avoir des informations sur le trustee. Elle est typiquement mesurée à travers l’échelle STS (Social Trust Survey) proposée par Rosenberg (Rosenberg, 1956) qui permet de discriminer les individus ayant un niveau de CG élevé de ceux ayant un niveau de CG faible.

    D’après Paxton et Glanville (Paxton et Glanville, 2015), la CG est malléable, et s’adapte aux contraintes de l’environnement. Cet environnement peut être caractérisé comme suscitant de la confiance ou de la méfiance d’après la perception que tout individu peut avoir des actions d’autrui et de leurs conséquences. La notion de CG s’avère essentielle dans notre vie quotidienne car elle indiquerait que chaque expérience vécue pourrait avoir un impact conséquent sur notre manière d’appréhender la confiance. Une expérience qui mettrait à l’épreuve notre confiance pourrait impacter durablement notre CG. En effet, en fonction de la nature des interactions, ces auteurs rapportent une altération possible du niveau de CG. Ils parlent dans ce cas de confiance-état, ce qui contredit la notion de confiance-trait, stable et indépendante de l’environnement (Uslaner, 2002). Paxton et Glanville (Paxton et Glanville, 2015) ont par ailleurs souligné l’importance de considérer la façon dont l’environnement et le niveau de CG de l’individu s’articulent pour créer un contexte congruent versus non congruent d’interactions. La confiance étant basée sur un apprentissage (Sabel, 1993) à partir d’interactions sociales (Powell, 1996), elle est établie lorsque les conditions sont favorables et serait également influencée par la présence d’émotions dans l’environnement (Dunn et Schweitzer, 2005), (Myers et Tingley, 2017). En particulier, la propension d’un individu à établir un lien de confiance envers un autre individu peut être influencée par le comportement de cet individu et éventuellement par l’émotion dérivée de son expression faciale (Campellone et Kring, 2013). Autrement dit, un comportement qui serait en congruence avec l’émotion véhiculée aurait pour effet de renforcer la confiance dans un contexte favorable.

    Parce que les échanges humains sont de plus en plus médiatisés par les ordinateurs, il s’avère essentiel de considérer l’importance de la confiance d’un point de vue individuel (CG) et situationnel (confiance liée à l’environnement), notamment dans le cadre de l’apprentissage. Outre le fait de considérer la confiance comme une disposition individuelle ou comme une propriété émergeant de l’environnement, il s’agit là de mieux comprendre le phénomène de congruence entre le niveau de CG et l’environnement avec l’idée que cette combinaison pourrait favoriser l’apprentissage, et ce d’autant plus que l’environnement suscite des émotions positives.

    2.2. Les émotions et les apprentissages

    Les connaissances scientifiques sur les émotions sont aujourd’hui nombreuses. Il est admis qu’elles sont caractérisées par des réactions ou changements d’états physiologiques et psychologiques, d’une durée relativement courte, en réponse à une situation spécifique (Keltner et Gross, 1999). Ekman (Ekman, 1973) postule que les émotions peuvent être véhiculées par les expressions faciales, et ceci indépendamment de la culture. Il a pour cela établi un système de codage d’actions faciales appelé Facial Action Coding System ou FACS (Ekman et Friesen, 1978). A travers ce système de codage, nous pouvons traduire les expressions faciales en émotions de base (Ekman, 1994) qui constituent les émotions primaires (i.e., joie, colère, tristesse, dégoût, surprise et peur). D’après les résultats de travaux antérieurs, les émotions peuvent être véhiculées par des photographies (Lang et al., 1997) et exercer un effet sur la confiance en fonction de leur valence (Dunn et Schweitzer, 2005). Parmi les émotions primaires, la joie est un marqueur de la confiance (Bewsell, 2012) et le dégoût est un marqueur fort de la méfiance (Kugler et al., 2020). Les émotions, en raison de leur importance pour le caractère adaptatif des êtres humains et de leur présence dans un grand nombre de situations, sont essentielles dans le processus d’apprentissage (Um et al., 2012). En effet, ces auteurs mettent en avant la possibilité que les émotions positives aient un effet positif sur l’apprentissage – voir aussi (Pekrun et al., 2002). Dans ce sens, les caractéristiques de la situation vont influencer les émotions ressenties qui peuvent être bénéfiques pour les émotions positives et délétères pour les émotions négatives sur l’apprentissage et l’engagement (Pekrun et al., 2011).

    La prise en compte des émotions serait ainsi d’une importance centrale pour la construction d’outils pédagogiques utilisant les technologies positives (Riva et al., 2012). D’après ces auteurs, les technologies positives s’appuient sur les travaux dans le champ de la psychologie positive (Seligman et Csikszentmihalyi, 2014). En effet, il serait possible, à travers certains facteurs, d’influencer la qualité perçue de l’expérience, avec l’objectif sous-jacent d’améliorer le bien-être et d’augmenter la motivation chez les individus. Trois types de technologies positives ont été catégorisées :

    - hédoniques (induction d’expériences positives et plaisantes) ;

    - eudémoniques (soutien des individus pour accomplir des expériences engageantes et valorisantes) ;

    - sociales (favoriser les liens sociaux entre individus, groupes et organisations).

    Ces technologies, de par leur visée, sont étroitement liées à l’étude des émotions dans le cadre d’un apprentissage médiatisé par ordinateur.

    Les émotions, bien que par nature brèves, sont susceptibles de modifier la perception d’une situation, allant jusqu’à exercer un effet sur la confiance perçue ou encore sur l’apprentissage. Aujourd’hui, il n’est pas risqué d’avancer que les émotions positives peuvent être propices à l’apprentissage notamment en raison d’un engagement plus important de l’apprenant, ce qui s’avère essentiel pour cultiver la persévérance et la résistance à l’échec (Blanc et Brigaud, sous presse), (Syssau et al., sous presse). Elles auraient également un rôle dans l’établissement de liens de confiance, ceux-ci étant le résultat d’expériences positives répétées avec une personne ou un objet. En effet, la robustesse du lien de confiance serait généralement liée à la qualité des expériences passées mais aussi à l’intensité des émotions positives ressenties pendant l’interaction.

    A notre connaissance, aucune étude n’a jusqu’ici considéré les liens existant dans une situation d’apprentissage entre attention, ressenti émotionnel et confiance. Pourtant, des éléments robustes permettent d’inférer l’existence de ces liens qui restent à confirmer, sachant d’une part que le lien entre émotion et confiance a été identifié à plusieurs reprises (Bewsell, 2012) ; (Dunn et Schweitzer, 2005) ; (Kugler et al., 2020) et d’autre part que le lien entre ressenti émotionnel et attention visuelle a lui aussi été souligné (Kolinsky et al., 2010), (Luminet, 2002). Dans la lignée de ces différents travaux, notre étude vise ainsi à considérer, ensemble, dans une situation d’apprentissage sur ordinateur, attention, ressenti émotionnel et confiance. Les évolutions technologiques nous amènent à envisager l’utilisation des mesures en oculométrie comme moyen d’appréhender au plus près la situation d’apprentissage. En effet, ces mesures rendent possible l’enregistrement concomitant de divers stimuli visuels pendant une tâche d’apprentissage médiatisée. Notons que l’utilisation de l’oculométrie s’est avérée prometteuse dans le domaine de l’apprentissage (Lai et al., 2013), les travaux de Van Gog et Scheiter (Van Gog et Scheiter, 2010) ayant notamment montré que l’étude des mouvements oculaires pouvait permettre d’examiner mais aussi d’améliorer l’apprentissage multimédia. Ceci est également valable lorsque l’émotion est intégrée à la situation d’apprentissage (Park et al., 2015), (Stark et al., 2018). Ainsi, ce choix de prendre en compte les mesures oculométriques accentue la robustesse de notre étude et complète le recueil d’autres mesures qui contribuent à une interprétation plus fine des résultats.

