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Volume 29, 2022
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Ludicisation de la gestion de classe avec Classcraft, une étude systémique

 

Guillaume BONVIN (HEP Vaud et TECFA/Université de Genève), Éric SANCHEZ (TECFA/Université de Genève)

 

RÉSUMÉ : Ce papier porte sur une étude empirique conduite dans des écoles secondaires, en Suisse et au Brésil et qui concerne Classcraft, un jeu numérique de gestion de classe. Les premiers travaux qui ont été menés s’appuient sur la Théorie des situations didactiques. Ils visent à comprendre la manière dont le comportement des élèves est influencé par le jeu. Ils mobilisent un modèle qui situe l’expérience de jeu dans un contexte qui comprend la situation de jeu, le travail de l’enseignant qui intègre le jeu et la culture organisationnelle de l’institution dans laquelle ce dernier exerce. Les analyses qui ont été menées s’appuient sur une méthodologie mixte : recueil des traces numériques d’interaction, conduite d’entretiens semi-directifs avec les personnes impliquées et observations in situ.

MOTS CLÉS : Gestion de classe, apprentissage par le jeu, analytique de l’apprentissage, ludicisation, gamification, Classcraft.

Ludicization of classroom management with Classcraft. A systemic study

ABSTRACT : This paper draw on an empirical study about Classcraft, a digital game dedicated to classroom management, conducted in secondary schools in Switzerland and Brazil. The study is based on the Theory of didactical situations. It aims to understand how students’ behavior is influenced by the game and rely on a model that situates the game experience in a context that includes the game; the teacher’s task, which integrates the game; and the organizational culture of the institution in which the teacher work. The analyses that were carried out are based on a mixed methodology: collection of digital traces of interaction, semi-structured interviews with the people involved and in situ observations.

KEYWORDS : Classroom management, game-based learning, learning analytics, ludicization, gamification, Classcraft.

1. Introduction

La gamification, parfois traduite par ludification en français, est généralement définie comme l’emploi d’éléments ou de mécaniques ludiques dans le cadre d’une situation réputée a priori non ludique telle qu’une situation d’apprentissage (Deterding et al., 2014). Des définitions plus récentes tentent de prendre en compte qu’il n’existe pas d’éléments ou de mécaniques de jeu intrinsèquement ludiques et que le jeu est subjectif et performatif (Seaborn et Fels, 2015). Ces définitions conduisent à considérer que la question de la conversion d’une situation d’apprentissage en jeu relève d’un processus de ludicisation (Genvo, 2011) qui permet d’insister sur le fait que cette conversion conduit à changer le sens attribué à la situation.

Nous avons ici pour objectif de caractériser les effets de la ludicisation sur le comportement en classe d’élèves de l’enseignement secondaire. De plus nous souhaitons interpréter ces effets en adoptant une perspective systémique c’est-à-dire en interrogeant les acteurs impliqués : élèves, enseignants, et autorités administratives. L’analyse que nous menons s’appuie sur un modèle didactique qui a été retenu parce qu’il permet de prendre en compte la dimension subjective du jeu, les effets des décisions prises par l’enseignant en termes d’implémentation et d’animation du jeu ainsi que la culture organisationnelle de l’institution au sein de laquelle l’enseignant exerce. Cette analyse s’appuie sur une étude empirique conduite dans deux écoles en Suisse et au Brésil qui a permis d’expérimenter Classcraft, une plateforme de jeu dédiée à la ludicisation de la gestion de classe (Sanchez et al., 2015).

Les données recueillies résultent de la mise en place d’une méthodologie mixte. Elles comprennent les traces numériques d’interaction avec la plateforme de jeu, automatiquement collectées, qui permettent une analyse du comportement du joueur. Ces traces sont interprétées à la lumière des observations conduites dans les classes. Ces données sont complétées par des entretiens menés avec les différents acteurs impliqués (élèves, enseignants et personnel de direction).

Dans une première partie, nous revenons sur les travaux antérieurs afin de proposer un modèle didactique systémique sur lequel se fonde notre recherche. Dans une seconde partie, nous décrivons l’étude empirique qui a été menée, la méthodologie qui a été mise en place ainsi que les données collectées. La dernière partie est consacrée à une présentation et une discussion des résultats de notre étude.

2. Vers un modèle systémique de ludicisation

Nous présentons ici le cadre conceptuel et problématique de nos travaux. Nous exposons d’abord un bref état de l’art sur la gestion de classe et des applications qui sont aujourd’hui utilisées pour la rendre ludique. Nous présentons ensuite les éléments sur lesquels nous nous appuyons pour élaborer notre modèle systémique de la ludicisation.

2.1. Gestion de classe et applications dédiées

La gamification est communément définie comme l’usage d’éléments ou de mécaniques ludiques dans un contexte ou une situation ne relevant pas du jeu (Deterding et al., 2014). Ces éléments ou mécaniques sont ici des composants avec lesquels le joueur interagit, tels que des récompenses sous forme de points ou de badges, de tableaux d’honneur. D’autres éléments, comme un temps limité ou des niveaux de jeu, sont relatifs au game design et sont des éléments choisis par le concepteur du jeu. Les mécaniques ludiques sont les méthodes mobilisées par le joueur pour jouer. Par comparaison, les jeux de plateau utilisent des mécaniques usuelles telles le lancer de dés ou les déplacements de pions (Lieberoth, 2015). Dans le champ de l’éducation, la gamification est employée pour obtenir un plus grand engagement des apprenants dans des activités d’apprentissage ou des comportements souhaités en classe. Ce dernier objectif relève de la gestion de classe qui est définie comme l’ensemble des « pratiques éducatives auxquelles l'enseignant a recours afin d'établir, de maintenir et, au besoin, de restaurer dans la classe des conditions propices au développement des compétences des élèves » (Nault et Fijalkow, 1999). La gestion de classe est souvent perçue comme l’un des plus grands défis de l’activité professionnelle des enseignants. Différentes applications dédiées à la gamification de la gestion de classe sont aujourd’hui à disposition. Nous citerons les plus connues comme The Carrot Rewards for Schools qui propose des systèmes de récompense permettant à l’enseignant d’accorder des points à ses élèves selon qu’ils respectent, ou non, les règles de vie de la classe. ClassBadges est une autre plateforme numérique qui permet d’attribuer des badges aux élèves qui réussissent certains objectifs prédéfinis par l’enseignant. Enfin, l’application Class Dojo est destinée à envoyer des « feedbacks positifs » aux élèves qui démontrent des capacités attendues telles que « travailler de manière assidue » ou « être respectueux avec les autres ». L’efficacité de cette dernière application a pu être démontrée dans le cas d’une étude empirique, en particulier du point de vue de l’amélioration de l’engagement des élèves (Maclean-Blevins et Muilenburg, 2013). D’autres études ont également rapporté des améliorations en ce qui concerne une autorégulation des comportements et une diminution de la fréquence des comportements inappropriés (Dadakhodjaeva, 2017). Les explications avancées pour ces effets mettent généralement en avant le système de récompense du jeu. Par exemple, da Rocha Seixas et ses collègues (da Rocha Seixas et al., 2016) ont montré que le nombre de récompenses attribuées est corrélé avec des performances comportementales plus élevées que la moyenne, ce qui les conduit à conclure sur les effets positifs de ces récompenses.

