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TGRIS, dispositif de formation professionnelle, outillé
d’un simulateur d’entretien en Réalité Virtuelle
piloté par les pairs
Iza MARFISI-SCHOTTMAN (LIUM, EA 4023, Le Mans Université), Isabelle
VINATIER (CREN, EA 2661, Nantes Université)
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RÉSUMÉ : TGRIS
est un dispositif de formation, utilisant un outil de simulation
d’entretien, en Réalité Virtuelle, conçu pour former
les Conseillers Pédagogiques (CP) à prendre conscience de leurs
propres états émotionnels, lorsqu’ils sont confrontés
aux réactions d’un enseignant réfractaire au conseil,
simulé par un Agent Conversationnel Animé (ACA). Cet outil a la
particularité d’utiliser des réactions verbales issue de
situations réellement vécues. Ce sont également les CP qui
pilotent les réactions verbales, non verbales et l’état
émotionnel de l’enseignant débutant virtuel. Trois
expérimentations avec 12, 17, et 3 CP montrent le potentiel de ce
dispositif de formation instrumenté.
MOTS CLÉS : Formation
professionnelle, émotion, simulateur, agent conversationnel
animé. |
TGRIS, professional training with a virtual reality interview simulator, configured and piloted by peers |
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ABSTRACT : TGRIS
is a Virtual Reality interview simulator, designed to train Pedagogical
Counselors (PCs) to become aware of their own emotional state, when confronted
to a resistant novice teacher, simulated by an Embodied Conversational Agents
(ECA). This tool has the particularity of using dialogues that were collected
from real-life problematic interviews. The PCs are also responsible of
triggering the verbal reactions, non-verbal reactions and the emotional state of
the virtual novice teacher. Three experimentations, lead with 12, 17 and 3 PCs,
show the potential of the TGRIS technology-enhanced training sessions.
KEYWORDS : Professional
training, emotions, simulator, conversational animated agent. |
1. Introduction
Les Conseillers
Pédagogiques (CP) qui doivent former les enseignants
débutants, pendant leurs deux premières années en classe,
leur rendent visite deux à cinq fois par an. Ils observent une
séquence de travail, puis la font suivre d’un entretien de
conseil avec l’enseignant, en vue d’améliorer leurs
pratiques. Or, il arrive que les CP se trouvent profondément
déstabilisés et démunis face à certaines
manifestations émotionnelles (agressivité, accablement,
pleurs, etc.) émanant d’enseignants en difficulté. En 2014,
face à ces situations d’entretien difficile, 15 CP de
l’académie de Nantes ont pris l'initiative de partager leurs
expériences dans le cadre d’une recherche collaborative,
menée sous l’égide commune de l'Association Nationale des
Conseillers Pédagogiques (ANCP, 44) et du Centre de Recherche en
Éducation de Nantes (CREN, EA 2661). À ce titre, ces CP ont
accepté d’enregistrer et de retranscrire, avec l’accord des
enseignants débutants, des extraits d’entretiens
problématiques pour eux, afin de les analyser et de comprendre, en
collaboration avec le chercheur, la nature des problèmes auxquels ils
étaient confrontés. L’objectif était
d’identifier ce qui faisait obstacle à leur fonction de conseil
dans plus de 20% de leurs entretiens et que, pour cette raison, ils jugeaient
problématiques. L’accompagnement dans l’analyse de leurs
transcriptions d’entretiens (Vinatier, 2015) leur a révélé que leurs difficultés ne
résidaient pas dans un déficit de compétence à
objectiver les difficultés rencontrées par les enseignants
débutants mais plutôt dans l’embarras où les tenait
leur peine à comprendre les émotions manifestées par ces
derniers et à gérer leurs propres émotions dans ces
moments. Or, les transcriptions ne contiennent pas de données de
nature multimodale (c.-à-d. gestes, attitudes et postures, ni de
données relatives à la prosodie et aux modulations de la voix) qui
accompagnent les prises de parole. Dit autrement, les transcriptions rendent
bien compte des tensions entre savoirs professionnels abordés et enjeux
d’image de soi (Vinatier, 2013) mais ne rendent pas compte des émotions surgies à cette occasion
chez l’enseignant débutant ni chez le CP. Le groupe de CP a donc
manifesté la nécessité de travailler à la
conscientisation de ces phénomènes et d’en débattre,
dans le cadre sécurisant de leur formation par les pairs. C’est la
raison pour laquelle il nous a semblé opportun d’associer à
ces analyses un travail sur les émotions. Mais comment ? Comment
simuler des situations réalistes et problématiques qui permettent
de susciter ces émotions ? Les formations actuelles en direction des
CP, n’intègrent que très peu la problématique de
l’impact des émotions sur leur activité de conseil alors
qu’il existe une forte demande en ce sens de la part des CP
eux-mêmes (Vinatier, 2015).
