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Évaluation de l’utilité et de
l’utilisabilité du service COMPER pour soutenir
l’autorégulation dans le travail en autonomie
Laëtitia PIERROT, Christine MICHEL (Université de Poitiers,
Unité de recherche Techné), Julien BROISIN (Université
Toulouse 3 Paul Sabatier, IRIT), Nathalie GUIN, Marie LEFEVRE (Université
Lyon 1, CNRS, LIRIS), Rémi VENANT (Le Mans Université,
LIUM)
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RÉSUMÉ : Dans
cet article, nous présentons l’évaluation et l’analyse
de l’utilisation du service COMPER, qui associe un profil de
compétences (COM) à des ressources personnalisées (PER),
réalisées auprès de 181 étudiants de 1ère
année de Diplôme Universitaire de Technologie (DUT1) Informatique
entre 2020 et 2021. Les résultats montrent qu’en dépit
d’une utilisation restreinte, le service est globalement jugé
utile, en particulier pour les profils d’étudiants travaillant
individuellement.
MOTS CLÉS : Autorégulation,
utilisabilité, utilité, autonomie, approche par
compétences. |
Evaluating the usefulness and usability of the COMPER service to support self-regulation in autonomous work |
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ABSTRACT : In
this article, we present the evaluation and analysis of the use of the COMPER
service, which includes a competency profile (COM) and personalized resources
(PER), carried out with 181 students of a First-Year Diploma of Computer Science
between 2020 and 2021. The results show that despite a limited use, the service
is globally considered useful, especially for the profiles of students working
individually.
KEYWORDS : Self-regulation,
usability, utility, autonomous, competency-based approach. |
1. Introduction
Étudier à
l’université demande entre autres, de la part des étudiants,
de disposer de certaines compétences en termes d’organisation et de
réalisation du travail. Or, la plupart des étudiants entrant
à l’université ne sont pas formés à la mise en
œuvre des méthodes qui permettent de développer ces
compétences ou de mettre en œuvre des stratégies pour
remédier au manque de compétences. En effet, une étude sur
les habitudes de futurs étudiants (Panadero et al., 2020) montre que la stratégie d’apprentissage la plus courante (70,7% de
l'échantillon de lycéens interrogés) est l'organisation et
la transformation de contenu pédagogique par la création de
résumés ou de cartes conceptuelles. Les stratégies de
recherche d'information (6,7%), de définition d'objectifs et
planification (4%), ou de demande d'aide aux enseignants (4%) sont marginales.
Seul un participant a déclaré demander l'aide de ses pairs.
D’autres stratégies (autoévaluation, suivi, structuration de
l'environnement) sont inexistantes. Il est donc nécessaire de fournir aux
apprenants des formes de soutien à l’autonomie dans leurs
apprentissages. Ce problème est encore plus critique si l’on
considère qu’avec la crise sanitaire liée à la
pandémie de Covid-19 en 2020, les étudiants ont dû
réaliser la majorité de leurs activités
d’apprentissage à distance.
Différents moyens ont été utilisés pour
remédier à ce problème, dont ceux visant à aider les
étudiants à s’autoréguler (Zimmerman, 1989) et les approches par compétences (APC). L’autorégulation
consiste, pour l’apprenant, à activer et maintenir des techniques
et ressources (cognitives, matérielles et humaines) en fonction de ses
propres objectifs (Schunk, 1994).
L’approche par compétences suppose, quant à elle, de
disposer, pour un domaine d’apprentissage particulier, d’une
description de compétences sous la forme d’un
référentiel susceptible de renforcer l’autorégulation
en donnant à voir à l’apprenant la représentation de
ce référentiel décrivant les compétences
visées (Guin et Lefevre, 2017).
Notre objectif consiste à évaluer l’utilisabilité
et la pertinence de combiner deux outils, utilisables en présence ou
à distance, et conçus pour soutenir les stratégies
d’autorégulation des étudiants en s’appuyant sur
l’APC : l’accès à des exercices pour le
renforcement des compétences et une visualisation du profil des
compétences développées. Nous situons ces outils par
rapport aux autres formes d’accompagnement du travail en autonomie dans
les sections 2 et 3. Pour répondre à notre objectif, nous avons
observé l’utilisation et les avis de 181 étudiants de DUT
1ère année engagés dans une activité
d’apprentissage de la programmation « Shell » et
disposant de ces outils. Les caractéristiques de notre étude sont
présentées dans la section 4. Nous avons ensuite croisé
l’utilisation et les avis des étudiants sur les outils avec des
profils d’apprentissage autorégulé, ces résultats
sont présentés en section 5 et discutés en section 6.
2. Accompagner le travail en autonomie à
l’université
La modalité de
travail « en autonomie » désigne les périodes
de travail durant lequel l’apprenant prend en charge lui-même ses
activités d’apprentissage Alors que se développe le recours
aux environnements en ligne dans les parcours de formation hybrides (Charlier et al., 2006),
la part de travail en autonomie augmente pour l’apprenant. Dans ce cadre,
les capacités de l’apprenant sont mobilisées pour
identifier, organiser, planifier des buts d’apprentissage et
évaluer les gains d’apprentissage (Cappellini et al., 2017).
Ces capacités d'autorégulation ont de ce fait été
identifiées comme un facteur de performance de l’apprenant (Wong et al., 2019).
La méta-analyse de Richardson et al. (Richardson et al., 2012) révèle ainsi que la mise en œuvre de stratégies de
régulation de l’effort, de gestion de temps et de recherche de
concentration contribuent de façon significative à la
réussite de l’apprenant. L’autoévaluation, la prise en
compte des ressources de formation, la recherche d’aide ou encore la
définition d’objectifs figurent parmi les autres stratégies
jugées efficaces (Panadero, 2017).
De cette manière, lorsque ces stratégies sont
maîtrisées, l’apprenant se place dans un état
autorégulé en contrôlant et modifiant de manière
efficace ses conduites pour atteindre des buts fixés (Pintrich, 2000).
Ce faisant, l’apprenant ne se borne plus à répondre aux
stimuli de l’environnement mis à sa disposition, mais l'organise.
Pour autant, seuls les apprenants les plus âgés ou les plus
acculturés au format universitaire disposent des compétences
métacognitives permettant de mettre en œuvre ces processus
d’autorégulation de l’apprentissage (Kizilcec et al., 2017).
En outre, en comparant les stratégies autorégulatrices
d’apprenants en fonction de leur contexte de formation, Broadbent (Broadbent, 2017) suggère que ceux qui ont accès à un environnement
d’apprentissage en ligne mobilisent plus de stratégies
autorégulatrices que ceux n’en disposant pas. Le soutien au
développement de telles stratégies représente dès
lors, un enjeu dont plusieurs chercheurs et praticiens se sont emparés.
Pour promouvoir le développement de l’apprentissage
autorégulé, différents moyens peuvent être
mobilisés.
2.1. Soutien des stratégies autorégulatrices
Les outils proposés pour mesurer et promouvoir l’apprentissage
autorégulé ont évolué en trois vagues (Panadero, 2017).
Les premiers sont fondés sur des données autorapportées
fournies par les étudiants à partir de questionnaires, les
deuxièmes sur les traces d’interaction des étudiants avec
les plateformes d’apprentissage. Dans ces deux cas, l’exploitation
des données contribuait à fournir à l’apprenant ou
aux enseignants des vues globales utiles pour faire des diagnostics et adapter
leurs comportements. La troisième vague d’outils exploite aussi les
traces d’interaction et ajoute des fonctionnalités stimulant la
construction des compétences d’autorégulation chez les
apprenants (par exemple à travers le recours aux feedbacks pour les
inciter à modifier leurs comportements). La troisième vague inclut
des outils combinant des données observées (les traces) et
autorapportées (issues de questionnaires), suivant la recommandation de
Karabenick et Zusho (Karabenick et Zusho, 2015) selon laquelle les apprenants sont susceptibles d’employer des
stratégies autorégulatrices sans en être conscients
d’où l’intérêt de multiplier les moyens de les
appréhender. Les fonctionnalités les plus répandues dans
les outils actuels (2008-2018) correspondent à des outils des vagues 2 et
3 et comprennent des tableaux de bord alimentés à partir des
Learning Analytics (LA), des agents intelligents et des feedbacks
personnalisés proposés aux apprenants. Cependant, des
études (Araka et al., 2020), (Panadero, 2017) ont pointé la nécessité d’aller plus loin dans
l’exploitation des LA et le manque de modèles permettant la mise en
œuvre des outils de type 3e vague. Les mêmes études
distinguent deux types de dispositifs visant à outiller les apprenants en
termes d’autorégulation. Le premier type consiste à
travailler spécifiquement le développement de
l’autorégulation, en aidant les apprenants à les identifier
et à les mobiliser. Le second s’inscrit dans une perspective
constructiviste et considère que les stratégies
autorégulatrices sont mobilisées dans le cadre d’une
activité d’apprentissage autre.