Ainsi, la conception de ces applications s’appuie sur des éléments de jeu qui relèvent de choix de game design prenant la forme de points ou de badges et qui ont pour but d’influencer la manière dont un élève se comporte en classe. Pourtant, la notion d’élément de jeu est problématique. Aucun élément ne peut être considéré comme intrinsèquement ludique et, s’appuyer sur une définition de la gamification qui postule le contraire, c’est adopter un point de vue qui ne prend pas suffisamment en compte le caractère subjectif du jeu (Genvo, 2013). Des éléments ou des mécaniques ludiques, telles que les récompenses, ne sont pas par essence ludiques. Ils peuvent être utilisés dans d’autres types de situations. Ainsi, il est difficile de considérer qu’il est possible de « faire un jeu » comme le suggère l’étymologie du terme gamification.

2.2. Vers un modèle systémique de la ludicisation

Dans le domaine éducatif, la gamification a donné lieu à un grand nombre de travaux de recherche qui ont exploré les effets de la gamification sur l’engagement des apprenants (Bonvin et Sanchez, 2017)(da Rocha Seixas et al., 2016) leur attitude vis-à-vis de la thématique abordée (Smith, 2017), leur motivation (Hanus et Fox, 2015), (Su et Cheng, 2015), leur réussite scolaire (De Marcos et al., 2016), (Landers et al., 2017) ou leur comportement (Seaborn et Fels, 2015). La gamification a parfois été qualifiée par ses détracteurs de pointsification (Kapp, 2012) pour souligner qu’il n’existe pas d’éléments ou de mécaniques intrinsèquement ludiques et que le jeu est avant tout subjectif et performatif. Ainsi, des définitions récentes de la gamification insistent sur ses aspects psychologiques (Lierberoth, 2015). L’expérience ludique résulterait avant tout d’une interprétation de celui qui joue et la gamification peut donc être envisagée du point de vue de la situation (play) mise en place plutôt que de l’artefact réalisé (game). Gamifier consisterait alors à introduire, dans une situation a priori non ludique, des affordances qui s’appuient sur des principes de game design et qui permettent de la considérer comme un jeu (Hamari et al., 2014). Le concept d’affordance renvoie aux propriétés qu’un sujet peut attribuer à un objet (Gibson, 1977). Une telle définition de la gamification permet alors de prendre en compte le caractère subjectif du jeu. Ce point de vue permet également d’insister sur le caractère performatif du jeu. Le jeu-situation (play) émerge d’une rencontre entre un jeu-objet (game) et un sujet qui devient joueur parce qu’il accepte d’entrer dans un « cercle magique » (Huizinga, 1951) où les actions qu’il réalise prennent un sens différent. Gamifier ce n’est donc pas « faire un jeu » (littéralement gami-fier), mais faire en sorte qu’une situation ordinaire puisse être interprétée comme ludique, permettre une transformation du cadre d’expérience au sens de Goffman (Goffman, 1991).

C’est pourquoi, en nous appuyant sur Genvo (Genvo, 2013), nous avons proposé d’utiliser le terme ludicisation en lieu et place de gamification (Sanchez et al., 2015). Le suffixe « icisation » permet en effet de souligner l’idée d’une transformation et le préfixe “ludus” indique la nature de cette transformation. Ludiciser une situation ordinaire c’est donc y introduire des affordances perçues qui s’appuient sur des principes du game design dans le but de permettre à un sujet d’interpréter une situation d’apprentissage comme un jeu. Cette approche nous conduit à considérer que la ludicisation de la gestion de classe ne dépend pas uniquement de l’introduction de systèmes de récompense sous la forme de points, de badges ou de tableaux d’honneur. Un élève percevra la situation comme un jeu si cette situation est présentée sous la forme d’une narration qui peut se traduire par un défi à relever, de la compétition ou de l’humour. La situation ludicisée se présente alors comme la métaphore d’un domaine cible qui doit faire l’objet d’un apprentissage (Bonnat et al., sous presse, 2023). Une autre condition pour que la situation soit perçue comme un jeu est liée au rôle de l’enseignant, devenu maître du jeu, et donc en charge de concevoir, d’introduire et d’animer le jeu (Sandoval et Bell, 2004). Enfin, il faut également souligner l’importance de la culture organisationnelle de l’institution au sein de laquelle travaillent élèves et enseignant.

Ainsi, il est possible de distinguer différents niveaux emboîtés, à la manière de poupées russes, qui s’influencent mutuellement (voir figure 1).

Figure 1 • Modèle de ludicisation adapté de (Margolinas, 1995)

Ce modèle est adapté des travaux de Margolinas (Margolinas, 1995) sur la structuration du milieu didactique. Il s’inscrit donc dans la théorie des situations didactiques (Brousseau, 1998) qui décrit la manière dont les savoirs sont transposés dans des situations lorsqu’ils sont enseignés. Il permet de prendre en compte que la situation de classe ludicisée (niveau 1) dépend de décisions prises par l’enseignant lorsqu’il conçoit et anime la situation (niveau 2). Le terme conception est ici considéré dans une acception très large. Il comprend les décisions de l’enseignant qui concernent l’intégration du jeu dans un scénario pédagogique (l’adaptation du jeu à ses besoins et à son contexte d’enseignement, l’introduction du jeu pour les élèves, le rôle de l’enseignant pendant le jeu, le débriefing ou l’institutionnalisation qui succède à la phase de jeu) ainsi que l’orchestration du jeu (les interventions de l’enseignant pendant le jeu). Selon ce modèle, la situation de conception/orchestration est elle-même influencée par la culture organisationnelle de l’institution dans laquelle l’enseignant exerce et qui influence ses choix. Cette culture organisationnelle est proche de l’idée de noosphère telle qu’elle a été formulée par Chevallard (Chevallard, 1985). Il s’agit d’un ensemble de savoirs, de valeurs et de pratiques partagés par les acteurs de l’institution éducative qui peuvent exercer une influence sur le travail de l’enseignant. À travers ce modèle nous faisons également l’hypothèse que l’influence de chacun des niveaux peut aussi s’exercer dans l’autre sens. La situation de jeu telle qu’elle est vécue par l’enseignant peut l’amener à réviser ses choix de conception et lui-même peut introduire des changements dans le fonctionnement de son institution.

Ce modèle systémique constitue le cadre conceptuel que nous avons élaboré pour analyser la ludicisation de la gestion de classe avec Classcraft. Il permet (1) de considérer que le jeu résulte d’un changement d’interprétation de la situation par le joueur et donc d’une transformation du cadre d’expérience (le second degré du jeu), (2) de prendre en compte que cette transformation est liée au joueur lui-même, à l’enseignant selon la manière dont celui-ci introduit et anime le jeu et (3) de l’institution au sein de laquelle l’enseignant exerce.

Cela nous conduit en premier lieu à observer la situation de classe. Nous souhaitons identifier l’influence de l’usage du jeu sur le comportement des élèves. Est-ce que les comportements escomptés par les enseignants sont bien présents ? Comment ces comportements évoluent-ils dans le temps ? Peut-on observer des différences interindividuelles entre les élèves concernés ? Un autre volet de notre problématique porte sur l’interprétation de ces effets. En particulier, en lien avec notre modèle, nous nous intéressons au rôle de l’enseignant. Nous souhaitons comprendre comment ses décisions dans la manière de concevoir la situation de jeu peuvent exercer une influence sur la manière dont les élèves jouent. Enfin, nous nous interrogeons également sur l’influence de la culture organisationnelle du système éducatif dans lequel cet enseignant exerce. Nous formulons ainsi l’hypothèse que les effets du jeu dépendent de la manière dont l’enseignant le met en place et que les choix de l’enseignant dépendent d’attentes et de contraintes institutionnelles.