Plusieurs recherches ont prouvé le potentiel des outils de
Réalité Virtuelle (RV) pour recréer des situations
réalistes et immersives (Fuchs et al., 2000).
Dès lors, la question revenait à savoir comment concevoir un tel
outil afin de confronter les CP non seulement aux émotions des
enseignants débutants, mais surtout à leurs propres
émotions. C’est dans ce contexte que nous avons conçu
TGRIS, un dispositif de formation avec un simulateur d’entretien
numérique, utilisant des techniques de réalité
virtuelle.
Dans cet article, nous présentons d’abord quelques fondements
théoriques sur les émotions. La section 3 détaille ensuite
la place des émotions dans le contexte de la formation. La section 4
présente la manière dont les émotions sont
étudiées dans le champ des Environnements Informatiques pour
l’Apprentissage Humain et la section 5 dresse un état de
l’art des simulateurs d’entretiens. La section 6 détaille
TGRIS : un dispositif de formation avec un simulateur d’entretien
numérique. La section 7 présente les expérimentations et,
pour finir, la section 8 conclut l’étude et propose quelques
perspectives.
2. La conception de l’outil : fondements théoriques
Pour nous engager dans la conception d’un outil
de RV répondant aux besoins des formés, il nous fallait
d’abord cerner les caractéristiques des émotions. Par
différence avec les sentiments, les émotions sont brèves
et surgissent de manière réactive et involontaire. Elles se
manifestent par des modifications physiologiques. Elles sont
d’intensité plus élevée que l’humeur et sont
plutôt liées à des causes extérieures à la
personne qui les éprouve, contrairement aux humeurs (Rosenberg et Ekman, 2020).
Une des caractéristiques remarquables des émotions est leur
communicabilité entre les personnes, en raison des neurones
miroirs (Rizzolatti et Sinigaglia, 2008) dont dispose chaque être humain. En effet, dans l’interaction en
face à face, se trouve à l’œuvre un processus
d’échoïsation corporelle. Ce processus se définit
comme « le mécanisme par lequel un observateur vit, en miroir,
l’état affectif de celui qu’il observe et à qui il
s’adresse. Il s’agit d’un mécanisme instinctif de
captation des indices non verbaux d’expression
émotionnelle » (Cosnier, 2006).
Les émotions ont, par ailleurs, plusieurs composantes
interdépendantes (Sander et Scherer, 2014).
Elles se traduisent par des réactions physiologiques (augmentation
du rythme cardiaque, gorge serrée, respiration, coloration de la peau) et des comportements expressifs (de nature posturale et/ou faciale avec un
froncement des sourcils ou les yeux qui se lèvent vers le ciel par
exemple). L’outil devait donc être en mesure de mobiliser ces
composantes perceptibles pour les CP.
Dans le travail, émotions et activités professionnelles sont
liées. Elles sont parfois même une des dimensions
caractéristiques, socialement attendues, pour signifier un succès
ou un échec professionnel ou encore une situation de tension (Cahour et Lancry, 2011).
Selon les mêmes auteurs, elles relèvent également d’un éprouvé subjectif, objet d’une
conscientisation chez la personne, et que cette dernière peut
d’ailleurs plus ou moins facilement exprimer.
L’outil devait donc être en mesure de faire vivre des
émotions et nous devions favoriser les conditions de leur
conscientisation en formation.
3. La place des émotions dans la formation
La formation en face à face est
elle-même une activité de nature émotionnelle
(« emotional practice »), comme d’ailleurs
l’ensemble des activités humaines impliquant des interactions
sociales, ce qui signifie que les émotions ressenties par l’un ou
l’autre des interlocuteurs impactent les sentiments du collectif (Denzin, 1984).
En ce qui concerne les enseignants débutants en entretien avec des CP,
leur anxiété est importante car ils se sentent jugés
dans leur façon de faire la classe et ont l’impression
qu’ils ne sont pas à la hauteur (Bullough et al., 2006) (Chang, 2009) (Hagenauer et al., 2015).