Schumacher et Ifenthaler (Schumacher et Ifenthaler, 2018) ont analysé l’intérêt pour l’apprentissage
autorégulé de fonctionnalités qui exploitent les traces
d’interaction (outils des vagues 2 ou 3). Ils ont en parallèle
évalué leur utilité et acceptabilité par les
étudiants. La fonctionnalité jugée la plus utile correspond
aux invitations à l’autoévaluation avec retour
immédiat, qui peuvent soutenir les phases de réflexion et de
performance. Cette fonction est en effet jugée nécessaire pour
évaluer l’état de connaissance et planifier les
étapes suivantes. Les deux fonctionnalités jugées ensuite
les plus utiles sont les recommandations de thématiques ou de cours
à étudier en fonction, par exemple, du contenu sur lequel
l'apprenant a déjà travaillé. Quant aux
fonctionnalités (toujours proposées à partir des traces)
plutôt orientées vers la planification ou le suivi de
l’activité, elles ne sont pas jugées utiles ou acceptables
par les étudiants, qui sont en mesure de couvrir ces besoins par
ailleurs. Ainsi, la méta-analyse de Theobald (Theobald, 2021) met en évidence l’écart entre les bonnes capacités
à planifier et à se fixer des objectifs avant
l’activité dont font globalement preuve les étudiants
utilisant des outils qui promeuvent l’autorégulation (à
partir de traces d’activité ou non) en regard de leurs
capacités, moins développées, à mobiliser des
stratégies ou ressources d’apprentissage pendant
l’activité. Dans la même étude, Theobald recommande
l’emploi d’approches personnalisées pour couvrir les besoins
en termes d’autorégulation des étudiants et le recours aux
retours immédiats (feedbacks) pour les aider à optimiser leurs
tâches. Le fait de s’autoévaluer avec retour immédiat
nécessite de disposer d’activités ou de
fonctionnalités permettant à l’étudiant de se situer
par rapport aux objectifs de la formation. Les exerciseurs sont un moyen de
faire rapidement le diagnostic des compétences acquises, et
l’affichage du profil de compétences est un moyen de se situer par
rapport au référentiel de la formation.
2.2. Exerciseurs, visualisation de l’activité et
autorégulation
Les générateurs d’exercices de type exerciseur visent
deux fonctions principales : la mémorisation de performances (au
sens behavioriste pour désigner des savoir-faire ou savoir-être) et
le développement de compétences, à travers un apprentissage
par essais et erreurs fondé sur la répétition (Lemercier et al., 2001).
L’exerciseur conservant des traces de l’activité
d’apprentissage et fournissant un feedback immédiat, il facilite la
régulation chez l’apprenant et permet une réflexion
explicite sur les compétences travaillées (Steffens, 2006).
Depover et al. (Depover et al., 2007) considèrent l’exerciseur utile pour pratiquer et consolider des
savoirs ou savoir-faire, ou tester un degré de maîtrise des savoirs
(évaluation formative), ce qui en fait un outil complémentaire
à une situation pédagogique existante. Cela suppose que
l’enseignant identifie au préalable les notions de
référence à travailler sur l’exerciseur. Sans cette
condition, les auteurs signalent le risque pour les apprenants de ne pas faire
le lien entre les notions de référence et les exercices
proposés dans un contexte de travail en autonomie. Le recours à un
outil de visualisation des traces d’activité peut alors faciliter
la mise en activité en autonomie de l’apprenant.
La visualisation de l’activité de l’apprenant a notamment
été étudiée à travers le concept d’Open
Learning Model (OLM), qui désigne un modèle qui permet à
l’apprenant de visualiser des informations le concernant (Bull et Kay, 2010).
Cet outil d’awareness, qui prend la forme d’une
représentation structurée de l’état de ses
connaissances justes et erronées et de ses difficultés (Bull et Kay, 2010),
est considéré comme venant en soutien à
l’apprentissage (Bodily et al., 2018).
Ainsi, la littérature sur la conception des OLM (Bull et Kay, 2009) identifie-t-elle plusieurs bénéfices pour l’apprenant avec
un tel outil : l’OLM soutient les activités
métacognitives, facilite la consultation et l’accès aux
ressources qui lui sont liées et rend l’apprenant plus
indépendant car plus responsable de son apprentissage. Pour Bull et Kay (Bull et Kay, 2010),
l’un des principaux défis liés à la conception des
OLM porte sur les choix d’interfaces contribuant à un environnement
efficient et avec lequel les interactions sont facilitées.
D’un autre côté, les travaux sur le recours aux tableaux
de bord démontrent leur efficacité, en particulier dans un
contexte d’enseignement en ligne ou hybride (Kizilcec et al., 2017).
La visualisation des objectifs permise dans les tableaux de bord fournit en
effet aux apprenants des normes par rapport auxquelles se positionner (Sedrakyan et al., 2019).
Cependant cette stratégie présente des limites en termes
d’efficacité. En effet, le recours à une telle
stratégie doit se faire conjointement à l’utilisation
d’évaluations pour que les apprenants puissent vérifier
l’atteinte des objectifs. De plus, Gasevic et al. (Gasevic et al., 2015) soulignent l’effet potentiellement négatif sur la motivation des
apprenants de leur fournir des moyens de comparer leur propre réussite
à celles de leurs camarades. De leur côté, Sedrakyan et
al. (Sedrakyan et al., 2020) suggèrent qu’il faut compléter les approches statistiques,
actuellement largement appliquées, par des approches qui intègrent
le niveau de préparation et les dépendances entre les objectifs et
sous-objectifs d'apprentissage. Ce type de formalisation est en particulier
décrit dans les démarches d’APC et, dans un contexte de
soutien à l’autorégulation, trois grandes catégories
de visualisation, appelées profils (Sedrakyan et al., 2019),
peuvent être proposées aux apprenants en exploitant cette
déclinaison : les profils de planification, de suivi et
d’adaptation. Pour Sedrakyan et al. (Sedrakyan et al, 2019),
les profils de planification restituent les prérequis nécessaires
pour chaque objectif d’apprentissage (sélection d’un plan
d’action, du temps alloué, des ressources nécessaires). Les
profils de suivi et d’adaptation doivent proposer des vues
d’ensemble, respectivement sur les progrès des apprenants en
fonction de leurs objectifs d’apprentissage ou sur les efforts
déployés pour atteindre ces objectifs (temps passé,
ressources consultées, etc.). Alors que les profils de planification
incluent, pour les auteurs, des représentations séquentielles
multidimensionnelles, les deux autres types de profils s’appuient
principalement sur des histogrammes et des courbes, pour faciliter la mise en
œuvre et l’interprétation des visualisations. Vieira et
al. (Vieira et al., 2018) considèrent en effet que ces graphiques sont plus simples
d’accès que des représentations multidimensionnelles qui
contribuent à favoriser le développement de compétences
métacognitives.