3. Une étude empirique sur les usages de Classcraft

3.1. Classcraft, un jeu dédié à la ludicisation de la gestion de classe

Classcraft (Sanchez et al., 2015) est un jeu numérique dédié à la gestion de classe. C’est une plateforme numérique accessible via un ordinateur, une tablette ou un ordiphone. Si ce dispositif ludique présente quelques similarités avec les applications précédemment décrites, cette application dépasse la simple attribution de points aux élèves. En effet, s’inspirant fortement de l’univers médiéval-fantastique du RPG (role playing game) World of Warcraft, Classcraft vise à transformer la classe en une aventure où chaque joueur fait partie d’une équipe et endosse l’identité d’un personnage (avatar) tel que mage, guerrier ou guérisseur, ce qui lui confère des pouvoirs spécifiques. Tout d’abord, ce jeu permet de définir des attentes claires auprès des élèves en réaffirmant les règles de la classe, mais d’une manière qui prend sens dans le cadre du jeu. Cette clarification du cadre fait partie des cinq composantes d’une gestion de classe efficiente selon Gaudreau (Gaudreau, 2017) qui, par son modèle corroboré par la pratique, permet aux enseignants de porter un regard critique sur leurs pratiques. L’intérêt de ce modèle réside dans le fait qu’il permet de distinguer différentes composantes plus ou moins indépendantes permettant de conduire une analyse a priori du jeu Classcraft et donc d’anticiper la manière dont il peut être actionné par l’enseignant.

Dans Classcraft, les comportements attendus sont décrits par les règles du jeu qui sont implémentées par défaut dans la plateforme. L’enseignant peut les modifier pour les adapter à ses objectifs ou aux règles qui prévalent dans son établissement scolaire. Les joueurs sont récompensés (obtention de points d’expérience) ou pénalisés (perte de points de vie) sur la plateforme par l’enseignant en fonction de l’adoption ou non des règles définies (comportements attendus en classe). Par exemple, au sein de l’école que nous avons suivie en Suisse, un élève peut perdre 10 points de vie (HP) s’il oublie d’apporter son matériel scolaire en classe ou pourra se voir attribuer 10 points d’expérience (XP) s’il aide un camarade en difficulté. Les points reçus peuvent être utilisés par l’élève pour acheter des pouvoirs qui ont des effets sur ce qu’il est autorisé à faire en classe. Ainsi, la « cape d’invisibilité » permet d’arriver 5 minutes en retard sans encourir de sanction de la part de l’enseignant. Les élèves jouent en équipe et les comportements d’entraide et de collaboration sont encouragés. L’esprit d’altruisme et de collaboration induit par le jeu s'inscrit dans une autre composante de la gestion de classe qui consiste à maintenir des relations positives entre les élèves (Gaudreau, 2017). Certains pouvoirs sont en effet des pouvoirs collaboratifs qui permettent d’aider un coéquipier en difficulté (« soigner » un camarade dont les points de vie viendraient à manquer). Le pouvoir d’invisibilité peut ainsi être utilisé pour éviter une sanction à un camarade qui arriverait en retard. Inversement, certaines sanctions attribuées par l’enseignant à un élève impactent également les membres de son équipe pour susciter l’esprit de solidarité et faire émerger des solutions au sein de l’équipe. D’autres fonctionnalités de Classcraft permettent de gérer et d’animer des activités d’apprentissage. En matière de gestion de classe, ces outils permettent d’une part de répondre à la composante de gestion de ressources temporelles ou spatiales (Gaudreau, 2017) afin par exemple d’afficher le chronomètre, le compte à rebours ou le sonomètre qui peut être utilisé pour limiter le niveau de bruit lors des travaux de groupes. Si ce niveau dépasse un seuil déterminé par l’enseignant, tous les joueurs sont pénalisés. D’autre part, certains outils sont spécialement conçus pour favoriser le maintien de l’attention des élèves dans les tâches d’apprentissage. Cette composante d’engagement des élèves dans la tâche est primordiale dans une bonne gestion de classe (Gaudreau, 2017). La « bataille de boss » en est un bon exemple. Cet outil permet à l’enseignant de créer un questionnaire interactif sur la plateforme afin d’animer une activité quiz en classe et pour laquelle chaque réponse exacte, débattue au sein d’une équipe, constitue une victoire sur un adversaire virtuel dans le jeu. Cette victoire permet de gagner des pièces d’or (coins) ou des points d’expérience (XP) qui peuvent être utilisés pour personnaliser l’avatar de chaque élève. De plus, comme tout champ de bataille, Classcraft est également sujet à des aléas qui peuvent se révéler bénéfiques ou négatifs. Pour animer son cours et regagner l’attention de ses élèves, l’enseignant peut encore utiliser l’outil « Les Cavaliers de l'île de Vay ». Le système va sélectionner, de manière automatique et aléatoire, une activité que l’enseignant a choisie en paramétrant le jeu. Les joueurs peuvent également être pénalisés, ou au contraire gratifiés de points supplémentaires, de manière complètement aléatoire et arbitraire. Il est attendu que l’enseignant, comme les joueurs, accepte les conséquences de ces événements aléatoires.

Les différentes équipes ne sont en principe pas en compétition, mais chaque élève peut consulter un tableau de bord sur lequel sont indiquées des informations telles que le niveau atteint, les points disponibles ou les pouvoirs dont il dispose. Le tableau de bord affiche également son avatar qui dépend du rôle qu’il a choisi.

Il est intéressant de noter que dans le modèle de gestion de classe de Gaudreau (Gaudreau, 2017), la dernière composante à envisager s’intitule gérer l’indiscipline et qu’il ne devrait pas être nécessaire d’actionner cette composante si les quatre premières, qui relèvent de la relation pédagogique, ont bien été mises en place (gestion des ressources, clarification des attentes, relation positive, maintien de l'attention). La gestion de cette indiscipline peut également être gérée avec Classcraft et la responsabilité de cette gestion revient à l’enseignant qui, en tant que maître du jeu, applique les règles établies. En effet, l’enseignant choisit les règles, s’assure qu’elles sont respectées, définit des défis et récompense ou sanctionne.

Classcraft ne consiste ni dans la juxtaposition d’éléments ou de mécaniques ludiques ni dans la juxtaposition d’éléments dédiés à la gestion de classe. Ces éléments sont au contraire intégrés pour constituer une métaphore cohérente au service de la gestion de classe. D’un point de vue ludique, la classe devient une bataille et le but du jeu consiste à survivre aux aléas du combat et à acquérir de nouveaux pouvoirs. Cette métaphore est également soutenue par l’iconographie inspirée de celle du jeu World of Warcraft. Elle est également soutenue par le lexique employé. Ainsi, un élève qui a perdu tous ses points de vie est « tombé au combat ». La métaphore résulte aussi des rôles qui sont attribués aux différents personnages. Le guérisseur peut sauver un camarade en difficulté. La métaphore déployée dans l’univers Classcraft vise à ce qu’un élève donne une autre signification aux comportements attendus dans la classe et à maintenir un engagement fort dans les tâches d’apprentissage. Ainsi, obtenir des points, c’est permettre à son avatar de gagner des pouvoirs qui sont le gage de sa « survie » et de celle de son équipe.