    2.3. Problématique

    La littérature scientifique nous conduit à formuler la problématique suivante : un environnement confiant peut-il aider l’apprenant à générer des émotions positives et donc à être plus efficace dans ses activités d’apprentissage, et ce d’autant plus que son niveau de CG est faible ? Pour mettre à l’épreuve cette hypothèse nous avons choisi d’observer l’apprentissage sous l’angle d’un jeu économique médiatisé par ordinateur et pour lequel l’interface fournit des éléments visuels capables d’induire une émotion positive versus négative à l’individu et ainsi d’instaurer un climat de confiance versus un climat de méfiance. Cette situation d’apprentissage implique une prise de décision de la part de l'apprenant. Cette activité a été utilisée par Paxton et Glanville (Paxton et Glanville, 2015) dans leur étude sur la confiance. Reproduire en partie leur expérimentation nous permet ainsi de nous assurer de la validité scientifique du dispositif mis en œuvre. Par ailleurs, la prise de décision a pour avantage d’être possiblement explorée à partir de la modulation des temps de réponse qui constituent des marqueurs de l’apprentissage (Kyllonen et al., 1991) au même titre que l’adaptation progressive d’une réponse par rapport au contexte (Rosenthal et Zimmerman, 2014). Autrement dit, une diminution progressive du temps de réponse au fil des tours de jeu ainsi qu’une évolution de la réponse apportée selon le contexte sont autant d’indices de l’apprentissage en cours. D’autres indicateurs s’avèrent tout aussi intéressants à considérer pour capter l’apprentissage en cours, avec notamment les profils d’exploration oculaire de l’environnement d’apprentissage et les expressions faciales produites en temps réel qui traduisent le ressenti émotionnel des participants. La combinaison de ces indices de différentes natures offre l’opportunité d’appréhender, sous de multiples angles, comment la situation d’apprentissage est modulée par la confiance, avec une mesure de l’attention et de l’émotion pour mieux cerner les mécanismes sous-jacents à la décision.

    3. Méthode

    3.1. Participants

    Soixante-quatorze participants (48 hommes et 26 femmes ; âge moyen : 20,6 ; écart-type : 2,8) ont volontairement pris part à cette étude. Tous ont rempli un formulaire de consentement et leur recrutement s’est déroulé au sein de l’IUT de Montpellier-Sète à l’Université de Montpellier, en France. Selon leur niveau de CG, les participants ont été exposés à l’un des deux environnements (Confiant vs Méfiant), cette affectation ayant fait l’objet d’un contrebalancement pour favoriser une répartition équilibrée des différents profils de CG sur les deux environnements à comparer. Pour précision, un test de la somme des rangs Wilcoxon a permis de confirmer la présence d’une différence significative entre les deux profils de CG (CG+ correspondant à un niveau de CG élevé, et CG- correspondant à un niveau de CG faible), avec comme score moyen 6,69 (0,92) pour CG+ et 3,63 (0,97) pour CG-, p < .001.

    3.2. Matériel

    Afin de mesurer la CG, nous avons utilisé l’échelle STS (Rosenberg, 1956) qui est la mesure la plus fréquemment utilisée notamment parce qu’elle présente l’avantage d’être générale et possiblement adaptée à de multiples contextes (Alós-Ferrer et Farolfi, 2019), (Bauer et Freitag, 2018). Cette échelle est composée de deux items. Le premier item consistait en l’affirmation suivante : « On peut faire confiance à la plupart des gens ». Le deuxième item était formulé comme suit : « Vous ne pouvez pas vous permettre d’être trop prudent dans vos relations avec les gens ». Ces deux items étaient systématiquement présentés dans cet ordre-ci. Les participants devaient indiquer leur degré d’accord avec ces deux affirmations sur une échelle en 11 points, le score 0 correspondant à « Je ne suis pas du tout d’accord » et le score 10 correspondant à « Je suis tout à fait d’accord ». La moyenne de ces deux scores nous permettait de nous appuyer sur la catégorisation définie par Paxton et Glanville (Paxton et Glanville, 2015) : les participants ayant un score de 6 ou plus avaient un niveau de CG élevé (CG+) et les participants ayant un score de 5 ou moins avaient un niveau de CG faible (CG-).

    En outre, nous avons utilisé le jeu de la confiance (Berg et al., 1995) repris par Paxton et Glanville (Paxton et Glanville, 2015) pour concevoir une situation d’interaction médiatisée par ordinateur. Dans sa version originale, le jeu de la confiance (aussi connu sous le nom de « dilemme du prisonnier ») consiste à prendre des décisions économiques sous forme de jeu de paris avec un partenaire, l’objectif étant de gagner le plus d’argent possible. Les gains potentiels sont dépendants des décisions prises par les partenaires : ils ont le choix entre donner de l’argent, en renvoyer ou le garder. Les joueurs sont associés par paires anonymes. Le participant possède une somme de départ et peut être affecté à la place de premier ou deuxième joueur (pour les besoins de notre expérience, le participant est systématiquement affecté à la place de deuxième joueur). Un tour de jeu se définit de la manière suivante : le premier joueur décide d’envoyer une somme d’argent au deuxième joueur, en sachant que la somme qu’il envoie sera systématiquement triplée par l’expérimentateur (dans notre protocole, la somme envoyée par le premier joueur est fixée au préalable). Le deuxième joueur (i.e., le participant) reçoit la somme du premier joueur et décide soit de retourner, soit de garder la somme reçue. Dix tours sont joués avec un premier joueur différent attribué à chaque tour, constituant ainsi dix paires de joueurs différentes. Contrairement à la version du jeu utilisée par Berg et ses collaborateurs (Berg et al., 1995), celle de Paxton et Glanville (Paxton et Glanville, 2015) est informatisée et a pour objectif de faire croire au participant que la passation se fait, à distance, en interaction avec un autre joueur.

    Nous avons modifié ce jeu, en tenant compte des recommandations avisées de ces auteurs afin de contourner les limites évoquées, à savoir l’ajout à chaque tour du prénom et de la photographie du joueur associé afin de donner un caractère plus réaliste à l’interaction. L’objectif de ce jeu est d’amener le joueur à prendre une décision d’échange économique en fonction de l’environnement dont nous avons fait varier certains paramètres pour comparer deux versions : un environnement confiant versus un environnement méfiant.