Pour résumer, le travail en autonomie peut s’appuyer sur un
environnement en ligne, susceptible de permettre le développement de
stratégies autorégulatrices, à condition d’outiller
les apprenants sur cet aspect. Pour cela, la littérature existante
recommande de s’appuyer sur des données de nature double (issues de
l’observation et de l’auto-déclaration), compte-tenu des
difficultés rencontrées par les apprenants à
s’emparer de ces stratégies. Les moyens pour soutenir
l’autorégulation peuvent être dédiés
spécifiquement au développement des compétences qui lui
sont associées ou se faire à la faveur d’une activité
d’apprentissage préexistante. Ces différents moyens
d’outiller les trois phases du cycle de l’apprentissage
autorégulé, planification, action et autoréflexion, (Zimmerman, 1989) ont auparavant pu être jugés de façon plus ou moins
favorable par les apprenants, qui ne les investissent pas tous de la même
manière. C’est le cas notamment des fonctionnalités
outillant les phases d’action et d’autoréflexion. Les
principales raisons expliquant ce faible investissement sont liées, pour
les auteurs, aux difficultés plus larges des apprenants à
mobiliser des stratégies sur ces phases. Pour autant, les travaux sur
l’utilisation d’exerciseurs et la visualisation à travers les
modèles ouverts d’apprentissage et les tableaux de bord encouragent
à explorer ces pistes, à condition d’apporter une vigilance
particulière sur la manière dont ils sont mobilisés pour
répondre aux besoins de tous les apprenants.
3. Soutenir l’autorégulation dans un cours d’initiation
à la programmation Shell
Dans l’objectif de soutenir
l’autorégulation dans un cours proposé à des
étudiants de 1ère année de DUT, plusieurs outils ont
été mobilisés dans ce projet : un
référentiel de compétences, un outil de
génération d’exercices (ASKER) (Lefevre et al., 2015) et un outil de visualisation des profils de compétences des
étudiants (module OLM) . Ils permettent de couvrir les trois
étapes du cycle d’autorégulation, correspondent aux
préférences des apprenants (Schumacher et Ifenthaler, 2018) et respectent les recommandations de conception identifiées
précédemment (Sedrakyan et al., 2020).
3.1. Les outils observés
Un référentiel de compétences « Programmer en
langage Shell », représentant des savoirs et savoir-faire
à mobiliser en fonction de compétences cibles, a été
conçu à partir d’un métamodèle produit dans le
cadre du projet COMPER. Ce référentiel permet, de plus, de
décrire les ressources pédagogiques qui peuvent être
exploitées pour travailler les compétences (comme des cours mis
à disposition en ligne ou des exercices de la plateforme ASKER). Il
permet enfin de fournir une structuration des données du profil de
compétences qui sera affiché par le module OLM.
La plateforme ASKER (Lefevre et al., 2015) a été mise en œuvre pour proposer des exercices
complémentaires au cours, afin d’apprendre en autonomie. Cette
plateforme permet en effet à un enseignant de créer et diffuser
des exercices d’autoévaluation pour ses apprenants. La
réponse de l’apprenant est automatiquement et instantanément
évaluée par le système. L’apprenant reçoit
ainsi un retour d’information immédiat lui permettant de
s’autoévaluer. Au préalable, l’enseignant
définit sur ASKER un modèle d’exercices pour en
préciser les caractéristiques. Lorsque l’apprenant se
connecte à la plateforme, il a la possibilité de
générer un ou plusieurs exercices en fonction du modèle
défini par l’enseignant et travaille donc sur des données
variées autour d’une même tâche. Dans le cadre du
projet COMPER, les exercices proposés par ASKER ont été
reliés aux savoirs et savoir-faire décrits dans le
référentiel. Ils permettent ainsi à l’étudiant
de s’entraîner plusieurs fois sur la même
compétence.
Le module OLM permet quant à lui de présenter aux apprenants
des profils de compétence sous la forme d’indicateurs
décrivant à la fois les objectifs de la formation et les niveaux
de maîtrise des savoirs, savoir-faire et compétences
associés. Les indicateurs présentés dans le module
correspondent donc, pour partie, à des profils de planification (par
l’indication des objectifs) et de suivi et d’adaptation (par
l’indication des compétences acquises). Les indicateurs du module
OLM présentent 4 types d’information :
- Les objectifs sont définis sur la base du
référentiel.
- Les taux de maîtrise sont calculés à partir
des résultats aux exercices demandés par l’enseignant ou
réalisés de manière autonome via l’exerciseur. Dans
le premier cas l’enseignant fait l’évaluation directement,
dans le second l’exerciseur la fait en fonction des traces
d’activité de l’apprenant. Chaque exercice étant
rattaché à un ou des éléments du
référentiel, ce résultat permet de calculer un taux de
maîtrise pour les éléments concernés du
référentiel. Des taux de maîtrise sont également
calculés pour les éléments de haut niveau dans le
référentiel, comme les compétences, à partir des
taux de maîtrise des éléments les composant.
- Les taux de confiance permettent d’estimer la
fiabilité des taux de maîtrise calculés, en fonction du
nombre d’évaluations et de l’ancienneté de ces
évaluations.
- Les taux de couverture représentent la complétude
des compétences à construire pour atteindre l’objectif.
Sur la base des études sur les différentes manières de
présenter aux apprenants le modèle que le système
s’est construit de leurs connaissances (Bull et al., 2018), (Vieira et al., 2018),
quatre profils ont été imaginés (figure 1). Ils se
distinguent par la forme du visuel et par les modalités
d’interaction.
Figure 1 • Visualisations des profils
de compétences dans le module OLM du projet COMPER
Dans les quatre cas, le même code couleur représente le niveau
de maîtrise approximatif. Les vues arborescentes présentent
l’ensemble des informations sous forme de liste. Des flèches
permettent de réduire ou de développer la liste pour favoriser les
vues globales ou spécifiques. Les trois autres profils présentent
globalement l’ensemble des objectifs et taux de maîtrise selon des
visualisations graphiques différentes : les diagrammes de
répartition ou de rayon de soleil favorisent plutôt une vue
globale, les cercles empilés une exploration spécifique de chaque
compétence. Dans les trois cas, il est possible de prendre connaissance
des informations complémentaires sur le taux de maîtrise, confiance
et couverture associés à une compétence en passant la
souris dessus.
Ces outils permettent, par différents moyens, de soutenir les
processus d’autorégulation. ASKER est utilisé depuis
plusieurs années en formation universitaire, mais le module OLM et les 4
profils conçus n’ont jamais été testés en
conditions écologiques. De manière à tester leur
utilité et utilisabilité, ils ont été mis en
œuvre dans le cadre d’une initiation à la programmation Shell
de DUT 1ère année, réalisée à
distance à partir de novembre 2020.
3.2. Mise en œuvre des outils dans une formation à distance
à la programmation
À l’IUT de Toulouse, l’initiation à la
programmation Shell en première année est traditionnellement
réalisée en présentiel en utilisant Lab4CE (Broisin et al., 2017),
une plateforme web de télé-TPs qui dote les apprenants d’une
infrastructure de machines et de réseaux virtuels adaptée aux
besoins du TP. Du fait de la crise sanitaire, la formation de novembre 2020 a
été réalisée à distance et les outils du
projet COMPER ont été mobilisés pour accompagner les
étudiants dans leur travail en autonomie, lors des 5 séances
hebdomadaires de travaux pratiques (TP), suivies de 3 semaines de
révision et d’un examen en présentiel. Avant le cours,
l’enseignant a défini le référentiel de
compétences, les travaux pratiques à réaliser dans Lab4CE
et les exercices à réaliser dans ASKER.
Pendant les séances de TP, l’enseignant accompagnait à
distance les étudiants sur la réalisation du TP, corrigé et
évalué en fin de semaine. Cette évaluation permettait de
mettre à jour les profils de compétences. Entre les
séances, une liste de ressources triées en fonction des
compétences à travailler et donnant accès aux supports de
cours et à des exercices ASKER était proposée aux
étudiants. Cette liste s’actualisait au cours du temps pour
toujours afficher les ressources non travaillées par
l’étudiant, qui pouvait ensuite filtrer les compétences
qu’il jugeait prioritaires à travailler. L’accès
à l’ensemble des outils était libre durant la phase
d’entraînement (durant les TP) et la phase de révision.
3.3. Problématique
Outre le fait de vérifier la faisabilité de
l’intégration des outils dans une formation existante, cette mise
en œuvre dans le cadre du cours de programmation visait à
répondre à différentes questions de recherche liées
à l’évaluation de leur utilisabilité, autrement dit
leur adéquation en termes de facilité d’utilisation, et de
leur utilité, soit leur adéquation en termes de
fonctionnalités offertes aux utilisateurs (Senach, 1990).
Question de recherche 1 (QR1) : est-ce que les outils sont utilisables
par des étudiants de 1ère année de cursus universitaire
guidés ponctuellement, mais travaillant globalement en autonomie ?