L’ensemble de ces éléments font de Classcraft une plateforme dédiée à la ludicisation de la gestion de classe. Pour les élèves, les actions effectuées dans la classe ne sont pas modifiées en tant que telles. Il s’agit d’adopter le comportement généralement attendu d’un élève de l’enseignement secondaire. Les raisons qui motivent ce comportement ne sont pas non plus différentes de la situation usuelle qui prévaut dans une école. Ce comportement est encadré par des règles qui sont ici des règles du jeu semblables aux règles de vie de la classe. Ce qui est modifié par l’application c’est le sens donné au comportement dans la classe. Il ne s’agit plus d’adopter un comportement attendu par l’enseignant, mais plutôt un comportement qui permettra de franchir les niveaux du jeu, d’acquérir des pouvoirs et de survivre au sein d’une « bataille » pour laquelle l’entraide entre équipiers est cruciale. Autrement dit, et pour reprendre la terminologie de Goffman (Goffman, 1991), ludiciser c’est rendre possible un changement de cadre d’interprétation de la situation. La classe, en tant qu’expérience vécue par les élèves, constitue un cadre primaire régi par des règles sociales qui relèvent de la gestion de classe usuelle. Cette dernière est même renforcée par le dispositif ludique. Le jeu Classcraft constitue donc un cadre transformé. Il permet que s’établissent, entre les joueurs et entre les joueurs et l’enseignant devenu maître du jeu, des interactions positives qui relèvent d’un second degré. Ainsi, une pénalité attribuée à un élève n’est plus une sanction liée au cadre scolaire, mais une pénalité de jeu qui se traduit par une perte de points. Cette transformation est rendue possible par les affordances du jeu qui permettent à un élève de devenir joueur, c’est-à-dire d’attribuer une signification nouvelle aux interactions. Selon ce point de vue, la subjectivité du jeu est un élément central qui doit être pris en compte pour interpréter la manière dont le jeu est joué.

3.2. Contexte de l’expérimentation

À travers cette étude, nous voulons comprendre comment le comportement des élèves est influencé par le jeu. Nous faisons l’hypothèse que le jeu influence le comportement des élèves et que son orchestration est influencée par l’enseignant, la culture organisationnelle et les élèves eux-mêmes. À cet effet, nous avons conduit des expérimentations du jeu dans deux écoles pilotes situées respectivement dans le Canton de Fribourg (codée ECF), en Suisse, et à Uberlandia au Brésil (codée EUB).

Tableau 1 • Caractéristiques des classes dans lesquelles les expérimentations sont menées

 

Fribourg (ECF)

Uberlândia (EUB)

Classe

1 classe

1 classe

Nombre d’enseignants

5 enseignants

1 enseignant

Nombre d’élèves

23 élèves

35 élèves

Âges

14-15 ans

10-12 ans

Rôles

12 filles
5 Mages
2 Guerrières
5 Guérisseuses
11 garçons
5 Mages
4 Guerriers
2 Guérisseurs

15 filles
2 Mages
5 Guerrières
8 Guérisseuses
20 garçons
12 Mages
4 Guerriers
4 Guérisseurs

Durée de l’expérimentation

5 mois

3 mois

Le tableau 1 résume les caractéristiques des contextes dans lesquels les expérimentations ont été menées. Le choix de ces écoles a été motivé par le fait que nous souhaitions conduire les analyses dans deux contextes aussi différents que possible. Nous avons alors choisi de conduire nos expérimentations dans deux classes. Pour l’une d’entre-elle (ECF), c’est la majorité de l’équipe pédagogique qui a souhaité utiliser le jeu. Pour l’autre, seul l’enseignant brésilien a utilisé le jeu. L’expérimentation s’est déroulée sur une partie significative de l’année scolaire.

La classe de Fribourg (ECF) est une classe de dernière année (11H) prégymnasiale. Ces élèves sont prédestinés à poursuivre dans un cursus préuniversitaire. L’expérimentation a débuté avec l’enseignant principal (8 périodes de 45 minutes par semaine sur 36), mais celui-ci a été rapidement rejoint par 4 autres collègues totalisant 19 périodes par semaine ludicisées avec Classcraft. L’expérimentation a ainsi été conduite sur une durée de 20 semaines, soit 5 mois en prenant en compte les vacances scolaires.

La classe brésilienne (EUB) est composée d’élèves plus jeunes et l’enseignant principal est avec ses élèves la majeure partie du temps. Le jeu a été expérimenté pendant 3 mois.

Dans la suite, les élèves seront codés à l’aide d’une lettre à laquelle nous adjoignons le code de son école.

3.3. Données collectées

3.3.1. Traces d’interactions

Les données collectées proviennent de deux sources. Elles consistent dans la collecte et l’analyse des traces numériques d’interaction qui nous permettent de mettre en place une méthodologie que nous qualifions d’analytique du jeu ou playing analytics (Sanchez et al., 2015) en référence à l’analytique de l’apprentissage. Ces traces numériques se présentent sous la forme d’obsels, c’est-à-dire sous la forme d’événements horodatés de jeu qui intègrent des informations permettant de leur donner du sens. Par exemple, le joueur dont l’identifiant est bGjjjjF6Jk7nQurh3 a, le 18 janvier 2017 à 8h10, perdu 10 points parce qu’il a oublié d’apporter son matériel en classe. Le 12 avril 2018, 1911 obsels avaient été collectés. Après exportation de différentes bases de données JSON du jeu et l’assemblage de celles-ci sous la forme d’un fichier CSV, deux méthodes de visualisation et d’analyses ont été menées. Premièrement, ces obsels ont été visualisés avec la plateforme kTBS4LA (Casado et al., 2017) permettant une sélection des données et certains traitements statistiques élémentaires. D’autres visualisations ont été menées en triant les données et en réalisant des graphiques à l’aide d’un tableur. La durée des deux expérimentations et les objectifs fixés font varier fortement le nombre d’actions enregistrées pour chacune des classes sur la plateforme. Pour ECF, 4125 obsels ont été collectés contre 1742 pour EUB.

Les obsels collectés permettent de caractériser les élèves et les enseignants du point de vue des composantes de la gestion de classe mobilisées.

3.3.2. Entretiens semi-directifs

Des observations de classe et des entretiens semi-directifs (de type focus groups) ont été conduits avec les élèves et les enseignants des deux classes. Les observations de classe ont fait l’objet de l’utilisation d’une grille qui permettait de consigner ce que disent et ce que font les enseignants et leurs élèves. Ont été également notés tous les événements relatifs au jeu. Les observations réalisées ont été horodatées afin de permettre de les mettre en relation avec les données numériques. L’observateur a également saisi des mots clefs ainsi que des commentaires sur la séance observée. Ces observations visent, comme pour les données numériques, à caractériser la gestion de classe du point de vue des composantes mobilisées.