    Un environnement qualifié de confiant montrait un tableau de synthèse des dix tours joués par les quatre autres paires de joueurs précédant l’arrivée du participant (affecté donc à la cinquième paire). Ce tableau mettait en évidence des échanges de sommes d’argent relativement importantes (6€ en moyenne) avec des retours sur investissement toujours supérieurs à la somme envoyée par le premier joueur. Dans cet environnement et pour chaque tour, l’interface montrait la photographie du joueur, son prénom et la somme envoyée (plutôt élevée) par ce joueur. La photographie avait pour effet attendu d’induire un climat de confiance à travers des expressions faciales positives, des couleurs vives, une haute luminosité et une posture ouverte. Entre chaque tour, un tableau récapitulatif des actions des autres paires de joueurs était présenté, ainsi qu’un tableau de synthèse des dix tours joués par les autres joueurs en fin de partie.

    L’autre environnement, qualifié de méfiant, montrait une synthèse des dix premiers tours mettant en évidence peu ou pas d’échanges de la part du premier joueur (1€ en moyenne), et quasiment aucun retour sur investissement. L’interface présentait les mêmes éléments visuels que pour l’environnement confiant, à la différence que la photographie avait pour effet attendu d’induire un climat de méfiance à travers des expressions faciales neutres ou négatives, des couleurs froides, une faible luminosité et une posture fermée, sachant que la somme reçue était très faible voire nulle.

    Pour examiner en détail le lien entre émotion et CG, nous avons utilisé deux jeux de photographies, l’un composé de photographies d’individus souriants et l’autre composé d’individus dont les expressions faciales ne traduisent aucun ressenti positif. Ces photographies ont été sélectionnées sur la base des résultats d’une expérience pilote pour laquelle nous avons repris des paramètres d’intérêt définis par Bonnefon et al. (Bonnefon et al., 2013). En effet, à l’aide d’une échelle de Likert en 8 points, nous avons demandé à 92 participants d’évaluer ces photographies d’individus selon le niveau de confiance, l’intelligence perçue, l’attirance, l’agressivité et la valence associée. Cette étude préalable a permis de constituer deux ensembles de photographies qui se distinguent uniquement quant à la valence émotionnelle suscitée : positive versus négative.

    S’agissant du prénom indiqué pour personnifier les joueurs, nous avons pris soin de respecter une concordance avec l’appartenance ethnique des individus photographiés. Nous nous sommes également assurés en amont de la neutralité de ces prénoms, en utilisant les mêmes paramètres que ceux utilisés pour évaluer les photographies.

    Précisons que nous avons fourni des jetons aux participants pour leur permettre de s’appuyer sur un support physique susceptible de les aider dans la gestion des sommes d’argent et ainsi éviter les erreurs quant à la somme restante disponible après chaque tour.

    Pour finir, afin de recueillir les impressions des participants quant aux caractéristiques de la tâche à laquelle ils ont été soumis, les questions suivantes leur étaient posées à l’issue de la passation sur un court temps d’échange : « Dans l’ensemble, comment avez-vous perçu la tâche ? » ; « Vous a-t-elle parue plutôt ludique ou plutôt ennuyeuse ? » ; « D’après vous, un autre joueur était-il systématiquement impliqué de l’autre côté de l’écran ? ».

    3.3. Procédure

    La passation de l’expérience était individuelle et durait en moyenne 15 minutes. Après avoir signé le formulaire de consentement, un court calibrage de l’oculomètre était réalisé. A partir de cette étape, les mouvements oculaires étaient enregistrés. Puis, le niveau de CG des participants était évalué rapidement via les deux items de l'échelle STS (Rosenberg, 1956) afin de les catégoriser en deux groupes (Confiant / CG+ versus Méfiant / CG-) et de soumettre la moitié de chacun de ces deux groupes à un environnement de jeu confiant, l’autre moitié à un environnement méfiant. Les instructions et les règles du jeu étaient ensuite précisées via un écran d’introduction (voir Figure 1).

    Figure 1 • Écran d’instructions et des règles du jeu

    Nous avons demandé aux participants d’être le plus naturel possible et de procéder comme s’ils étaient en situation de face à face avec l’autre joueur tout en rappelant que nous restions à disposition en cas de problème ou de question. Les participants disposaient d’un tableau récapitulatif des 10 tours qui avaient été joués avant qu’ils ne rejoignent la partie, puis commençaient le jeu. Les participants étaient systématiquement placés dans le rôle du deuxième joueur (ils devaient donc prendre la décision de retourner de l’argent ou de le garder). Selon l’environnement dans lequel ils étaient placés, ils pouvaient soit recevoir de l’argent du premier joueur (i.e., environnement confiant) soit ne rien recevoir (i.e., environnement méfiant). Si tel était le cas, le jeu ne leur permettait pas d’en envoyer. Lorsqu’ils étaient en position de retourner de l’argent, ils devaient utiliser l’échelle affichée à l’écran pour indiquer la somme retournée. A la fin de chaque tour, un tableau récapitulatif était présenté aux participants. Ce tableau leur résumait les actions des autres paires de joueurs pendant le dernier tour. Cette procédure se répétait ainsi pendant 10 tours au total, jusqu’à atteindre un dernier tableau récapitulatif des dix tours joués qui était présenté aux participants en fin de passation. La somme retournée, le temps de décision, le ressenti émotionnel et les mouvements oculaires des participants étaient enregistrés tout au long de leur progression dans le jeu. Une fois la tâche terminée, un temps d’échange était organisé avec chaque participant afin de recueillir leurs impressions au travers des trois questions ouvertes que nous avons précisées plus haut.

    3.4. Apparatus

    Pour les besoins de cette étude, nous avons utilisé la plateforme biométrique iMotions® (https://imotions.com/facial-expressions) équipée des modules Affectiva® et Tobii Studio® dans sa version 7.2, installée sur un ordinateur portable HP doté des caractéristiques techniques recommandées pour présenter nos stimuli et collecter les données.

    Le module Affectiva® (iMotions, 2015) nous a permis de collecter des données concernant la mesure des expressions faciales et l’état émotionnel des participants à travers la caméra web de l’ordinateur. Ce module, capable d’automatiser le traitement des actions faciales (FACS) nous permet de quantifier la présence des six émotions primaires associées à des combinaisons particulières des actions faciales détectées. Le module Affectiva® fournit également une mesure globale de la valence émotionnelle qui peut aussi être quantifiée. Ce module a déjà été validé comme étant capable de détecter des émotions autant à partir d’images statiques (Stöckli et al., 2018) qu’à partir de vidéos (Taggart et al., 2016).

    Le module Tobii Studio®, intégré à iMotions® et connecté à un oculomètre de marque Tobii® modèle X2-60, dont la fréquence est de 60Hz, nous a permis de collecter des mesures concernant les mouvements oculaires des participants. En particulier, nous nous sommes intéressés à certains indicateurs susceptibles de révéler au travers des mouvements oculaires des participants leur compréhension de la situation de jeu et l’engagement attentionnel sur des zones d’intérêt précises (i.e., AOI). Précisément, pour les besoins de notre étude nous avons sélectionné trois indicateurs qui sont mentionnés ci-après.