Les CP (tout comme les enseignants), tentent de réguler
l’expression de leurs émotions négatives (par exemple en
évitant de s’emporter), car ils pensent qu’elles peuvent
avoir un impact négatif sur les formés (Taxer et Gross, 2018).
Souvent, les adultes donnent, après coup, des raisons à leurs
émotions, qui sont relativement arbitraires. Le plus souvent il
s’agit plus d’une justification que d’une véritable
explication (Van der Veer, 1996),
ce qui suppose des méthodes de questionnement spécifiques (Vermersch, 1994) (Cahour et Van de Weerdt, 2006) qui aident la personne à se rappeler ce qui s’est passé pour
elle au moment étudié, surtout lorsqu’elle est aux prises
avec des émotions complexes dites
« superposées » (Kaiser et Scherer, 1998) comme c’est le cas pour les entretiens problématiques de CP.
Comme nous l’avons vu ci-dessus, il n’est donc pas aisé de
concevoir un dispositif de formation qui soit favorable à la prise de
conscience des émotions. Ce que l’on comprend des travaux
présentés ci-dessus c’est que la prise de conscience
n’est en rien spontanée, d’où l’importance
à accorder à la conception d’un dispositif de formation
mobilisant la simulation. Il nous semble important de favoriser la constitution
d’un collectif empathique afin de favoriser l’expression des
émotions vécues et de développer
l’autoréflexion des CP. C’est ce qui a été mis
en place avec un collectif de CP de Nantes depuis 2015 (Vinatier, 2015).
Ils utilisent des méthodes d’analyse de leurs transcriptions
d’entretiens réels pour initier ce travail de conscientisation mais
nous pensons qu’un outil de simulation peut faciliter ce processus. En
effet, proposer un outil de simulation, qui permette aux CP de revivre des
entretiens problématiques est une façon de leur faire
éprouver à nouveau, mais en condensé, et sur le vif, une de
ces palettes d’émotions négatives auxquelles les confronte
de manière occasionnelle leur activité quotidienne.
L’idée générale de notre conception de formation est
qu’ils puissent, dans un cadre sécurisé (sans jugement),
ressentir, analyser et prendre conscience de leurs émotions entre eux
lors d’une phase de débriefing. Cette conception de la formation
s’inscrit dans le champ théorique de « la didactique
professionnelle » (Pastré, 2011) croisé avec celui des Environnements Informatiques pour
l’Apprentissage Humain (EIAH).
4. La prise en compte des émotions dans les Environnements
Informatiques pour l’Apprentissage Humain
Dans le domaine des EIAH, de nombreux travaux
concernent la captation et la visualisation automatique des émotions via des tableaux de bord. Différentes formes de visualisation des
émotions des apprenants, à destination des formateurs, sont
proposés (Leony et al., 2013). Affective AutoTutor, par exemple, modélise les styles
pédagogiques, les modes de dialogue, le langage et les gestes d’un
tuteur humain (D’Mello et Graesser, 2012).
EMODASH (Ez-Zaouia et al., 2020) est un tableau de bord émotionnel multimodal et contextuel visant la
prise de conscience rétrospective des tuteurs, à propos des
émotions de leurs apprenants à distance. Dans ces travaux,
c’est l’outil qui détecte et rend compte des émotions
aux tuteurs. D’autres travaux portent sur la création de tuteurs
intelligents avec des émotions gérées de façon
automatique (Ochs et al., 2014).
Cependant, nous sommes loin de cette conception de formation. En effet,
l’enjeu est, pour nous, de permettre aux formés de prendre
conscience de leurs propres émotions, via des expérimentations
individuelles, vécues en situation de simulation et analysées
collectivement, afin de cerner leur impact sur leur activité de conseil.
Si les outils et modèles, issus des recherches en EIAH,
présentés ci-dessus, ne sont pas adaptés pour autant, nos
analyses sont convergentes avec certains de leurs principes. En particulier, il
apparaît que le fait de mettre les CP dans des situations de simulation
qui font naitre des émotions négatives ou un sentiment de
confusion constituent des situations de prise de conscience favorables à
une réflexion et une remise en question de leurs pratiques (Samurçay et Rogalski, 1998).