Au terme de l’expérimentation, un focus group a été organisé avec les 5 enseignants de la classe ECF, tandis qu’un entretien semi-dirigé a été réalisé au Brésil. Les entretiens ont été conduits en prenant comme référence les différents niveaux de notre modèle d’analyse : jeu et comportement des élèves, décisions et interventions de l’enseignant et contexte institutionnel dans lequel le jeu a été mis en place. Au cours de ces focus groups, certaines données numériques ont été soumises à discussion afin d’affiner leur interprétation. Par exemple, les données montraient qu’une élève d’ECF avait perdu tous ses points. Le focus group a permis d’interpréter cette perte de points.

Des entretiens semi-directifs ont également été menés avec les responsables des établissements concernés (directeurs des écoles). Nous cherchions, par ces entretiens, à qualifier le contexte et l’influence de l’institution sur l’introduction du jeu dans les classes, en décrivant les valeurs, pratiques et modes d’organisation de l’institution.

La figure 2 résume les méthodes de collecte des données selon les différents niveaux de notre modèle. Au total, les données proviennent de 25 observations de classe, 2 focus groups et 10 entretiens. Ces méthodes visent à mettre en place une approche systémique qui d’une part permet de caractériser la manière dont le jeu est joué (playing analytics) et de lui donner du sens du point de vue des acteurs (observations de classes, focus groups et entretiens semi-directifs).

Figure 2 • Données collectées par niveau et acteurs

4. Résultats et discussions

Nous analysons dans cette section les données recueillies selon les différents niveaux de notre modèle et en les croisant de manière à répondre à nos questions de recherche, c’est-à-dire (1) caractériser l’influence du jeu sur le comportement des élèves et (2) comprendre la part des décisions de l’enseignant, de la culture organisationnelle de l’institution et les élèves eux-mêmes sur cette influence.

4.1. Le jeu et son influence sur le comportement des élèves

En nous basant sur les données collectées, nous pouvons attester de l’influence du jeu sur le comportement des élèves. Cette influence va dans le sens des attentes des enseignants. Dans un entretien, l’enseignant de l’UEB indique qu’il a réussi à obtenir que les élèves utilisent le dictionnaire pour certaines tâches, comportement qu’il ne parvenait pas à obtenir auparavant. Les élèves relèvent quant à eux qu’ils ont pris conscience de l’intérêt de travailler de manière plus collaborative et de demander l’avis des autres membres de leur équipe avant de fournir une réponse. Ils mentionnent également que le jeu a facilité l’intégration d’élèves arrivés en cours d’année scolaire. De son côté, l’enseignant relève que certains travaux demandés à domicile sous la forme de devoirs et qui n’étaient généralement pas effectués par les élèves le sont aujourd’hui de manière beaucoup plus systématique.

Des résultats comparables sont rapportés par les enseignants de l’ECF qui indiquent que les élèves se sont mieux approprié les règles de vie de classe avec le jeu. Ceci est confirmé par certains propos d’élèves lors des entretiens : « Je pense que grâce au jeu, on a pris conscience qu’on était responsable de notre comportement en classe » (M-ECF). J-ECF mentionne que les élèves de son équipe se sont entraidés pour échapper aux conséquences négatives, pour toute l’équipe, des échecs de l’un d’entre eux. Lors d’un entretien, A-ECF explique que le jeu permet de « faire passer des règles de manière positive. Normalement, elles passent de manière négative. Si on ne les respecte pas, ils nous punissent. Tandis que là, si on respecte les règles, on est récompensé ».

Néanmoins, il est possible d’identifier des élèves dont le comportement échappe au déterminisme ludique. Par exemple, A-ECF dont le comportement est jugé « perturbateur » par ses enseignants et qui, elle-même, reconnaît la justesse de ce constat, n’a pas pour autant changé son comportement. Elle ne rejette néanmoins pas totalement le jeu, car elle en souligne l’intérêt pour « présenter les règles de manière positive » et y participe en recherchant des erreurs dans les énoncés des enseignants pour gagner des points (règle définie par les enseignants ECF).

La ludicisation de la gestion de classe se traduit donc par des effets différenciés selon les élèves. La figure 3 qui présente la distribution des obsels pour chacun des 23 élèves de l’ECF montre de grandes différences interindividuelles.

Figure 3 • Distribution des obsels pour les élèves de l’ECF

Si on prend en compte le nombre d’obsels pour quantifier et comparer l’implication des élèves dans le jeu, on constate que cette implication varie du simple au triple. Nous retenons comme type d’obsels signifiant pour montrer l’implication les pertes d’HP, les gains d’XP, l’achat de pouvoirs, l’usage de pouvoirs collaboratifs ou individuels et la perte totale de point (« mort au combat »). Du point de vue de la répartition des actions dans le jeu, il est également possible d’identifier de grandes différences dans la manière dont les élèves jouent. Certains d’entre eux privilégient par exemple plus que d’autres l’usage de pouvoirs dits « collaboratifs » (qui ont un effet positif sur le groupe). C’est le cas de l’élève H-ECF qui par ailleurs n’emploie jamais de pouvoirs individuels. Les pertes de point HP en lien avec les sanctions de l’enseignant sont également très variables selon les élèves et on peut repérer quelques élèves qui n’ont pratiquement pas perdu de points (I-ECF, Q-ECF, S-ECF, U-ECF).

Ces données permettent de distinguer 4 catégories d’élèves. Une première catégorie comprend des élèves peu investis dans le jeu (W-ECF, L-ECF, I-ECF, Q-ECF, S-ECF, O-ECF et U-ECF). Ce sont des élèves pour lesquels les observations de classe et les entretiens ont montré qu’ils n’avaient pas de problèmes particuliers de comportement. Une seconde catégorie concerne des élèves (C-ECF, N-ECF, R-ECF, T-ECF, B-ECF, F-ECF, V-ECF et D-ECF) qui ont été actifs dans le jeu et n’ont jamais vraiment été mis en difficulté. Les élèves de la troisième catégorie (G-ECF, M-ECF, K-ECF et J-ECF) appartiennent à la même équipe. Ils se sont investis dans le jeu avec un bon niveau de réussite (ils perdent peu de points HP). Ce sont des élèves pour lesquels les entretiens ont montré qu’ils avaient une connaissance experte du jeu. L’équipe est menée par un guerrier (J-ECF), le seul garçon de l’équipe, qui perd de nombreux points en protégeant ses coéquipiers. Enfin, les élèves de la quatrième catégorie (P-ECF, A-ECF, E-ECF et H-ECF) sont des élèves identifiés lors des observations de classe ou des entretiens comme des élèves qui enfreignent souvent les règles. Les données montrent qu’ils ne parviennent pas à gérer leurs pertes de points.

L’examen des traces recueillies auprès de deux élèves de l’ECF (voir figure 4), que nous avons sélectionnés en raison de leur caractère emblématique de deux manières très différentes de s’approprier le jeu, permet d’affiner notre compréhension de ces variations interindividuelles selon une perspective diachronique.

Figure 4 • Détails des traces recueillies pour les élèves V-ECF et A-ECF

L’élève V-ECF se montre très intéressé par le jeu et a pour objectif l’obtention de points d’expérience pour débloquer des pouvoirs. Le jeu est pour lui « un point positif [...]. On ne perdait jamais, mais on gagnait des XP et on pouvait donc utiliser nos pouvoirs ». Effectivement, les données confirment que ce guérisseur (garçon) gagne beaucoup de points d’expérience (XP) avec 75 obsels concernant l’obtention de points d’expérience, achète quelques pouvoirs (N=9) et utilise plutôt des pouvoirs collaboratifs (N=12) par rapport aux pouvoirs individuels (N=2). En comparaison avec A-ECF (fille), il perd peu de points de vie (N=14) et n’est jamais « mort au combat » (death). Il respecte donc les règles telles qu’elles sont établies dans le jeu Classcraft.