    1) Le temps de la première fixation (TPF) correspond au temps (en secondes) écoulé avant qu’un participant ne fixe une zone d’intérêt après le début de l’enregistrement (Snyder et al., 2015). C’est un indicateur utile pour examiner l’allocation de l’attention initiale non orientée (Corbetta et Shulman, 2002) liée à la saillance visuelle de l’élément (Yantis et Egeth, 1999). Généralement, lorsque sa valeur est faible, cela signifie qu’il s’agit d’une fixation immédiate, dès l’apparition de l’image (Naspetti et al., 2016) et indique un niveau attentionnel et de concentration élevé (Thiessen et al., 2014).

    2) Le ratio de fixations représente le temps passé à fixer la zone d’intérêt rapporté au temps total de passation. Il s’agit ici d’une allocation consciente et explicite de l’attention qui permet d’identifier un élément déterminant à la prise de décision (Fiedler et Glöckner, 2012). Ce marqueur témoigne d’un haut niveau attentionnel (Pan et al., 2004).

    3) Le nombre de revisites correspond au nombre de fois qu’une zone d’intérêt a été revisitée et à un réengagement de l’attention sur une zone vue précédemment. D’après Russo et Leclerc (Russo et Leclerc, 1994), une revisite pourrait signifier le début d’une étape de traitement évaluatif. Autrement dit, la prise en compte de cette zone d’intérêt serait modulée par sa saillance pour réduire l’hésitation dans le processus de décision.

    Nous avons utilisé la fonction « Survey » du logiciel iMotions® pour conduire cette expérimentation, en présentant le jeu de la confiance dans sa version informatisée. La somme que les participants souhaitent renvoyer devait être précisée à l’aide de l’échelle qui figurait à l’écran. Les participants disposaient du prénom de l’autre joueur, d’une photo et de la somme reçue (voir Figure 2). La somme retournée était enregistrée tout comme le temps de décision, en parallèle des mesures oculaires et affectives.

    Figure 2 • Exemple de tour dans l’environnement confiant

    3.5. Prédictions

    Dans la situation de jeu médiatisée par ordinateur, les participants étaient supposés apprendre à adapter leurs réponses selon les éléments de contexte mais aussi selon leur propre ressenti. Pour vérifier qu’il y avait bien un processus d’apprentissage, nous avons d’abord vérifié que le temps de jeu diminuait au fil des tours.

    Par ailleurs, et en lien avec notre hypothèse générale, l’environnement, inducteur d’émotions, devrait avoir un effet sur l’apprentissage qui intervient dans la situation de jeu. Si tel est le cas, nous nous attendions à observer, dans l’environnement confiant :

    - une diminution du temps de décision (la décision étant supposée plus facile) ;

    - une hausse progressive de la somme retournée ;

    - une exploration plus précoce de la photographie (AOI 1) et de la somme reçue (AOI 2) ;

    - un ressenti émotionnel positif associé.

    A l’opposé, l’environnement méfiant devrait induire :

    - une baisse progressive de la somme retournée ;

    - une augmentation du temps de décision (la décision étant supposée plus difficile ;

    - une exploration plus longue de la photographie (AOI 1) et de la somme reçue (AOI 2) ;

    - un ressenti émotionnel négatif.

    Ces effets devraient être encore plus prononcés dans le cas d’une congruence entre la confiance (ou méfiance) inspirée par l’environnement avec le niveau de CG initial. Autrement dit, nous nous attendions à observer un effet de la CG sur l’apprentissage mis en œuvre dans la situation de jeu : ceux ayant un niveau de CG faible devraient envoyer des sommes moins importantes et auraient des temps de décision plus longs que ceux ayant un niveau de CG élevé.

    4. Résultats

    Le plan expérimental de cette étude était composé de deux variables indépendantes, la première étant le « niveau de CG » correspondant à deux modalités : CG- (score de 5 ou moins dans l’échelle STS) et CG+ (score au-dessus de 5). La deuxième variable indépendante est le facteur « Environnement » correspondant à deux modalités : Environnement confiant (E+) et Environnement méfiant (E-). Nous avons choisi de croiser ces deux variables de manière à pouvoir comparer quatre conditions expérimentales entre elles : « CG+ E+ », « CG+ E- », « CG- E- » et « CG- E+ ». Nos variables dépendantes étaient les suivantes : le temps de décision et la somme retournée, auxquelles s’ajoutaient deux autres types de mesure tout aussi informatives, à savoir des données oculométriques et des données émotionnelles (c.-à-d. liées à la mesure des expressions faciales).

    Les analyses statistiques ont été réalisées à partir du logiciel RStudio version 3.5.3 (RStudio Team, 2018). Les moyennes des échantillons ne suivant pas la loi normale, nous avons utilisé le test de la somme des rangs de Wilcoxon.

    Précisons également que nous avons pondéré les sommes retournées par les participants en convertissant la somme moyenne donnée en euros en un pourcentage, l’objectif étant d’apprécier la somme retournée d’après le solde disponible. Cette conversion était indispensable pour permettre la comparaison des deux environnements, les participants recevant des sommes plus élevées dans l’environnement confiant comparé à l’environnement méfiant.

    Pour permettre de comparer les 4 conditions expérimentales entre elles, nous avons sélectionné 3 tours de jeu spécifiques, le tour 2, le tour 5 et le tour 8 (c.-à-d. TR2 ; TR5 et TR8). Ce choix s’appuie sur deux raisons principales. La première est que ces trois tours sont les plus représentatifs du parcours de jeu des participants. En effet, au TR2, la phase de familiarisation et de compréhension de l’environnement est terminée, le TR5 correspond à la moitié du parcours et le TR8 correspond au dernier tour actif pour toutes les conditions expérimentales. La deuxième raison est que les participants exposés à un environnement méfiant ne sont pas en position de jouer pendant 5 tours sur 10, ce qui les place en position d’observateurs seulement, et non en position de décideurs.

    4.1. Le temps passé à décider

    Nous avons comparé l’évolution du temps de décision par tour en fonction de l’environnement, et selon le niveau de CG. Il apparaît que tous les participants diminuent leur temps de décision au fur et à mesure des tours (TR2 (= 27,02 ; ET = 2,93) versus TR5 (= 17,80 ; ET = 1,64) : p < .05 ; TR2 (= 27,02 ; ET = 2,93) versus TR8 (= 16,86 ; ET = 2,79) : p < .01), et ce quel que soit l’environnement et le niveau de CG.

    Si le temps de décision est une mesure assez générale qui permet d’avoir une vue globale sur le processus de prise de décision, il est probablement trop large pour révéler des différences entre les deux environnements. En effet, le temps de décision inclut le temps d’exposition et de traitement du stimulus ainsi que le temps de réponse, qui correspond au temps entre le moment où le participant a fait son choix et le temps d'exécution de l’action. Les mesures oculométriques qui sont détaillées plus loin fournissent des indications plus fines qui nous aideront à mieux comprendre et analyser la situation.

    4.2. Les sommes retournées

    Nous avons comparé les moyennes des pourcentages de sommes retournées (sur le solde disponible) pour chacun des trois tours sélectionnés (voir Tableau 1) pour examiner l’évolution de la somme retournée dans les différentes conditions et donc en fonction de l’environnement.