Plus spécifiquement, est ce que les visualisations proposées dans
le profil de compétences sont faciles à comprendre et à
exploiter par les étudiants ?
Question de recherche 2 (QR2) : quelle est l’utilité de cet
accompagnement en termes d’autorégulation ? Plus
spécifiquement, (QR2.1) est-il utile tout au long du cours ou juste
pendant une phase donnée ? (QR2.2) Est-il utile à tous les
étudiants ou bien uniquement à certains profils d’apprenants
autorégulés spécifiques ? (QR2.3) Est-il utile pour
construire des compétences d’autorégulation ?
4. Étude
4.1. Participants et tâche
Cent-quatre-vingt-un participants ont
été sollicités pour réaliser cette
expérimentation. Tous sont des étudiants inscrits en
première année d’une formation universitaire technologique
(DUT), âgés de 17 à 19 ans, majoritairement de sexe masculin
(87% hommes pour 13% femmes). Les étudiants ont suivi la formation telle
qu’elle a été décrite précédemment en
travaillant seuls et à distance, de manière synchrone et
asynchrone selon les étapes de la formation. Lors des deux
premières semaines du cours, et pour qu’ils se familiarisent avec
le profil de compétence, les étudiants n’ont eu accès
qu’à une forme de visualisation. Ils ont pour cela
été répartis en quatre groupes de 45 à 46
étudiants dont la diversité des performances académiques
(calculées sur la base d’une épreuve préalable) est
équivalente. Les sept semaines suivantes, les étudiants ont eu
accès aux quatre visualisations disponibles.
4.2. Données collectées et méthodes
employées
Pour identifier les principales stratégies autorégulatrices
mobilisées et les éventuels changements de comportements chez les
étudiants, le test EAREL (Échelle d’Apprentissage
Autorégulé En Ligne) (Cosnefroy et al., 2020) a été mobilisé. Un premier questionnaire, administré
en ligne, a donc été proposé sous la forme d’une
échelle d’accord à 7 niveaux comprenant 24 items
répartis en 4 sous-échelles : le contrôle du contexte
d’apprentissage (CTXT), la recherche du soutien des pairs (PAIRS), la
procrastination (PROC) et les stratégies cognitives et
métacognitives mobilisées pour l’apprentissage (COGN). Ce
test EAREL a également été proposé en fin
d’expérimentation. Il était complété par un
questionnaire sur l’environnement qui incluait des questions sur
l’utilité et l’utilisabilité perçue des
services, sous la forme de questions fermées et ouvertes. Le test du
System Usability Scale (SUS) (Brooke, 1996) a
été mobilisé pour mesurer spécifiquement
l’utilisabilité du module OLM et procéder aux ajustements de
reconception nécessaires. D’autres tests auraient pu être
utilisés pour mesurer l’expérience utilisateur, dont
l’utilisabilité est une composante. Nous avons fait le choix
d’utiliser le SUS car l’objectif était de tester
différents aspects actionnables et interprétables de l’OLM
et d’estimer les efforts de reconception éventuels plus que
l’expérience globale qu’il procure. Le SUS permet
d’évaluer l’utilisabilité d’un dispositif selon
un score normalisé entre 0 et 100 en utilisant 10 items et une
échelle d’accord à 5 niveaux. L’utilisabilité
d’un système est considérée comme défaillante
si le score est inférieur à 50. De 50 à 70, elle est
correcte, mais nécessite d’améliorer des défauts
d’utilisabilité, entre 71 et 85 elle est bonne et au-delà de
85, elle est excellente.
Pour compléter les données autorapportées
collectées à travers les questionnaires en début et fin
d’expérimentation, les traces numériques des
activités sur ASKER et le profil de compétences ont
été traitées pour décrire le travail en autonomie,
conformément à la recommandation de Karabenick et Zusho (Karabenick et Zusho, 2015).
Les traces issues d’ASKER renseignent sur la nature des exercices
réalisés et sur la nature des actions faites par les usagers.
Chaque ligne correspond à une action de l’étudiant
liée à la génération d’un exercice (nouvelle
tentative) ou à la complétion d’un exercice (une
réponse). Les traces correspondant à l’utilisation du profil
de compétences renseignent sur l’accès aux visualisations
des compétences par les usagers. Chaque ligne correspond à une
action de l’étudiant liée à la visualisation par
l’un des profils d’une compétence.
Nous avons traité les données collectées par voie de
questionnaire selon des techniques de statistiques descriptives et
multivariées (une analyse en composantes principales et une partition par
K-Means) à l’aide des logiciels Excel et XLStat. Nous avons
également comptabilisé les traces des étudiants en fonction
de deux mesures principales (tableau 1) : l’intensité dans
l’utilisation des services COMPER et la finalité de cette
utilisation. L’intensité (faible, modérée, intense) a
été déterminée pour chaque étudiant en
fonction du nombre d’utilisations enregistrées d’ASKER et du
module OLM par rapport à l’utilisation moyenne observée
(faible pour une utilisation inférieure à la moyenne,
modérée pour une utilisation comparable à la moyenne,
intense pour une utilisation supérieure à la moyenne). La
finalité (entraînement, révision ou
indifférenciée) a été fixée selon que
l’étudiant utilise plutôt les services pendant la
première période de l’expérimentation
(entraînement), la seconde (révision) ou de façon non
distincte (indifférenciée).
Tableau 1 • Indicateurs retenus pour
l’analyse des traces d’activité des services COMPER (ASKER et
module OLM)
Indicateurs |
Description |
ASKER_utilisation |
Nombre total d’enregistrements pour l’utilisation
d’ASKER |
ASKER_intensité_utilisation |
Nombre d’enregistrements pour l’utilisation d’ASKER par
étudiant |
ASKER_période_utilisation |
Nombre total d’enregistrements pour l’utilisation d’ASKER
par jour |
ASKER_finalité_utilisation |
Nombre total d’enregistrements pour l’utilisation d’ASKER
par jour et par étudiant |
OLM_utilisation |
Nombre total d’enregistrements pour l’utilisation du module OLM |
OLM_intensité_utilisation |
Nombre d’enregistrements pour l’utilisation du module OLM par
étudiant |
OLM_période_utilisation |
Nombre total d’enregistrements pour l’utilisation du module OLM
par jour |
OLM_finalité_utilisation |
Nombre total d’enregistrements pour l’utilisation du module OLM
par jour et par étudiant |
Des entretiens semi-directifs d’approfondissement ont ensuite
été réalisés sur un échantillon de 5
participants pour illustrer et expliquer les stratégies observées
selon les habitudes de travail des participants et recueillir leur avis sur de
nouvelles propositions de maquettes. Les entretiens se sont
déroulés entre fin mars et début avril 2021 à
distance (via Google Meet). Dans la première partie de l’entretien,
les questions portaient sur le parcours académique du participant et ses
habitudes de travail en autonomie. La seconde partie consistait à
approfondir les réponses des étudiants sur l’utilité,
l’utilisabilité, la clarté, l’intention d’usage
et à recueillir leurs avis sur les nouvelles propositions de maquettes ou
d’autres évolutions souhaitées. Les transcriptions verbatim
des entretiens sont utilisées à titre illustratif dans la suite de
l’article. Les retours sur les maquettes ne peuvent être
considérés comme des expérimentations, ils ne seront donc
pas présentés dans les résultats. Néanmoins, ils
apportent des éclairages intéressants pour la poursuite du projet.
Ils seront présentés en perspective.
5. Résultats
5.1. Capacité des étudiants à mettre en œuvre des
stratégies autorégulatrices
Les profils d’autorégulation des
étudiants ayant participé à l’expérimentation
(tableau 2) sont caractérisés, au début de
l’expérimentation, par de bonnes capacités à
organiser leur contexte de travail (m_CTXT = 4,84). Ils communiquent
avec leurs pairs (m_PAIRS = 4,13), mais ont une propension à la
procrastination (m_PROC = 4,07) et indiquent utiliser peu de
stratégies de travail (m_STRAT = 3,24). Les écarts-types
et les coefficients de variation sont élevés, il y a donc une
forte disparité dans la population. Par ailleurs, on n’observe que
peu d’écarts entre les valeurs recueillies avant et après
l’expérimentation : au test EAREL2, la maîtrise du
contexte reste la dimension la plus élevée
(m_CTXT = 4,72) et les étudiants indiquent rechercher le
soutien de leurs pairs (m_PAIRS = 3,84) et utiliser peu de
stratégies de travail (m_STRAT = 3,20). Le score moyen relatif
à la dimension de la procrastination est plus élevé entre
le début et la fin de l’expérimentation, mais la
différence entre le nombre de répondants aux tests EAREL1
(n = 94) et EAREL2 (n = 59) et le faible effectif de
répondants aux deux échelles (n = 48) ne permet pas de
procéder à des tests statistiques signifiants.