5. Outil de simulation d’entretiens
Avant d’aborder la situation de simulation que
nous avons conçue, nous présentons rapidement les outils de
simulation d’entretien existants. Il existe, en effet, un certain nombre
de simulateurs d’entretien intégrant des humains virtuels,
appelé Agents Conversationnels Animés (ACA) (Hartholt et al., 2013). VTS-Editor par exemple offre un système de simulation pour se
former aux entretiens d'embauche et de vente (https://seriousfactory.com/logiciel-auteur-vts-editor/).
Ce système permet également de configurer le lieu de
l’entretien (par ex., salle de conférence, bureau, machine à
café) et de créer de nouveaux scénarios de dialogues
(arborescence qui contient toutes les réponses possibles pour l'ACA et le
formé). Toutefois, les interactions que proposent ces simulations ne
permettent pas de créer des situations porteuses de charges
émotionnelles. En fait, elles souffrent de trois inconvénients
majeurs :
- le formé clique sur des phrases et ne travaille donc pas
dans l’instantané d’une interaction
langagière ;
- les réponses sont prédéfinies et le
formé ne questionne donc pas ses propres productions verbales ;
- la posture et les expressions faciales du formé, dans
lesquelles se nichent des émotions, ne sont pas prises en compte par le
système.
Certains systèmes comme INOTS (Hays et al., 2012),
utilisés par l’armée américaine, proposent une liste
de réponses (par ex., accepter ou refuser) et demandent aux formés
de formuler leurs réponses et de la dire à voix haute (par ex.,
« oui, commandant, j’accepte cette mission ») avant de
cliquer sur la réponse. Même si les formés
s’entraînent donc à créer et dire leurs phrases, leurs
performances de communication ne sont pas du tout prises en compte par le
système.
ViTA (Burke et al., 2018) et MACH (Hoque et al., 2013) offrent des interactions beaucoup plus naturelles. Ces systèmes
permettent au formé de discuter naturellement avec l’ACA, jouant le
rôle du recruteur. Ce système est capable de détecter
certains mots clés pour adapter les interactions de l’ACA.
Cependant, la logique de ce système ne fonctionne que pour des entretiens
où l'agent est le moteur de la conversation et où il suffit
d'adapter légèrement ses réactions à ce que dit le
formé. Tardis (Anderson et al., 2013) offre un système similaire. Cependant, il utilise aussi certains signaux
non verbaux émis par le formé, tels que l'expression faciale, la
posture, la direction de la tête, et l'intonation de la voix pour adapter
le comportement émotionnel et social de l'ACA.
La Réalité Virtuelle (RV) est une des dernières
avancées dans le domaine de la simulation. L'efficacité de ces
environnements a été prouvée pour des besoins de formations
spécifiques : s’entraîner à la prise de
décision rapide dans des situations stressantes (Ponder et al., 2003),
aider les personnes atteintes de troubles mentaux à se former aux
entretiens d’embauche (Bell et Weinstein, 2011) et s’entraîner à surmonter des phobies sociales (Brinkman et al., 2012).
Afin de créer des simulations qui déclenchent des émotions,
comme dans le monde réel, les ACA et les éléments de
l'environnement virtuel sont pilotés, en temps réel, par un
enseignant ou un thérapeute, à travers une interface de
contrôle.
Les outils de simulation en RV semblent le mieux adaptés aux besoins
de formations de CP car ils sont immersifs et permettent ainsi de recréer
des situations émotionnelles et engageantes. Nous pensons aussi que le
fait qu’ils soient pilotés par un humain (enseignant ou
thérapeute) est idéal pour calibrer finement la simulation et
créer des situations adaptées à chaque formé. Il est
par contre important de combiner ces simulateurs avec des ACA capables
d’exprimer une grande palette d’émotions mais
également un système de paramétrage comme VTS-Editor pour recréer des simulations rappelant des situations réelles.
6. Proposition du dispositif de formation TGRIS
Nous proposons, dans cette section, TGRIS, en tant
que dispositif intégrant un simulateur en RV pour la formation des CP.
Nous présentons ensuite nos questions de recherche et une analyse
à la fois qualitative et quantitative des trois premières
années d’expérimentation en formation avec, au total, 32 CP.
6.1. Dispositif TGRIS
Le dispositif TGRIS (Teacher-Guided Realistic Interview Simulator) a
pour objectif de faire vivre des situations d’entretien inédites et
déstabilisantes aux CP (Vinatier et Marfisi-Schottman, 2018).