    Tableau 1 • Pourcentages moyens de sommes retournées par tour et par condition

    Environnement

    Niveau de CG

    Tour 2

    Tour 5

    Tour 8

    Pourcentage moyen

    Confiant E+

    CG+

    44,4 %

    54,1 %*

    54,3 %

    51 %

    CG-

    33,5 %

    44,1 %

    46,3 %*

    41,3 %*

    Méfiant E-

    CG+

    20,5 %

    20,4 %

    16 %

    19 %***

    CG-

    20 %

    19 %

    13,5 %**

    17,5 %***

    Les participants CG+ placés dans un environnement confiant ont tendance à envoyer des sommes plus importantes dès le tour 5 (TR2 vs TR5 : p = .05*), alors qu’il faut attendre le tour 8 pour les participants CG- (TR2 vs TR8 : p = .05*). De plus, les participants CG- placés en environnement méfiant ont tendance à envoyer des sommes de moins en moins importantes au fil des tours (TR2 vs TR8 : p < .01** ; TR5 vs TR8 : p < .05*), alors que les participants CG+ placés en environnement méfiant opèrent aussi une baisse mais moins marquée puisque non significative.

    La comparaison établie entre les 4 conditions expérimentales en prenant en compte le pourcentage moyen des sommes retournées et ce pour les trois tours confondus (i.e., TR2 ; TR5 ; TR8) révèle la présence d’une différence significative entre CG+E+ et CG-E+ (p < .05*). De plus, une différence significative est observée entre la condition CG+E+ et CG+E- (p < .001***), mais aussi entre la condition CG+E+ et CG-E- (p < .001***). Enfin, une différence significative (p < .001***) est observée entre CG-E+ et les deux autres conditions (CG+E- ; CG-E-).

    En résumé, les participants envoient des sommes plus importantes lorsque leur niveau de CG est élevé et qu’ils sont exposés à un environnement confiant que dans toutes les autres conditions. Ils donnent également plus en condition CG-E+ que dans les deux autres conditions quand l’environnement est méfiant. De manière générale, les participants exposés à un environnement confiant ont tendance à envoyer des sommes plus importantes que ceux exposés à un environnement méfiant. Le poids de l’environnement est donc déterminant mais susceptible d’être nuancé ou renforcé selon le niveau de CG.

    4.3. L’exploration visuelle des zones d’intérêt

    L’analyse statistique des résultats visant à identifier l’influence du niveau de CG sur l’exploration visuelle n’étant pas concluante, seuls les résultats liés à l’influence de l’environnement sur celle-ci sont développés ci-après. Précisément, pour explorer plus avant l’effet de l’environnement (confiant vs méfiant) sur l’exploration visuelle de l’interface de jeu (voir Figure 3), nous avons analysé les mouvements oculaires des participants (ratio de fixations, temps de la première fixation et nombre de revisites) pour deux zones d’intérêt (c.-à-d. AOI) en priorité : la photographie du joueur (AOI 1) et la somme reçue en début de tour (AOI 2).

    Figure 3 • Exemple de carte de chaleur représentant les zones d’intérêt

    4.4. L’exploration visuelle de la photographie du joueur

    Comme illustré dans la figure 4, les participants exposés à l’environnement confiant ne modifient pas leur ratio de fixations pour la photographie au fil des tours. En revanche, les participants placés dans l’environnement méfiant ont tendance à diminuer leur ratio de fixations en fonction des tours (TR2 vs TR8 : p = .08). Notons aussi qu’au TR2, les participants en environnement méfiant fixent plus longuement la photographie que les participants placés en environnement confiant (p < .01**).


    Figure 4 • Ratios de fixations pour la photographie en fonction de l’environnement et par tour

    La figure 5 montre que les participants exposés à un environnement confiant diminuent leur TPF (temps de la première fixation) pour la photographie (AOI 1) entre le TR2 et les deux tours suivants (TR2 vs TR5 : p = .05* ; TR2 vs TR8 : p < .05*). De plus, ils ont un TPF qui est plus long au TR2 que pour les participants en environnement méfiant (p < .05*). Notons qu’aucune différence significative n’est observée entre les tours en environnement méfiant.

    Figure 5 • TPF pour la photographie en fonction de l’environnement et par tour

    Si les participants placés en environnement confiant présentent un patron de revisites inchangé sur les différents tours, les participants placés en environnement méfiant ont tendance à diminuer le nombre de revisites (TR2 vs TR8 : p = .06) au fil des tours (voir Figure 6).

    Figure 6 • Nombre de revisites pour la photographie en fonction de l’environnement et par tour

    En résumé, la CG n’est pas un facteur dont l’influence est prépondérante dans la prise d’informations visuelles. En revanche, le type d’environnement conduit à observer des profils d’exploration différents. L’environnement confiant est associé à un ratio de fixations et à un nombre de revisites de la photographie constant entre les trois tours et une diminution du temps de la première fixation entre le TR2 et le TR5. En environnement méfiant, le ratio de fixations de la photographie est plus élevé puis diminue au fil des tours, tout comme le nombre de revisites et le TPF intervient beaucoup plus tôt au TR2. Ces données oculométriques suggèrent donc que la photographie n’a pas la même incidence dans le processus de décision en environnement confiant versus en environnement méfiant.

    4.5. L’exploration visuelle de la somme reçue

    S’agissant de l’information relative à la somme reçue (AOI 2), deux principaux résultats émergent des analyses réalisées. Si le ratio de fixations ne révèle aucune différence significative entre les tours, selon le type d’environnement, le TPF de cette zone d’intérêt (voir Figure 7) indique que les participants exposés à l’environnement confiant fixent la somme reçue plus précocement, entre TR2 et TR5 (p < .01**), tout comme les participants exposés à l’environnement méfiant (TR2 vs TR5 : p < .05*). Par contre, les participants en environnement confiant maintiennent ce comportement au TR8 (TR2 vs TR8 : p < .01**), ce qui n’est pas le cas des participants exposés à l’environnement méfiant.

    Figure 7 • TPF pour la somme reçue en fonction de l’environnement et par tour

    Comme le montre la figure 8, les participants dans l’environnement confiant présentent une diminution du nombre de revisites entre TR2 et TR8 (p < .05*) tout comme les participants dans l’environnement méfiant (TR2 vs TR8 : p < .01**).

    Figure 8 • Nombre de revisites pour la somme reçue en fonction de l’environnement et par tour

    En résumé, si le ratio de fixations de la somme reçue ne révèle aucune différence significative entre les tours selon le type d’environnement, le TPF indique une fixation de cette information plus précoce dès le TR5, qui perdure dans le temps seulement en environnement confiant. S’agissant des revisites, elles sont de moins en moins fréquentes indépendamment de l’environnement. Ces données oculométriques révèlent une différence subtile entre les deux environnements qui indique une prise d’informations plus stabilisée en environnement confiant.

    4.6. Le ressenti émotionnel

    Enfin, nous avons mené une analyse qualitative des données recueillies à l’aide d’Affectiva® qui a permis d'enregistrer les expressions faciales des participants et d’en déduire une mesure de la valence émotionnelle positive avec un focus plus particulier sur la joie ressentie. Ces données, recueillies au fil des tours présentent un intérêt pour caractériser plus précisément les différences entre environnement confiant et environnement méfiant (voir Tableau 2). 