Tableau 2 • Score moyen (m),
écart-type (σ) et coefficient de variation (CV) aux dimensions EAREL
en début (EAREL1) et fin d’expérimentation (EAREL2)
|
EAREL 1 (n=94) |
EAREL2 (n=59) |
Stratégies autorégulatrices |
m |
σ |
CV |
M |
σ |
CV |
Contrôle du Contexte (CTXT) |
4,84 |
1,00 |
21% |
4,72 |
0,97 |
21% |
Soutien des pairs (PAIRS) |
4,13 |
1,56 |
38% |
3,84 |
1,34 |
35% |
Procrastination
(PROC) |
4,07 |
1,40 |
34% |
4,40 |
1,45 |
33% |
Stratégies (méta-) cognitives (STRAT) |
3,24 |
1,33 |
41% |
3,20 |
1,37 |
43% |
De manière à mieux comprendre la variété des
profils SRL, nous avons procédé à une analyse par
composante principale (ACP) et à une partition par K-means sur le
logiciel XLSTAT. L’ACP réalisée montre que les variables
caractérisant les profils sont : le fait de procrastiner et de
mettre en œuvre des stratégies de travail (inversement
proportionnels sur l’axe 1 de la figure 2), et de communiquer avec ses
pairs (axe 2). Les comportements de contrôle du contexte ne sont pas
discriminants. En complément, la méthode des K-means a permis
d’identifier 4 groupes d’apprenants, structurés selon leur
niveau de mise en œuvre des stratégies autorégulatrices.
- Les « décrocheurs » (classe 1 en bleu,
n = 29) n'utilisent pas de stratégie, procrastinent et
communiquent peu avec leurs pairs.
- Les « suiveurs » (classe 2 en jaune,
n = 28) utilisent quelques stratégies, mais ont tendance
à procrastiner et à se resituer en communiquant avec leurs pairs.
- Les « appliqués solitaires » (classe 3
en vert, n = 26) utilisent des stratégies, ne procrastinent pas
et ne communiquent pas avec leurs pairs.
- Les « efficaces » (classe 4 en orange,
n = 22) utilisent des stratégies, ne procrastinent pas, et
communiquent avec leurs pairs.
La figure 2 montre la répartition des étudiants selon les
groupes K-means et dans le plan vectoriel composé des axes 1 et 2 de
l’ACP.
Figure 2 • Distribution des apprenants
par classe selon le niveau de procrastination, d’utilisation de
stratégies et de demande de soutien des pairs
Sur la base des informations collectées au cours des entretiens
semi-directifs, Gaspard et Alexis ont en commun d’avoir commencé
leur parcours universitaire avant les autres, ils ont tous les deux
commencé une autre formation (un autre DUT pour Gaspard, une licence pour
Alexis) et ont choisi de se réorienter ensuite vers le DUT
préparé actuellement. Lenaïc, Dorian et Maël ont
découvert l’IUT à la rentrée 2020. Alexis,
Lenaïc et Gaspard suivent la formation en vue d’un métier
précis (développeur web ou testeur pare-feu) alors que les deux
autres étudiants interrogés envisagent une poursuite
d’études. D’après leurs résultats au test
EAREL, Alexis et Lenaïc mobilisent le même type de stratégies
autorégulatrices. Ils font partie, selon la classification obtenue par
ACP de la classe 1, des « décrocheurs ». Gaspard
mobilise plutôt les stratégies propres à la classe 2
(« suiveurs »), Dorian celles à la classe 3
(« appliqués solitaires ») et Maël, celles
à la classe 4 (« efficaces »).
Au niveau de leurs habitudes de travail, Alexis et Lenaïc (classe 1
– « décrocheurs ») mentionnent dans leur
discours peu de stratégies autorégulatrices. Alexis explique se
mettre dans sa « bulle » et se mettre au travail, sans
vraiment prioriser de tâches, excepté si elles sont liées
à une évaluation. De son côté, Lenaïc mentionne
sa tendance à procrastiner et explique comment il trie le travail
à faire selon ses objectifs professionnels futurs.
« Ce que j’essaie de faire c’est que je tente de
refaire des exercices, c’est clairement du séquentiel, je prends
les exercices et je fais le 1, le 2, le 3, si j’ai su tout faire du
premier coup je garde tout en archive, je vois là où j’ai
buté là où j’ai pas buté, là où
j’ai su faire ou pas faire et je peux reprendre où je me suis
arrêté » - Alexis
« Je suis un peu fainéant et j’aime bien
procrastiner, donc je fais les devoirs en fonction de si j’en ai vraiment
besoin ou pas pour le futur » - Lenaïc
Alexis et Lenaïc travaillent parfois avec d’autres camarades. Pour
Alexis, cette modalité est jugée motivante, pour Lenaïc elle
est rassurante.
« Généralement, je travaille pas tout seul pour
qu’on s’entraide et pouvoir expliquer aux autres, débattre
les résultats » – Alexis
« Si vraiment je suis à la ramasse, il se peut que je
demande à un [étudiant de] 2ème année ou voir avec
les personnes de ma classe, en fonction de si j’ai déjà
travaillé avec eux » – Lenaïc
Gaspard (classe 2 – « suiveurs ») semble mobiliser
plus de stratégies que ses camarades Alexis et Lenaïc (classe 1
– « décrocheurs »). Ainsi, il a mis en place un
rythme de travail régulier la semaine.
« J’essaie de revoir les cours que j’ai le lendemain
la veille au soir pour me rafraîchir la mémoire et comme ça
si j’ai des questions en cours je peux les poser et je sais de quoi on
parle » – Gaspard
Pour cet étudiant, le travail entre pairs est essentiel.
« Je travaille beaucoup avec mon groupe d’amis, on
s’entraide vachement, pour réviser ou en classe vu qu’on a un
prof pour deux salles en cours donc quand le prof est pas là on
n’hésite pas à s’entraider, c’est utile et
ça fait gagner du temps » – Gaspard
Dorian (classe 3 – « appliqués solitaires »)
est l’étudiant interrogé qui paraît le plus
maîtriser l’organisation de son travail en autonomie. Il
s’aménage dans sa semaine des phases de travail et d’autres
destinées à ses loisirs.
« J’essaie de faire le plus de travail possible pendant la
semaine ou en journée quand j’ai le temps pour bien discerner le
travail du loisir » – Dorian
À la différence des autres, Dorian (classe 3 –
« appliqués solitaires ») travaille prioritairement
seul lorsqu’il comprend le contenu. C’est uniquement lorsqu’il
a des difficultés qu’il va chercher le soutien des pairs, en
identifiant, à l’instar de Lenaïc (classe 1 –
« décrocheurs »), quelles sont les personnes
ressources à solliciter.
« Si je comprends bien la matière je travaille seul, si
j’ai pas bien compris je vais travailler en groupe,
généralement avec ceux avec qui je m’entends bien
[...] » – Dorian
Maël (classe 4 – « efficaces ») se
présente comme ayant une tendance à la dispersion, qu’il
tente de maîtriser en restant le plus concentré possible pendant
les cours.
« Depuis le collège je suis très concentré
en cours » – Maël
Comme Dorian (classe 3 – « appliqués
solitaires »), Maël optimise ses phases de travail en autonomie
et se centre sur les contenus non maîtrisés.
« Quand je travaille chez moi je ne reprends pas ce que
j’ai compris, c’est vraiment la nécessité de
comprendre, si j’ai le déclic ça va aller »
– Maël
Comme Alexis, Lenaïc et Gaspard, Maël a pour habitude de chercher
le soutien de ses pairs lorsqu’il travaille, pour l’aider et aussi
pour le lien social.