L’élève A-ECF a un profil bien différent. En effet, les données montrent que ce mage (fille), reconnu par ses enseignants comme élève perturbatrice de la classe, perd beaucoup de points de vie (N=55) et de ce fait est « morte au combat » plusieurs fois (N=10).

Lors d’observations, nous avons pu nous rendre compte de son comportement « désinvolte » qui l’amène à tester les enseignants et à explorer les limites du jeu. Si, lors des interviews, elle ne se présente pas comme une élève rebelle, elle confirme la justesse de ce constat et souligne que l’ambiance dans l’équipe n’était pas très bonne et que ses camarades ne l’ont pas aidée à échapper aux sanctions du maître du jeu. Ces propos sont confirmés par plusieurs coéquipiers. Par exemple, M-ECF affirme que « si A-ECF avait suivi les règles, il n’y aurait pas eu de mauvaise ambiance ». J-ECF ajoute que « si elle ne comprend pas qu’il faut suivre les lois, il faut sévir ». Cette manière de formuler les choses semble montrer que cette élève a bien opéré un changement de cadre d’expérience grâce à Classcraft. Les règles de comportement de la classe sont devenues les « lois » qui prévalent dans le jeu. Mais, pour d’autres élèves, il ressort qu’ils se situent dans un entre-deux, tour à tour immergés dans le jeu ou en position plus externe et critique.

Plusieurs autres témoignages tendent à confirmer le caractère exceptionnel de l’élève A-ECF. Le tableau 2 présente des valeurs qui montrent qu’elle se distingue nettement de l’élève V-ECF en termes de perte de points et de « mort au combat ».

Tableau 2 • Nombre d’obsels pour les élèves V-ECF et A-ECF

 

HP Loss

XP Gain

Buy Pwr

Uncollab Pwr

Collab Pwr

Death

V-ECF

14

75

9

2

12

0

A-ECF

55

57

2

5

7

10

Les traces recueillies montrent également que la manière de jouer dépend du genre. Le nombre d’obsels recueillis chez les filles est inférieur à celui des garçons et, en ce qui concerne les pouvoirs utilisés, les filles, contrairement aux garçons, utilisent de manière plus fréquente des pouvoirs qui permettent d’aider un membre de leur équipe (pouvoirs collaboratifs) plutôt qu’elles-mêmes (pouvoirs individuels). Néanmoins, un modèle statistique de l’utilisation des pouvoirs nous a permis d’identifier que la variable explicative de la probabilité d’utiliser tel ou tel pouvoir n’est pas le genre, mais le rôle joué dans le jeu. Ainsi, les pouvoirs collaboratifs sont plus utilisés par les filles parce qu’elles choisissent majoritairement le rôle de « guérisseuse » et que ce rôle se manifeste par la capacité à utiliser de tels pouvoirs.

Les données collectées confirment que le jeu permet, dans la majorité des cas et des élèves, d’obtenir des effets positifs en ce qui concerne la gestion de classe. Néanmoins, les résultats obtenus varient suivant les élèves et les contextes. Par ailleurs, l’expérience de jeu (play) ne semble pas homogène. Cela traduit que la manière dont le jeu est joué et son influence dépend d’autres facteurs que les propriétés intrinsèques du jeu (game) telles que les éléments et les mécaniques ludiques. Ces facteurs sont à rechercher dans la manière dont le jeu est introduit dans la classe, ce que nous discutons dans le paragraphe suivant.

4.2. Conception de la situation de jeu par les enseignants

À l’ECF, l’enseignant qui le premier a intégré Classcraft dans son établissement, indique qu’il était très enthousiaste à utiliser le jeu pour la gestion de sa classe. Cela a grandement facilité les interactions entre le chercheur et ce dernier. Quatre autres enseignants avaient également manifesté leur intérêt, mais considéraient la mise en place du jeu trop complexe et astreignante. Ils ont finalement rejoint le projet après quelques semaines, convaincus par l’enseignant qui a initié le projet. Ce dernier a en effet mentionné auprès de ses collègues les bénéfices qu’il retirait de cette expérience, tels qu’un plus grand respect des règles de vie de la classe et une augmentation de l’implication des élèves. Dans un premier temps, cet enseignant avait souhaité découvrir le jeu par lui-même et ce n’est que plus tard qu’il a fait appel au chercheur, mais d’abord pour bénéficier de son expertise sur le jeu. Finalement, c’est une collaboration entre 5 enseignants et le chercheur en charge du projet qui s’est mise en place. La figure 5 indique, au cours du temps, le nombre d’obsels collectés pour les situations animées par les différents enseignants (différentes couleurs). Le niveau d’activité, évalué en termes d’événements de jeu, se poursuit sur l’ensemble de l’année scolaire pour l’enseignant qui le premier a été impliqué dans le projet (couleur bleue). L’activité mesurée pour les autres enseignants montre leur implication plus tardive, progressive et moins importante. Les semaines pour lesquelles le nombre d’événements est moins important voir nul, correspondent aux vacances scolaires, le jeu étant mis en pause durant celles-ci.

Figure 5 • Nombre d’obsels collectés selon les enseignants de l’ECF

En complément à la figure 5, la figure 6 permet de visualiser le nombre d’actions signifiantes (obsels) réalisées sur la plateforme durant la phase de jeu. Il s’agit ici de toutes les actions réalisées par les joueurs comme par les enseignants. Au début du jeu, le mois de novembre est marqué par un total d’actions réalisées de 110, puis 170 en décembre et 215 en janvier avec uniquement l’enseignant principal comme maître du jeu. À noter qu’il faut prendre en compte qu’il y a une semaine de vacances pour les mois de décembre, janvier, février et mars. L’arrivée de deux nouveaux enseignants dans le jeu correspond à la première augmentation entre le mois de février (211 obsels) et mars (357 obsels). Tout comme le premier enseignant, les deux nouveaux entrent progressivement dans le jeu. Il faut attendre le mois d’avril pour obtenir une nouvelle progression du nombre d’actions avec l’arrivée des deux derniers enseignants dans le jeu (avril 562 obsels et mai 582).