    Au plan de la valence émotionnelle positive, il semble que les participants exposés à l’environnement confiant se démarquent des participants exposés à l’environnement méfiant à deux égards. Premièrement, le pourcentage moyen d’expressions faciales positives est plus élevé en environnement confiant (66 %) qu’en environnement méfiant (17 %). Deuxièmement, si ce pourcentage d’expressions faciales positives se maintient au fil des tours en environnement confiant (4 % de différence entre TR2 et TR8), il diminue en environnement méfiant dès le TR5 (baisse de 32 %).

    Tableau 2 • Pourcentages moyens des expressions faciales positives selon l’environnement et en fonction des tours

    Environnement

    Tour 2

    Tour 5

    Tour 8

    Pourcentage moyen

    Confiant

    70 %

    62 %

    66 %

    66 %

    Méfiant

    37 %

    5 %

    9 %

    17 %

    Plus précisément encore, d’après les mesures prélevées à l’aide d’Affectiva®, le ressenti de la joie semble traduire la même tendance : la joie semble plus prégnante et relativement constante chez les participants exposés à l’environnement confiant alors que ceux placés en environnement méfiant voient leur ressenti de joie diminuer de façon importante dès le TR5 (voir Figure 9).

    Figure 9 • Émotion primaire de joie en fonction des tours et de l’environnement

    En résumé, le ressenti émotionnel des participants tel qu’évalué par Affectiva® paraît plus marqué positivement en environnement confiant qu’en environnement méfiant, avec l’émotion de joie qui persiste au fil des tours seulement dans l’environnement confiant.

    5. Discussion

    Notre expérimentation avait pour objectif d’examiner si un environnement confiant supposé générer des émotions positives peut aider l’apprenant à être plus efficace dans ses activités d’apprentissage (Pekrun et al., 2002).

    Dans cette expérimentation, nous avons identifié deux groupes de participants, l’un caractérisé par un niveau de confiance généralisée élevé, l’autre étant composé d’individus à faible niveau de confiance généralisée. Ces participants ont réalisé un jeu économique sur ordinateur dans lequel ils devaient prendre des décisions (déterminer le montant à remettre en jeu à partir d’une somme reçue) en fonction de la situation. Nous avons fait varier l'environnement de jeu en modifiant les caractéristiques de l’interface (photographie et prénom des joueurs) et l’importance de la somme reçue (élevée vs faible).

    Premièrement, nous avons constaté que le temps de décision diminue au fil des tours, quelle que soit la condition et le groupe. Nous pouvons donc penser que cette situation génère un processus d’apprentissage chez les participants. Les participants ayant été interrogés en fin de passation sur leur vécu de l’expérience, l’analyse qualitative de leurs réponses nous permet d’écarter l’idée que cette diminution serait majoritairement due à un phénomène de lassitude en raison de la répétition de la tâche. En effet, tous ont rapporté avoir évalué la tâche comme étant ludique.

    Deuxièmement, l’exploitation de la grande diversité des données permet de retirer deux principales contributions. La première contribution est que le niveau de confiance généralisée n’intervient que de façon secondaire dans cette situation de jeu économique. La seconde est que le type d’environnement (confiant vs méfiant) s’est révélé être un facteur dont l’influence est prépondérante sur les différentes modalités de réalisation de l’activité d’apprentissage. Ces deux contributions sont précisées ci-après.

    5.1. L’effet du niveau de confiance généralisée (CG) sur la réalisation de la tâche

    La confiance généralisée n’a eu qu’un effet secondaire sur la réalisation de la tâche qui n’est réellement visible que sur le montant de la somme retournée au fil des tours.

    Ces résultats peuvent témoigner d’un effet mineur de la confiance généralisée sur l’apprentissage. L’étude des sommes retournées révèle un renforcement de la nature de la décision qui est encore plus adaptée au contexte et à l’environnement présent en fonction du niveau de confiance généralisée. La confiance généralisée, du fait de son caractère stable, viendrait amplifier certaines prises de décision et comportements, mais ne serait pas une variable déterminante du comportement humain (Uslaner, 2002). Ces résultats, qui font apparaître une forme de stabilité et de linéarité de la confiance généralisée ne vont néanmoins pas dans le sens d’une vision malléable telle qu’elle a été présentée par Paxton et Glanville (Paxton et Glanville, 2015).

    5.2. L’effet de l’environnement (confiant vs méfiant) sur la réalisation de la tâche : apports des mesures cognitives et affectives

    5.2.1. L’environnement explicatif de la nature de la décision

    S’agissant des caractéristiques de l’environnement (Confiant vs Méfiant), elles agissent sur la somme retournée, avec un pourcentage plus important en environnement confiant qu’en environnement méfiant. Lorsque le niveau de confiance généralisée est congruent avec l’environnement (CG+E+ ; CG-E-), les patrons de résultats observés sont encore plus marqués, avec une influence conjointe de la confiance généralisée et de l’environnement sur le processus de décision. Dans le cas d’un environnement confiant, les individus s’orientent vers une augmentation de la somme retournée, et cette décision intervient d’autant plus précocement (dès le cinquième tour) qu’ils présentent un niveau de confiance généralisée élevé. Les participants ayant un bas niveau de confiance généralisée en environnement méfiant ont eux tendance à envoyer des sommes de moins en moins importantes avec une baisse notable à partir du huitième tour. Ces mêmes participants n’augmentent réellement la somme retournée qu’à ce dernier tour dans un environnement confiant.

    Ces comportements témoignent d’une prise de décision et d’un apprentissage qui se ferait de manière progressive et tacite (Herschel et al., 2001). Cet effet majeur de l’environnement sur la nature de la décision va dans le sens d’une adaptation progressive de la réponse par rapport au contexte (Rosenthal et Zimmerman, 2014).

    5.2.2. L’environnement explicatif d’un traitement spécifique de l’information

    Si les temps de décision ne signalent pas de différence notable entre environnement confiant et environnement méfiant, leur diminution au fil des tours témoigne d’un apprentissage effectif pour tous les participants, indépendamment de leur niveau de confiance généralisée. Ces résultats sont à l’image de ceux de Kyllonen et al. (Kyllonen et al., 1991) qui signalent un apprentissage général de la situation de jeu au travers de la diminution des temps de décision.

    A la différence des temps globaux de passation, les données oculométriques mettent en évidence des différences entre les deux types d’environnement notamment au regard des profils d’exploration des deux zones d’intérêt que sont la photographie du deuxième joueur et la somme reçue.