« Généralement on est tous sur Discord à
côté du Teams du cours... pas que pour travailler, mais aussi pour
travailler » – Maël
Aucun des étudiants interrogés n’a indiqué faire
de la planification temporelle, généralement, lorsqu’ils
planifient, ils procèdent plutôt à une priorisation du
travail.
Ces stratégies décrites par les étudiants
interrogés au cours des entretiens contribuent à préciser
les caractéristiques des 4 classes identifiées. Ainsi, la classe1
– « décrocheurs » met en œuvre des
stratégies en fonction de facteurs de motivation externe (typiquement,
l’approche d’un examen). Le travail en autonomie est plus
régulier et s’appuie sur plus de stratégies pour la classe 2
– « suiveurs » pour qui l’entraide entre pairs
est primordiale. Les classes 3 – « appliqués
solitaires » et classe 4 « efficaces » mobilisent
plus de stratégies et les priorisent en fonction de leurs objectifs. De
cette manière, si le travail entre pairs est moins présent chez
les étudiants de la classe 3, il est dû à
l’efficacité jugée plus haute du travail individuel.
5.2. Utilisation des outils proposés
5.2.1. Analyse de l’utilisation d’ASKER
L’analyse des traces d’activité (figure 3a) montre que 54%
(98/181) des étudiants ont utilisé ASKER au moins une fois au
cours de l’expérimentation, 83 ne s’y sont pas du tout
connectés. Les étudiants qui l’ont utilisé et ont
répondu au second questionnaire (73/181) ont jugé
l’exerciseur utile (61/73) et facile à utiliser (49/73) (figure
4a). La principale raison évoquée par les étudiants pour
cette non-utilisation est un manque de temps. Les principaux utilisateurs
d’ASKER sont ceux qui communiquent le moins avec leurs pairs (utilisation
modérée à intense pour 21 des 29
« décrocheurs » et 20 des 26
« appliqués »). Les étudiants ont
utilisé ASKER à la fois dans les phases d’entraînement
(pendant les TP) et en phase de révision (entre la fin des TP et
l’examen) (figure 5a). Des pics d’utilisation sont observés
les jours correspondants aux séances de TP et une nouvelle dynamique se
met en place à la fin des TP, pendant la période de
révision avant l’examen final. Cette utilisation est motivée
par la volonté, pour les étudiants, à la fois de se
positionner dans leur parcours d’apprentissage (vérifier
s’ils ont compris, savoir où ils en sont) et de cibler et
travailler des compétences spécifiques.
5.2.2. Analyse de l’utilisation du module OLM
L’analyse des traces d’activité montre qu’une plus
faible part d’étudiants (44%, 73/181) a utilisé le module
OLM (figure 3b). En fonction des réponses au second questionnaire,
l’outil de visualisation est en effet jugé non utile (33/72) et
difficile à utiliser (32/64) (figure 4b). De plus, les étudiants
ont indiqué préférer se fier à d’autres
ressources, comme les retours directs de l’enseignant, pour évaluer
leur progression. Quand il a été utilisé,
c’était faiblement, pour 31% des étudiants (figure 3b).
Certains ne s’y sont connectés qu’une à cinq fois, les
jours du TP, et seuls 10 d’entre eux l’ont utilisé lors des
TP et une fois les séances de TP terminées (figure 5b). Sachant
que l’évaluation du TP de la semaine précédente
effectuée par les enseignants était intégrée au
profil de compétences, les étudiants ont utilisé
l’outil pour voir leur progression globale sur le cours. Pour mieux
comprendre ce qui a freiné l’utilisation de ce service, nous en
avons fait une analyse approfondie.
Figure 3 • (a) Nombre
d’utilisations d’ASKER et (b) du module OLM
Figure 4 • (a) Avis sur ASKER et (b)
avis sur le profil de compétences
Figure 5 • (a) Période
d’utilisation d’ASKER et (b) du profil de compétences
5.3. Analyse des difficultés rencontrées avec le profil de
compétences
5.3.1. Analyse de l’utilisabilité
Le score SUS obtenu pour le profil de compétences est de 59,5/100. Le
profil de compétences peut donc être considéré comme
ayant une utilisabilité correcte, mais limitée. Ces limites
(figure 6) sont (i) la nécessité de recourir au support technique
(note moyenne de 3,2/5) et (ii) des difficultés à utiliser le
module (items « j’ai trouvé qu’il y a trop
d’incohérences dans ce service », note moyenne de 3/5, et
« je trouve ce service très lourd à
utiliser », note moyenne de 3/5).
Figure 6 • Score moyen pour chaque
item du SUS (1 = pas du tout d’accord, 5 = tout
à fait d’accord)
Parmi les étudiants qui ont peu utilisé le module OLM, Dorian
(classe 3 – « appliqués solitaires ») mentionne
avoir apprécié l’affichage des compétences
maîtrisées. Il indique l’avoir consulté par
curiosité lors d’un cours et a estimé qu’il n’en
avait pas besoin et n’a donc pas poursuivi son utilisation. Inversement,
si la consultation du profil de compétences par Gaspard (classe 2 –
« suiveurs ») reste limitée (3 connexions pendant
l’expérimentation), il l’a jugé utile pour se situer
et se rassurer dans son travail, sachant que s’il se fixe des
créneaux de travail réguliers, qu’il ne se donne pas
d’objectifs et qu’il peut avoir tendance à
s’éparpiller.
« Le profil de compétences c’est bien pour savoir
où on en est parce que moi je sais que je vais avoir tendance à
refaire plusieurs fois les exercices juste histoire d’être sûr
que je les comprends bien et le fait d’avoir un système qui te dit
c’est bon tu maîtrises, arrête de passer du temps
là-dessus ça me rassure » – Gaspard.
Alexis et Lenaïc (classe 1 –
« décrocheurs ») ont eux aussi faiblement
utilisé le module OLM pendant l’expérimentation. Pour
Alexis, la principale raison est qu’il a du mal avec le principe
même de rendre visibles les compétences. Pour Lenaïc,
l’utilisation a été freinée par la découverte
du dispositif ; il aurait souhaité être plus accompagné
dans la prise en main des services pour les utiliser davantage.
« [Le profil de compétences est] bizarre, parce
qu’il faut presque justifier ce qu’on maîtrise »
– Alexis.
« On perdait du temps à lancer la plateforme [Asker],
retrouver ses identifiants et se rappeler comment elle fonctionne [...] je pense
que ces outils sont pratiques dès lors que les étudiants ont
compris comment l’utiliser il faudrait une explication pendant le premier
cours » – Lenaïc.
Les freins exprimés par les étudiants au cours des entretiens
illustrent et complètent le score d’utilisabilité
qu’ils ont attribué au module. Pour aller plus loin dans la
compréhension des difficultés rencontrées, nous avons
également pris en compte leurs traces d’activité sur le
module OLM. Elles montrent toutefois que seule une minorité des traces
concerne des erreurs techniques rencontrées par les étudiants,
soit à l’affichage d’une compétence, soit au
changement de visualisation. Le type de difficultés rencontrées
concerne donc plutôt le type de visualisation (la forme) que des
problèmes techniques.
5.3.2. Type de visualisation
D’après les traces d’activité, la
présentation arborescente est la plus consultée par les
étudiants : 46% des actions sur le profil sont avec cette vue. Quand
les étudiants ont eu le choix entre les 4 vues (figure 1), la vue
« rayon de soleil » a systématiquement
été remplacée par une autre, principalement le diagramme de
répartition (à 52%). Les avis exprimés dans le
questionnaire le confirment et montrent que la vue préférée
est l’arborescence (pour 37 des étudiants, voir figure 7). Pour
eux, cette visualisation est facile à lire et à comprendre, elle
permet de saisir rapidement les compétences présentées. Ils
sont minoritaires (5 sur 47) à préférer la
présentation du diagramme de répartition. Quand ils disent
préférer les autres visualisations, c’est parce qu’il
s’agit des premières auxquelles ils ont eu accès, lors de la
première phase de l’expérimentation.