Figure 6 • Évolution des actions (obsels) réalisées à l’ECF durant l’expérience

La figure 6 nous permet ainsi de visualiser une augmentation des actions réalisées dans le jeu. Celle-ci est influencée tout d’abord par la participation de nouveaux enseignants. Elle est également influencée par une meilleure compréhension du jeu de la part de l’enseignant principal et des élèves. Cela est confirmé par ce même enseignant lors d’une rencontre après le premier mois de jeu : « Après des premières semaines qui m’ont permis d’apprendre à gérer le jeu, je vais augmenter les activités ludiques en classe ». Cette augmentation s’explique également par le fait que le dispositif a été présenté afin que la situation soit bien interprétée comme un jeu par les élèves. Il a aussi été adapté en prenant en compte leur intérêt pour des « pouvoirs » attrayants afin de garantir d’emblée une forte motivation pour les joueurs. Par exemple, les élèves qui franchissent le dernier niveau du jeu se voient gratifiés d’un « pouvoir » qui leur permet d’échanger avec un de leur camarade de classe pendant cinq minutes à la fin d’une évaluation sommative. C’est un « pouvoir » très convoité qui renforce l’intérêt à gravir les différents niveaux du jeu. Ces éléments garantissent le maintien de l’intérêt des élèves pour le jeu et répondent en partie à la composante « maintien de l’attention » dans une gestion de classe efficace (Gaudreau, 2017). Le maintien de l’attention passe également par les activités ludiques mises en place par les enseignants (bataille de boss, activités aléatoires, etc.). Ces activités ont été observées en classe et se traduisent ici par des gains d’XP. De plus, le jeu a pris une place considérable pour la classe, car ce sont au total 5 enseignants qui l’ont utilisé (plus de la moitié du temps de classe est ludicisée à l’ECF). Néanmoins, Classcraft n’est pas présent dans toutes les séances et les enseignants alternent des séances avec et sans le jeu.

L’analyse détaillée du type d’obsels démontre une utilisation du jeu pour récompenser des élèves dont le comportement est jugé positivement. En effet, les actions consistant à distribuer des points d’expérience (XP) sont systématiquement les plus nombreuses avec une moyenne de 198.7 obsels par mois contre des pertes de points de vie (HP) à 59.4 obsels. Ces éléments témoignent ainsi d’une volonté de valoriser les relations positives entre enseignants et élèves, composante très importante de gestion de classe (Gaudreau, 2017). Cette tendance est également étayée par le nombre très faible de « morts au combat » (joueurs qui auraient perdu tous leurs points de vie) durant l’année scolaire (N=5). Cette indication apporte des informations importantes sur l’état d’esprit plutôt positif de la classe, propice à la collaboration. Cette affirmation est corroborée par la différence très significative, t(6) = 3.29, p = .016, entre la moyenne des obsels qui correspondent à une action d’entraide au sein des équipes (« pouvoir collaboratif » M=32) et celle qui correspond à l’usage de pouvoir pour soi-même (« pouvoir individuel » M=6.1).

Ces différents indices, confirmés par les observations réalisées en classe, nous permettent finalement d’affirmer que les élèves suivent les règles établies et que celles-ci sont comprises (composante « clarifier les attentes »).

Les traces recueillies permettent également de déterminer le profil des enseignants selon la manière dont ils animent le jeu. Il est en particulier possible de quantifier leurs différentes actions dans le jeu et de représenter leur évolution dans le temps (voir figure 7).

Figure 7 • Comparaison des actions réalisées entre EUB et ECF

À l’EUB, un seul enseignant est concerné et, malgré le manque d’équipement audiovisuel dont il dispose, il s’est approprié le jeu et l’a intégré à ses pratiques. Les élèves utilisent leurs ordiphones. Les données collectées montrent que le jeu a été mis en place de manière très différente. À l’ECF les obsels qui concernent l’ajout ou le retrait de points XP ou HP représentent respectivement 34.4% et 15.9% du total contre 21.4% et 2.7% à l’EUB. À contrario, les obsels qui concernent les coins représentent 20.8% à l’ECF contre 52.4% à l’EUB. Ces données montrent que l’enseignant de l’EUB utilise principalement le système des pièces d’or (coins) ce qui signifie qu’il utilise Classcraft pour animer les activités de Classe (sous la forme de défis qui permettent de remporter des coins). Les aspects du jeu qui concernent le système de sanctions et récompense pour amener les élèves à adopter certains comportements en classe (XP et HP) sont moins utilisés que chez ses collègues suisses. La figure 7 permet de visualiser ces différences.

Les observations de classes et les entretiens viennent confirmer ces analyses et apportent des éléments d’interprétation supplémentaires. L’enseignant brésilien nous indique qu’il a voulu faire correspondre Classcraft à sa personnalité, pour faire de la classe un moment de détente et de jeu. En effet, A-EUB n’utilisait que les outils d’animation pour créer des activités d’apprentissage en classe et récompenser les élèves. Ceux-ci ont rapporté avoir vécu un véritable jeu motivant en classe : « Nous avons joué en groupe pour répondre à des questions. On a même utilisé le dictionnaire pour répondre. En temps normal, nous ne l’aurions pas fait ».

À contrario, les enseignants suisses se sont principalement cantonnés à l’utilisation des outils de gestion de classe de type sanction-récompense. L’enseignant principal voulait « se concentrer sur la maîtrise technique du jeu ». Cela a été réalisé au détriment de l’animation et cela a été relevé par certains élèves : « Pour que ce soit plus un jeu, il faut un côté plus participatif. Je ne sais pas comment dire. Je trouve qu'actuellement ce n'est pas un jeu, car ça manque de vie, ça ne change rien » (G-ECF). À l’ECF, l’expérience ludique a donc été limitée.

De plus, des élèves ont profité d’un certain manque de coordination entre les enseignants et de certaines lacunes dans l’appropriation du jeu (application insuffisante des sentences) pour bénéficier d’avantages indus (accumulation de XP sans perdre des HP). Cela a été révélé durant le focus group et totalement assumé par la grande majorité des élèves : « Nous avons profité du système » ; « Pour moi c’est au prof de se renseigner [...]. On ne va pas faire son métier » (V-ECF).

L’appropriation du jeu par les enseignants est donc très différente dans les deux contextes étudiés. Elle se manifeste par des usages différents qui se traduisent par des expériences de jeu différentes chez les élèves.

4.3. Culture organisationnelle des institutions et mise en place du jeu

D’après l’entretien qui a été mené avec le directeur de l’ECF, toutes les remarques adressées à un élève pour son comportement durant le temps de classe sont habituellement consignées dans le carnet de correspondance (agenda scolaire) et doivent être signées par l’autorité parentale. Un contrôle précis est donc effectué par le corps enseignant et cette démarche s’inscrit dans la politique de l’établissement sous la forme d’un règlement. Néanmoins, les enseignants nous ont indiqué ne pas avoir voulu utiliser la fonctionnalité de la plateforme qui permet de communiquer avec les parents de leurs élèves. L’usage du jeu pour mettre en place la gestion de classe a donc eu comme conséquence que les sanctions (pertes de points dans le jeu) n’étaient plus communiquées systématiquement aux parents, à l’exception des “morts au combat” qui amenaient les élèves à subir de véritables sanctions. Cela a été perçu par les élèves comme un avantage majeur et largement verbalisé durant le focus group : « Classcraft met une meilleure ambiance à la maison, les parents ne sont pas fâchés à cause des remarques » ; « Classcraft atténue les remarques qu’on pourrait se choper. Tout part dans le jeu et du coup les parents ne sont au courant de rien [rire général] (A-ECF) ». Il faut relever que les enseignants n’avaient pas identifié cela lors de la mise en place du jeu.

Il faut par ailleurs souligner que, à l’ECF, l’expérimentation est soutenue par le directeur de l’établissement scolaire. En effet, c’est après un échange avec le directeur de cet établissement que la décision a été prise d’expérimenter le jeu. Des enseignants ont été sollicités par le directeur et une séance d’information a été organisée. C’est au cours de cette séance que des enseignants se sont déclarés intéressés. Nous considérons cet appui institutionnel important, car, au-delà des facilités administratives qu’il a permises, il légitime le travail effectué par les enseignants. Le directeur de l’établissement scolaire a également joué un rôle important pour la mise en place de la recherche elle-même en se positionnant favorablement auprès du Département de l’instruction publique fribourgeois. Ce soutien a facilité les démarches nécessaires pour la conduite de l’expérimentation et le recueil des données.