    Précisément, dans l’environnement confiant, les participants présentent un ratio de fixations et un nombre de revisites de la photographie stable au fil des tours. Dans l’environnement méfiant, les participants ont un ratio de fixations de la photographie plus important (que ceux placés en environnement confiant) au démarrage du jeu et un nombre de revisites qui a tendance à diminuer au fil des tours. Le patron d’exploration de l’interface est donc bien sensible aux caractéristiques de la photographie : si l’autre joueur est associé à une photographie positive, les stratégies d’exploration de l’interface paraissent plus régulières et constantes dans le temps. En revanche, lorsque l’autre joueur affiche une expression faciale plus neutre, les participants ont un profil d’exploration qui varie au fil des tours avec notamment une diminution pour les ratios de fixations, les TPF et les revisites. D’après les travaux de Wästlund et al. (Wästlund et al., 2018), ce désengagement progressif observé sur la photographie en environnement méfiant pourrait être expliqué par l’utilisation de la vision périphérique en priorité pour le traitement de la situation en raison de la similarité des stimuli (photographies semblables). En effet, les participants semblent employer une stratégie d’exploration de plus en plus rapide et superficielle de la photographie, qui pourrait correspondre à l’utilisation de la vision périphérique au détriment de la vision centrale. Selon ces auteurs, lorsque les patrons d’exploration visuelle renforcent l’idée d’un recours à la vision périphérique cela signifie aussi que la zone d’intérêt est jugée comme étant non essentielle à la prise de décision (diminution de la saillance) et/ou pourrait traduire un évitement attentionnel de certains stimuli jugés négatifs (Kolinsky et al., 2010), (Luminet, 2002).

    Conformément aux résultats de Fiedler et Glöckner (Fiedler et Glöckner, 2012), cette régularité dans le profil d’exploration dans l’environnement confiant permet d’identifier la photographie comme étant un élément déterminant à la prise de décision. Ainsi, les participants en environnement confiant prendraient systématiquement appui sur la photographie et donc sur les caractéristiques de l’autre joueur pour choisir le comportement le plus adapté, tout en gardant appui sur cette zone d’intérêt au fil des tours pour se conforter dans leur décision. Dans ce scénario, les participants privilégient une décision basée sur le deuxième joueur (élément saillant de l’environnement), contrairement aux participants en environnement méfiant pour qui cette zone d’intérêt n’est pas essentielle pour la prise de décision, ou trop similaire au fil des tours.

    Concernant la somme reçue, les participants fixent cette zone d’intérêt de manière stable, indépendamment de l’environnement. La stabilité observée dans la prise d’information et le fait de ne pas nécessiter de consolidation seraient dus à l’apprentissage de la situation de jeu. Néanmoins, la saillance de cette zone est dépendante de l’environnement. Dans l’environnement confiant, les participants regardent cette zone de plus en plus précocement lors de l’apparition de l’interface de jeu ce qui signale une plus grande fluidité dans la prise d’information essentielle à la décision. Ces résultats confortent l’idée que cette zone est précocement prise en compte pour faciliter la décision, ce qui est moins le cas dans l’environnement méfiant.

    5.2.3. L’environnement explicatif de ressentis émotionnels différents

    Concernant le ressenti émotionnel des participants, en environnement confiant, le pourcentage moyen d’expressions faciales positives est plus élevé que celui des participants placés en environnement méfiant, et cette observation s’avère stable dans le temps. De plus, les expressions faciales positives des participants exposés à l’environnement méfiant ont tendance à diminuer au fil des tours. Le ressenti de la joie est révélateur d’un même profil de résultats avec une prégnance et une stabilité chez les participants dans l’environnement confiant et une diminution de la joie pour ceux placés dans l’environnement méfiant.

    Le ressenti émotionnel est ainsi plus marqué positivement en environnement confiant qu’en environnement méfiant, avec une persistance de l’émotion de joie au fil des tours pour l’environnement confiant. La présence de la joie pourrait avoir un impact sur l’apprentissage (Pekrun et al., 2002) ce qui expliquerait le patron de résultats obtenu en matière de prise de décision. L’influence de la joie, induite notamment au travers de la photographie du deuxième joueur, pourrait amener les participants à attribuer des sommes plus importantes. En environnement méfiant, la diminution progressive de l’émotion de joie pourrait être en partie à l’origine de la diminution de la somme retournée. Ces résultats vont dans le sens des travaux de Campellone et Kring (Campellone et Kring, 2013) qui ont notamment rapporté que la somme retournée par un joueur est d’autant plus prédictible qu’il y a une congruence des informations à disposition de ce joueur, à savoir une congruence entre le comportement du premier joueur (c.-à-d. la somme envoyée) et l’émotion véhiculée par le visage de ce joueur.

    Si notre étude est particulièrement informative, à différents égards, elle comporte certaines limites qui doivent être évoquées. Premièrement, les temps de décision enregistrés sont probablement trop généralistes car ils regroupent les temps d’observation des informations fournies par l’interface et les temps de réponse. Une mesure du temps de décision seul aurait été plus efficace pour appréhender les différences possibles entre environnement confiant et environnement méfiant. Deuxièmement, la difficulté de la tâche gagnerait à être prise en compte si l’on en croit les performances de certains participants qui ont fait des erreurs quant à l’évaluation de la somme disponible au moment de retourner de l’argent (c.-à-d. la somme retournée dépassait le montant réellement disponible). Il s’agit là d’un paramètre à considérer sachant que la complexité des tours, l’intérêt pour la tâche et le besoin de cognition n’ont pas été évalués (Rudolph et al., 2018). Outre ces éléments, une troisième limite concerne la mesure de la confiance généralisée qui n’est intervenue qu’au début de l’étude et dont l’évolution au fil de la tâche n’a pas été examinée, alors qu’un suivi de cette caractéristique nous aurait renseignés quant à sa stabilité ou son caractère changeant dans le temps. Une dernière limite de cette étude, de nature méthodologique, concerne l’objectif pédagogique lié au jeu économique proposé. Même si l’activité demandée implique un apprentissage, l’objectif d’apprendre n’est pas totalement explicité, ce qui limite la portée des résultats et leur généralisation à d’autres situations d’apprentissage. Ces limites constituent autant de perspectives prometteuses qu’il serait judicieux d’approfondir dans des études futures. A titre d’exemple, en situation naturelle, un parallèle pourrait être établi entre cette situation de jeu et la problématique actuelle des « fake news ». Comprendre ce qui se joue dans la confiance que les apprenants attribuent aux ressources documentaires aiderait à la mise en œuvre de scénarios pédagogiques utiles pour développer l’esprit critique.

    6. Conclusion

    Cette étude apporte un éclairage sur l’importance de considérer l’apprentissage mis en œuvre dans un environnement informatisé sous l’angle du triptyque attention, émotion et confiance. La présence de photographies de personnes souriantes est un contexte propice à l’apprentissage, avec un effet notable sur les processus de décision à l’œuvre. La confiance généralisée, caractéristique individuelle aisément mesurable chez les individus, a pour sa part un effet secondaire sur l’apprentissage, sachant qu’elle amplifie le phénomène observé dans le cas d’une congruence de la confiance généralisée avec l’environnement. La conception d'interfaces utilisant des technologies positives gagnera à exploiter ces résultats.