Figure 7 • Nombre de consultations du
module OLM selon le type de visualisation (histogramme, en bleu) et
préférences de consultation exprimées selon le rang
attribué (courbe en orange)
6. Discussion
6.1. Utilisabilité et mise en œuvre des outils
Le premier objectif de l’étude
était d’identifier l’utilisabilité des services
proposés pour des étudiants de 1ère année (QR1).
Dans l’ensemble, les outils du service COMPER sont jugés faciles
à utiliser. Dans le détail, l’exerciseur ASKER a
été jugé plus utilisable et a été plus
utilisé que le module OLM. Le profil de compétences a obtenu un
score d’utilisabilité moyen (59,49/100) qui témoigne des
difficultés de compréhension rencontrées. Pourtant, son
utilisation, qui n’a pas été totalement abandonnée,
et la prédominance de la visualisation sous la forme d’une
arborescence, jugée facile à lire et à comprendre, invitent
à poursuivre son développement. Ce résultat rejoint la
recommandation de Vieira et al. (Vieira et al., 2018) selon laquelle les graphiques les plus simples sont à privilégier
dans la conception de tableaux de bord pour en faciliter l’accès et
l’interprétation. Cependant les présentations globales et
graphiques du profil (cercles, diagramme de répartition, rayon de
soleil), sont plus en adéquation avec les caractéristiques de
conception des tableaux de bord et sont des visualisations auxquelles les
étudiants disent être habitués. Des études
complémentaires doivent être menées pour répondre
à la QR1.1 et comprendre si cette préférence est
liée à la conception intrinsèque des visualisations,
à une mauvaise connaissance des objectifs du cours ou à des
différences entre étudiants.
Par ailleurs, les résultats confirment le lien entre
utilisabilité perçue et utilité réelle des
services : les étudiants qui ont évalué le plus
favorablement les outils sont aussi ceux qui en ont eu l’utilisation la
plus importante et la plus longue dans la durée. Un accompagnement plus
explicite à la prise en main du dispositif dans sa globalité
(c’est-à-dire intégrant les objectifs de la formation,
Lab4CE, le module OLM et ASKER) est une piste intéressante à
suivre pour limiter la perception de charge de travail supplémentaire
exprimée par certains des étudiants.
6.2. Utilité des outils
Le second objectif de l’étude consistait à comprendre
l’utilité de l’accompagnement proposé par COMPER en
termes d’autorégulation (QR2). Trois dynamiques ont pu être
observées dans l’utilisation du dispositif COMPER, en fonction de
périodes d’utilisation distinctes (QR2.1) : la moitié
des étudiants a utilisé les services pendant les TP, pour
s’entraîner, un quart les a utilisés surtout en vue de
l’examen final, pour réviser, et le dernier quart les a
utilisés de façon indifférenciée.
L’utilisation à des fins de révision va dans le sens
d’une régulation de la charge de travail de
l’étudiant, et du choix de faire les exercices de renforcement une
fois les TP finis. Par ailleurs, si la principale raison motivant
l’utilisation des services est d’y trouver une aide pour se
repérer dans le parcours d’apprentissage, les résultats du
questionnaire et de l’analyse des traces montrent que ce repérage
ne s’est pas toujours fait de façon personnalisée. La
plupart des étudiants a travaillé toutes les compétences
abordées pendant les TP plutôt que de cibler celles
proposées par les recommandations. De cette manière, malgré
l’affichage de tâches recommandées défendu par
Theobald (Theobald, 2021),
les étudiants ont éprouvé des difficultés à
optimiser leurs activités d’apprentissage. Les prochaines
expérimentations prévues dans le cadre du projet COMPER ont donc
pour objectif de répondre à ce besoin, en retravaillant les modes
d’affichage et les temporalités des ressources
personnalisées (par des feedbacks notamment, selon les
préconisations de Karabenick et Zusho (Karabenick et Zusho, 2015) et Panadero (Panadero, 2017).
Le profil d’autorégulation des étudiants a joué un
rôle important dans l’utilisation des services (QR2.2). Compte tenu
des différences observées (tableau 3), on peut supposer que la
mise à disposition d’exercices de renforcement vient principalement
pallier le manque de stratégies qui caractérise les
étudiants « décrocheurs ». La visualisation
des compétences n’est pour l’instant pas exploitable par eux,
ce qui confirme le constat de Matcha et al. (Matcha et al., 2019) ou de Kizilcec et al. (Kizilcec et al., 2017).
Les étudiants « suiveurs » et
« efficaces » se sont moins emparés des services
COMPER. Les « efficaces », ayant déjà des
stratégies autorégulatrices, jugent ces services comme peu utiles
pour une aide complémentaire. L’utilisation des profils de
compétences par les « suiveurs » en période
d’entraînement laisse entendre qu’elle n’est liée
qu’à l’intégration du service pendant les
séances de TP. On observe pour ces deux classes une utilisation
d’ASKER surtout en période de révision, l’approche de
l’examen ayant pu représenter un facteur motivationnel externe.
Enfin, la classe des « appliqués solitaires » se
distingue par une utilisation majoritaire des services pendant la période
d’entraînement et pas en phase de révision. Comme pour les
« efficaces », ils ont mobilisé leurs propres
stratégies autorégulatrices. La QR2.2 a donc partiellement
été traitée au cours de cette étude, le dispositif
COMPER semblant répondre aux besoins des étudiants isolés
et qui ne mettent pas ou peu de stratégies autorégulatrices en
œuvre. Ce résultat invite à poursuivre l’analyse pour
éventuellement conduire à la production d’un modèle
d’accompagnement à l’autorégulation se basant sur les
LA, à l’instar des recommandations de Araka et al. (Araka et al., 2020) ou de Panadero (Panadero, 2017).
Tableau 3 • Principales
caractéristiques de l’utilisation des services COMPER par les
profils autorégulés
Le dernier élément traité concerne la manière
dont les compétences d’autorégulation ont pu être
construites par les étudiants en expérimentant le scénario
pédagogique présenté (QR2.3). L’analyse des
écarts entre les échelles EAREL1 et EAREL2 montre que 3 des 4
construits de l’échelle, le contrôle du contexte, du soutien
des pairs et de la mobilisation de stratégies autorégulatrices,
ont diminué, en moyenne, de -0,5. Les effets de la période de
crise sanitaire n'ayant pas été mesurés dans cette
étude, il est aussi possible que cette baisse observée aille de
pair avec l’état général des étudiants.
À l’inverse, la perception de leur procrastination a
augmenté (+0,3), ce qui laisse surtout penser que les étudiants
ont pris conscience de la manière dont ils travaillent et apprennent.
En outre, la période d’utilisation des outils étant
courte (3 mois), elle représente une limite du travail
présenté dans cet article et ne permet pas de juger de son
utilité. D’ailleurs, d’autres limites ont pu être
identifiées : cette expérimentation a été
réalisée dans une situation écologique, avec des outils en
cours de développement. Du point de vue de la conception, ce choix nous a
permis d’identifier les pistes de reconception présentées
plus haut (structuration des fonctionnalités, variation des niveaux
d’accompagnement) dans une logique itérative. Cependant, le score
d’utilisabilité relativement moyen du module OLM et son utilisation
limitée partiellement expliquée par des erreurs techniques nous
invitent à lire avec précaution les écarts entre les
échelles EAREL1 et EAREL2.