Le contexte brésilien est tout différent. L’enseignant exerce dans une école sous autorité militaire et ne bénéficie pas, a priori, d’un soutien de sa hiérarchie pour expérimenter des approches éducatives innovantes. Lui-même se décrit comme un enseignant qui souhaite se positionner en opposant à certaines méthodes qui prévalent dans son établissement et le jeu lui permet d’affirmer sa singularité. L’entretien que nous avons eu avec le général qui dirige l’école nous a permis d’apprendre que la hiérarchie a reçu des retours positifs des parents dont certains ont aidé leur enfant à prendre en main la plateforme à la maison et ont apprécié que son niveau d’engagement dans les activités scolaires ait augmenté. L’enseignant bénéficie ainsi d’un soutien indirect qui, dans une certaine mesure, légitime l’utilisation du jeu.

Ainsi, les observations réalisées permettent de dresser un tableau paradoxal de l’utilisation du jeu. C’est l’institution la plus facilitatrice qui obtient, in fine, les résultats les plus modestes en ce qui concerne la ludicisation de la gestion de classe, ou, autrement dit sa perception en tant que jeu par les élèves. Ce paradoxe est levé si on prend en compte les motivations personnelles des enseignants et leur attitude vis-à-vis de l’institution.

5. Conclusion

Les travaux que nous avons menés dans le cadre de cette étude montrent que l’introduction d’un même jeu (Classcraft) pour des objectifs a priori identiques (la gestion de classe) peut se traduire, selon les élèves, les enseignants et les institutions considérées, par la mise en place de situations très différentes dont les effets sur les élèves ne sont pas moins différents. Ces derniers ne doivent par ailleurs pas être considérés comme le dernier maillon d’une chaîne de causalités, mais plutôt comme des acteurs clés qui influencent le cours des événements. À l’ECF Classcraft est utilisé comme un outil de gestion de classe principalement orienté vers le contrôle des comportements des élèves. Les dimensions du modèle de Gaudreau (Gaudreau, 2017) qui sont actionnées sont principalement celles relatives à l’établissement de règles claires et à la gestion de l’indiscipline, dimensions qui semblent traditionnellement prises en compte par les enseignants. L’introduction du jeu a néanmoins eu des effets sur la manière dont les enseignants considèrent la gestion de classe. Ils ont été conduits à valoriser des comportements positifs, ce qui ne semblait pas être le cas auparavant. À l’UEB, Classcraft est plutôt utilisé pour l’animation de la classe et l’obtention d’un engagement des élèves dans les activités d’apprentissage. L’enseignant active donc les composantes du modèle de Gaudreau relatives à la relation pédagogique. De ce point de vue, il n’y a probablement pas de différences majeures avec les pratiques usuelles en absence du jeu, mais l’enseignant concerné semble s’être approprié un outil au service de ses objectifs. Ainsi, les effets observés sont différents suivant les classes et ces variations sont liées à la manière dont les enseignants intègrent le jeu à leur pratique de gestion de classe (niveau 2 de notre modèle). Il faut donc souligner le rôle central de l’enseignant.

En ce qui concerne les élèves, des variations interindividuelles importantes sont également observables au sein d’une même classe. Les raisons de ces variations sont en lien avec le caractère subjectif du jeu c’est-à-dire la manière dont le jeu est perçu par les élèves (niveau 1 de notre modèle). Cette perception varie dans le temps et semble dépendre fortement de la manière dont les enseignants introduisent et animent le jeu.

Cette étude empirique permet également de mettre en lumière l’influence de l’institution (niveau 3 de notre modèle) sur l’activité des enseignants et, indirectement, sur les élèves eux-mêmes. La nature de cette influence est complexe. Il ne s’agit pas simplement d’une question de facilitation, ou pas, de l’usage du jeu par les enseignants. Elle résulte plutôt de la manière dont l’enseignant se positionne par rapport à son institution et comment il souhaite exercer lui-même une influence. On a pu voir par exemple comment l’institution pouvait être influencée par l’introduction du jeu avec une disparition de la communication des sanctions aux parents dans l’école suisse et une augmentation de l’acceptabilité de méthodes nouvelles dans l’école brésilienne.

La compréhension du processus de ludicisation des situations d’apprentissage, de l’interprétation de ses effets sur les élèves est donc un défi. Une analyse réductrice qui ne prendrait en compte que les caractéristiques du jeu ou se limiterait à un niveau de notre modèle ne pourrait pas permettre de relever ce défi. En effet, les résultats que nous avons obtenus attestent de la complexité des interactions qui se jouent entre différents niveaux qui sont la situation de classe, la situation de conception et la culture organisationnelle de l’institution. Cette compréhension implique donc de mettre en place une approche systémique qui consiste dans la caractérisation de l’influence du jeu sur les élèves, la mise en lien de ces effets avec la manière dont l’enseignant intègre le jeu à ses pratiques et l’identification de la manière dont l’institution influence cette intégration ou est influencée elle-même par cette intégration. Ces considérations, qui résultent d’un travail de documentation approfondi d’un terrain d’étude très spécifique, sont néanmoins très probablement vraies pour n’importe quel contexte concerné par l’introduction d’une technologie éducative. Les conclusions des travaux qui ne prennent pas en compte ces contraintes devraient donc être réexaminées à la lumière de ces conclusions.

À propos des auteurs

Guillaume Bonvin est doctorant au sein du LIP/TECFA à l’Université de Genève et Chargé d’enseignement à la HEP Vaud à Lausanne. Il s’intéresse dans le cadre de sa thèse à la ludicisation de l’enseignement à l’aide d’outils numériques, à l’analytique de l’apprentissage et plus généralement à l’intégration des technologies éducatives en classe.

Adresse : TECFA, Université de Genève, 40 bd du Pont d'Arve, 1211 Genève 4,

Courriel : guillaume.bonvin@hepl.ch

Toile : https://tecfa.unige.ch

Éric Sanchez est professeur en technologies éducatives au LIP/TECFA à l’Université de Genève (Suisse). Ses travaux portent principalement sur les relations entre jeu et apprentissage pour l’éducation formelle (école et université) et non-formelle (musées). D’un point de vue méthodologique, ils s’appuient sur la recherche collaborative orientée par la conception (design-based research) et sur l’analytique de l’apprentissage (learning analytics).

Adresse : TECFA, Université de Genève, 40 bd du Pont d'Arve, 1211 Genève 4,

Courriel : eric.sanchez@unige.ch

Toile : https://tecfa.unige.ch

REMERCIEMENTS

Nous remercions la Leading House for the Latin American Region (Université de Saint Gall) qui a financé ces travaux et les enseignants et les directions des établissements qui ont permis la mise en place des expérimentations du jeu.

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Référence de l'article :
Guillaume BONVIN, Éric SANCHEZ, Ludicisation de la gestion de classe avec Classcraft, une étude systémique, Revue STICEF, Volume 29, numéro 1, 2022, DOI:10.23709/sticef.29.1.3, ISSN : 1764-7223, mis en ligne le 22/12/2022, http://sticef.org
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Mise à jour du 23/12/22