    La présence de la photographie est un paramètre non négligeable dans l’environnement informatique dans lequel les individus étaient amenés à prendre une décision. La relation établie entre les joueurs, médiatisée par l’ordinateur, invite à considérer nombre de caractéristiques personnelles qui concourent à créer un environnement plus ou moins confiant. Ces caractéristiques sont autant de données que le participant va interpréter et intégrer comme des éléments de proximité ou de distanciation sociale pour adapter ses comportements en conséquence (Abric et al., 1967). Autrement dit, la proximité sociale pourrait intervenir dans le niveau de confiance accordée (Karsenty, 2011), dans la mesure où l’établissement d’un lien de confiance nécessite une proximité sociale importante. Si les photographies et le prénom sont des éléments que nous avons volontairement pris en compte, qu’en est-il des caractéristiques inférées par le participant au sujet du deuxième joueur telles que son âge, son origine sociale, sa probable orientation sexuelle ou encore sa profession ? Ces informations permettraient implicitement de créer une proximité ou une distanciation sociale susceptible d’intervenir dans la relation et donc dans le climat de confiance établi. La présence de photographies de personnes souriantes permettant d’influencer l’apprentissage nous amène aussi à nous interroger sur la question de l’étude des émotions induites par le contenu de la photographie. La distinction entre une personne humaine et un avatar dans un scénario pédagogique constitue un autre prolongement possible de cette étude, sachant que cette comparaison pourrait être particulièrement éclairante sur les phénomènes de proximité et distanciation sociale en contexte d’apprentissage. Tester des interfaces à visée pédagogique mettant en jeu un avatar (Chae et al., 2016), (Chen et al., 2012) en lieu et place des photographies avec in fine la perspective de susciter de la joie et d’instaurer un climat de confiance propice à l’apprentissage (MacFadden, 2005), tel est bien l’objectif stimulant des études futures.

    Cette étude soulève également plusieurs questions concernant le lien qu’entretiennent la confiance et l’émotion : s’agit-il d’une relation linéaire ou bien d’un cycle où confiance et émotion s’influencent mutuellement ? Quels sont les interactions et recouvrements possibles entre les niveaux cognitif et affectif ? La situation de jeu avec les décisions qu’elle impose est-elle génératrice d’émotions ou les émotions dérivées de l’évaluation des caractéristiques de l’interface influencent-elles la prise de décisions ? Enfin, qu’en est-il du lien entre confiance, émotion et motivation ? La motivation à apprendre serait-elle croissante dès lors que des émotions positives sont générées ? La confiance envers l’interface serait-elle prédictive d’un meilleur engagement de l’apprenant ? Dans un contexte éducatif où la crise sanitaire liée au COVID-19 envisage le distanciel comme modalité à privilégier pour assurer la continuité des enseignements, il est crucial de savoir comment mobiliser l’intérêt des apprenants. Toutes ces questions représentent des pistes prometteuses pour les recherches à venir.

    REMERCIEMENTS

    Nous souhaitons remercier l’IUT de Montpellier-Sète pour nous avoir accordé l’usage de leurs locaux pour cette expérience et les nombreux étudiants qui se sont portés volontaires ainsi qu’à la société iMotions® pour la formation à leur logiciel. Nous remercions également les partenaires du projet E-Confiance : l’Université Paul Valéry Montpellier 3, l’Université de Montpellier, le CNRS, la société Pikcio, la Région Occitanie, l’Union Européenne, le laboratoire Epsylon et le laboratoire LHUMAIN. Nous remercions Augustin AMIEL, étudiant en Master à l’Université Paul Valéry Montpellier 3 et stagiaire dans le cadre du projet E-Confiance, pour son travail d’un point de vue technique ainsi que pour la pertinence de ses remarques et ses apports. Ce travail de recherche a été financé par le FEDER (Fonds Européen de Développement Régional) et la Région Occitanie, contrat n°166795.

    À propos des auteurs

    José SAMANIEGO est étudiant en Doctorat de Psychologie aux laboratoires Epsylon (EA 4556) et LHUMAIN (UR) de l’Université Paul Valéry Montpellier 3. Sa thèse, intitulée « La confiance en ligne : interfaces et prévention » est codirigée par Stéphanie MAILLES-VIARD METZ et Nathalie BLANC. Ses travaux portent sur l’importance de la confiance et des émotions dans les interfaces numériques et s’inscrivent dans le cadre du projet E-Confiance, dont l’enjeu sociétal est de créer des interfaces prenant compte de la confiance et proposer des actions de prévention concernant les pertes de données personnelles.

    Adresse : Laboratoire EPSYLON, Université Montpellier 3, route de Mende, 34199 Montpellier cedex 5, Laboratoire LHUMAIN, Université Montpellier 3, route de Mende, 34199 Montpellier cedex 5

    Courriel : jose.samaniego@etu.univ-montp3.fr

    Toile : https://epsylon.www.univ-montp3.fr/fr/annuaire_recherche/jose-samaniego-cho

    Stéphanie MAILLES-VIARD METZ est maîtresse de conférences en Sciences de l’éducation, Psychologie et Ergonomie cognitive à l'IUT de Montpellier Sète (France) et au laboratoire LHUMAIN (UR) de l’Université Paul Valéry Montpellier 3. Ses travaux portent principalement sur l'analyse des usages et la proposition de nouveaux outils technologiques pour les acteurs de l'enseignement (enseignants et étudiants) dans la conduite d'activités spécifiques comme l'orientation, la collaboration et l'auto-évaluation.

    Adresse : Laboratoire LHUMAIN, Université Montpellier 3, route de Mende, 34199 Montpellier cedex 5

    Courriel : stephanie.metz@umontpellier.fr

    Toile : https://lhumain.www.univ-montp3.fr/fr/mailles-viard-metz-stéphanie

    Julien VIDAL est maître de conférences en Psychologie au laboratoire Epsylon (EA 4556) de l’Université Paul Valéry Montpellier 3. Ses travaux portent principalement sur les liens entre représentations sociales et iconographie, sur l’influence de la pensée sociale sur les communications publicitaires et sur les processus socio-cognitifs mis en oeuvre dans le champ de la prévention santé.

    Adresse : Laboratoire EPSYLON, Université Montpellier 3, route de Mende, 34199 Montpellier cedex 5

    Courriel : julien.vidal@univ-montp3.fr

    Toile : https://epsylon.www.univ-montp3.fr/fr/annuaire_recherche/julien-vidal

    Nathalie BLANC est professeure en Psychologie au laboratoire Epsylon (EA 4556) de l’Université Paul Valéry Montpellier 3. Ses travaux portent principalement sur l’activité cognitive de compréhension chez l’enfant dès l’âge préscolaire à travers divers types de support (e.g. dessin animé, dessin), et sur la dimension émotionnelle de ces activités de compréhension. Ses travaux portent également sur les campagnes publicitaires de prévention santé chez l’adulte et du rôle de l’humour dans celles-ci, notamment au niveau du lien entre émotion et cognition.

    Adresse : Laboratoire EPSYLON, Université Montpellier 3, route de Mende, 34199 Montpellier cedex 5

    Courriel : nathalie.blanc@univ-montp3.fr

    Toile : https://epsylon.www.univ-montp3.fr/fr/annuaire_recherche/nathalie-blanc

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Référence de l'article :
José Anibal SAMANIEGO CHO, Stéphanie MAILLES VIARD METZ, Julien VIDAL, Nathalie BLANC, Confiance et apprentissage médiatisé par ordinateur : une question d'environnement, Revue STICEF, Volume 28, numéro 2, 2021, DOI:10.23709/sticef.28.2.2, ISSN : 1764-7223, mis en ligne le 29/11/2021, http://sticef.org
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Mise à jour du 3/12/21