6.3. Perspectives
Cette première version de l’OLM était centrée sur
le suivi de la performance. La visualisation des objectifs rendait possible des
actions de planification, mais sans fonctionnalité support (calendrier,
to-do list, etc.) pour l’opérationnaliser. En revanche, aucune
fonctionnalité ne permettait de faire le suivi de
l’activité. Les maquettes présentées aux
étudiants lors des entretiens semi-directifs visaient à tester
l’intérêt d’offrir des fonctionnalités
complémentaires, en particulier sur ces deux aspects, et
d’identifier si, et comment, une forme d’adaptation de l’OLM
par l’utilisateur pouvait être réalisée. Sur la base
des propositions de Sedrakyan et al. (Sedrakyan et al., 2019) qui décomposent les profils selon les étapes du SRL et promeuvent
l’intérêt des tableaux de bord, nous avons proposé des
interfaces regroupant les fonctionnalités selon les objectifs SRL
visés (fonctionnalité de suivi de la
performance/activité/planification) en laissant à
l’utilisateur la possibilité de choisir d’utiliser un ou
plusieurs groupes de fonctionnalités à utiliser. Dans une seconde
maquette, elles ont été combinées pour servir les trois
objectifs, mais avec des formes d’interaction de plus en plus
précises dans le suivi et donc de plus en plus complexes, toujours en
laissant à l’utilisateur la possibilité de choisir le niveau
de complexité adapté à ses besoins. L’objectif
était ici d’accompagner la progression de l’apprenant dans la
maîtrise des processus d’autorégulation par
l’instrumentation. Les retours des cinq étudiants confirment
l’intérêt de présenter les fonctionnalités de
façon adaptable sans vraiment statuer sur la forme d’adaptation la
plus pertinente. Un test plus complet de chaque fonctionnalité devra
être fait pour potentiellement ne choisir qu’un niveau de
complexité et une forme par fonctionnalité. Ensuite, nous devrons
évaluer si la stratégie de présentation des
fonctionnalités selon des vues structurées de type tableau de bord
(comme nous l’avons fait dans les maquettes) est adaptée ou si une
stratégie plus flexible sur la base de l’activation de widgets est
meilleure.
La recommandation de ressource d’apprentissage était l’une
des fonctionnalités présentées dans les maquettes. Avoir
des recommandations de travail a en effet été identifié
comme un des besoins majeurs des étudiants par Schumacher et Ifenthaler (Schumacher et Ifenthaler, 2018).
Les retours des étudiants confirment cette observation. Cette
fonctionnalité était en cours de développement au moment de
l’expérimentation (Sablayrolles et al., 2022).
Elle est maintenant opérationnelle et va pouvoir être testée
dans la poursuite du projet.
7. Conclusion
Cet article décrit
l’expérimentation, par des étudiants de DUT1 en
Informatique, de services articulant approche par compétences et
autorégulation et conçus pour accompagner le travail en
autonomie : l’accès à des exercices de renforcement et
à un profil de visualisation de compétences.
L’expérimentation a montré que ces services étaient
globalement utiles et utilisables, mais de manière différente en
fonction des profils autorégulés des étudiants. Les
services viennent principalement répondre aux besoins des
étudiants qui ont peu développé de stratégies
autorégulatrices. En fournissant à ces étudiants des outils
pour planifier, contrôler et évaluer leurs apprentissages, ils ont
su les mobiliser en phases d’entraînement et de révision.
L’étude montre aussi que l’ensemble des services a moins
été utilisé par les autres profils identifiés.
L’exploitation des données issues des questionnaires et des traces
d’activité des outils a permis de confirmer la pertinence de la
démarche globale auprès d’étudiants en situation de
travail en autonomie. En revanche, notre expérimentation ne nous a pas
permis de confirmer que l’environnement testé contribue
efficacement à la construction de compétences
d’autorégulation.
À
propos des auteurs
Laëtitia PIERROT est chercheure postdoctorante sur le
projet ANR COMPER pour lequel elle conduit des études d’usages en
s’appuyant sur des données mixtes. Elle a fait son doctorat dans
l’unité de recherche Techné de l’université de
Poitiers et s’intéresse à l’appropriation du
numérique en contexte éducatif. Sa recherche doctorale en sciences
de l’information et de la communication a porté
particulièrement sur la circulation sociale des pratiques
numériques juvéniles et ses contributions plus récentes
traitent de l’intégration du numérique dans les pratiques
enseignantes.
Adresse : Unité de recherche
Techné – UFR Lettres et Langues, Bâtiment A3 – 1 rue
Raymond Cantel TSA 11102 86073 Poitiers Cedex 9
Courriel : Laetitia.pierrot@univ-poitiers.fr
Toile : https://techne.labo.univ-poitiers.fr/membres/laetitia-pierrot/
Christine MICHEL est professeure en sciences de
l'information et de la communication à l'Université de Poitiers et
au laboratoire Techné. Ses recherches portent sur l’analyse des
usages de technologies pour l’éducation et la formation et sur la
conception de nouvelles formes d’activité ou de dispositifs
basés sur l’autonomisation et l’autorégulation des
acteurs (enseignants, apprenants) pour favoriser l’apprentissage.
Adresse : Unité de recherche
Techné – UFR Lettres et Langues, Bâtiment A3 – 1 rue
Raymond Cantel TSA 11102 86073 Poitiers Cedex 9
Courriel : christine.michel@univ-poitiers.fr
Toile : https://techne.labo.univ-poitiers.fr/membres/christine-michel/
Julien BROISIN est enseignant-chercheur à
l'Institut de Recherche en Informatique de Toulouse (IRIT) et responsable de
l'équipe TALENT (Teaching and Learning Enhanced by Technologies).
Ses recherches concernent l'utilisation des technologies pour améliorer
les pratiques d'apprentissage et d'enseignement. Il s'intéresse en
particulier à la conception et à l'évaluation de
systèmes interactifs qui promeuvent l'apprentissage actif,
c'est-à-dire qui tentent d'engager les apprenants dans la tâche
d'apprentissage. L'analyse et l'exploitation de données d'apprentissage
pour la personnalisation et l'adaptation des systèmes sont au cœur
de ses préoccupations. L'apprentissage de l'informatique constitue son
principal domaine d’application.
Adresse : Institut de Recherche en
Informatique de Toulouse - Université Toulouse 3 Paul Sabatier, F-31062
Toulouse, France
Courriel : julien.broisin@irit.fr
Nathalie GUIN est maître de conférences en
informatique à l'Université de Lyon. Elle est rattachée au
LIRIS (Laboratoire d'InfoRmatique en Images et Systèmes d'information,
UMR 5205) au sein de l'équipe TWEAK (Traces, Web, Education, Adaptation, Knowledge). Ses recherches portent sur l'élicitation des
connaissances pour les EIAH. Ses thèmes d'intérêt actuels
sont liés à la personnalisation des EIAH (analyse des traces
d'activités, profils d'apprenants, génération
d'activités adaptées), à l’approche par
compétences et à l’auto-régulation des
apprenants.
Adresse : Université de Lyon, CNRS
- Université Lyon 1, LIRIS, UMR5205, F-69622, France
Courriel : Nathalie.Guin@univ-lyon1.fr
Toile : http://liris.cnrs.fr/nathalie.guin
Marie LEFEVRE est enseignant-chercheur au LIRIS au sein de
l'équipe TWEAK (Traces, Web, Education, Adaptation, Knowledge).
Ses recherches se situent dans le domaine des Environnements Informatiques pour
l’Apprentissage Humain (EIAH), avec une approche issue du domaine de
l’Intelligence Artificielle, et plus particulièrement de
l’Ingénierie des Connaissances. Ses recherches portent sur la
personnalisation de l’apprentissage, sur l’acquisition et la
modélisation des connaissances permettant d’assister les
enseignants dans cette tâche de personnalisation et sur l’assistance
aux utilisateurs (apprenants et enseignants) aÌ partir de
l’expérience tracée aÌ travers une découverte
dynamique des connaissances.
Adresse : Université de Lyon, CNRS
- Université Lyon 1, LIRIS, UMR5205, F-69622, France
Courriel : Marie.Lefevre@liris.cnrs.fr
Toile : http://liris.cnrs.fr/marie.lefevre/
Rémi VENANT est enseignant-chercheur au LIUM au
sein de l’équipe IEIAH (Ingénierie des Environnements
Informatiques pour l’Apprentissage Humain). Ses travaux de recherche
portent sur l’analyse des apprentissages (learning analytics), la
fouille de données et la création de modèles
prédictifs pour l'éducation, ainsi que sur la conception et
l'évaluation d'environnements informatiques pour l'apprentissage
pratique.
Adresse : LIUM, 52 rue des Docteurs
Calmette et Guérin - BP2045 - 53020 LAVAL Cedex 09
Courriel : remi.venant@univ-lemans.fr
Toile : https://lium.univ-lemans.fr/en/team/remi-venant/
REMERCIEMENTS
Cette expérimentation et la conception des
outils ont été réalisées dans le cadre du projet
ANR-18-CE38-0012.
RÉFÉRENCES
Araka,
E., Maina, E., Gitonga, R. et Oboko, R. (2020). Research trends in measurement
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in Technology Enhanced Learning, 15(1), 6.
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