Ce dispositif (voir figure 1) n’a pas vocation à remplacer
l'analyse des transcriptions ou des séances de jeux de rôle. Les
aspects techniques du simulateur sont présentés dans
d’autres articles (Marfisi-Schottman et al., 2018) (Marfisi-Schottman et Vinatier, 2019).
Comme le montre la Figure 1,
le formé, en interaction avec l’ACA, est assis à un bureau
et parle directement à l'agent virtuel via un casque de RV. Avant de
lancer la simulation, le formateur choisit l’apparence de l’ACA (Figure 2 à droite). Il
sélectionne également le contexte pour aider le formé
à situer l’entretien. TGRIS propose actuellement quatre contextes
qui ont été définis par les CP eux-mêmes :
- Contexte 1 – L'enseignant se montre peu investi,
les élèves n’apprennent pas et montent sur les
tables ;
- Contexte 2 – L’enseignant travaille mais a
peur des élèves ;
- Contexte 3 – L’enseignant est
débordé et un élève est porteur d'un
handicap ;
- Contexte 4 – L’enseignant est très
rigide, il semble se moquer des élèves.
Avant de lancer la simulation, il est demandé au formé de
prendre son temps pour se remémorer une situation d’entretien avec
un enseignant débutant inscrit dans un de ces contextes. Le but est de
l’aider à rentrer dans la simulation. Les autres formés
observent la simulation qui sera analysée collectivement lors de la
séance de débriefing qui suit chaque entretien.
Figure 1 • Le dispositif TGRIS
Figure 2 • Interface de contrôle de
TGRIS
Pendant la simulation, les réactions de l'ACA sont
déclenchées par le formateur en temps réel, à
travers une interface de contrôle (figure 2). Le formateur peut
ainsi déclencher ses réactions verbales (interventions), non
verbales (par ex., croiser les bras, lever les yeux, reculer le torse) et
changer ses émotions (par ex., colère, anxiété,
tristesse).
Afin de ne pas surcharger l’interface, les interventions ont
été regroupées en six catégories. Par exemple, la
catégorie « refus » contient les interventions telles que
« J’en ai marre de ce type de question ; c’est à
vous de me le dire » (sous-entendu : ce que je dois faire) ou qui
montrent un refus d’écoute de la part de l’enseignant
débutant par des postures et des mimiques. Les formateurs peuvent ajouter
des interventions (phrases) directement via l’interface de contrôle
ou des réactions complètes (catégories, interventions et
émotions associées) à partir d’un document texte.
Dans notre cas, le simulateur est utilisé dans le contexte d’une
formation par les pairs : la formation est menée par un groupe de CP
déjà engagés dans l’analyse de leur activité
de conseil (Vinatier, 2015).
Il nous a donc semblé logique que ce soit ces CP qui jouent le rôle
de formateurs en déclenchant les réactions de l’ACA,
notamment avec des interventions problématiques auxquelles ils avaient
été confrontés lors de vrais entretiens.
L’ACA fonctionne avec le système GRETA (Bevacqua et al., 2010).
Ce dernier a la spécificité de fournir une très grande
palette d'émotions multimodales, combinant le ton de la voix,
l'expression faciale et le langage corporel. De plus, les agents de GRETA
réagissent au son de la voix de l'utilisateur en hochant la tête et
en changeant la direction de leur regard, donnant l'impression qu'ils
écoutent. Grâce à ces caractéristiques, les agents
virtuels transmettent des émotions et semblent avoir leur propre
personnalité. Même si l’aspect visuel des ACA ne semble pas
très réaliste, les auteurs montrent que l'aspect immersif
dépend surtout de son comportement et de la cohérence de
l'environnement.
6.2. Méthode de recherche
TGRIS est fondamentalement pluridisciplinaire dès l’origine.
L’idée même du projet est apparue suite à une entrevue
entre les deux auteures. Sa conception répond à des
problématiques propres à l’Informatique et aux Sciences de
l’Éducation et de la Formation (SEF). D’un point de vue SEF,
les problématiques sont liées à la conception d’un
dispositif de formation instrumenté, en collaboration avec les pairs,
pour rendre les CP autonomes dans l’amélioration de leurs pratiques
professionnelles et notamment dans la prise en compte de leurs émotions.
D’un point de vue informatique, les problématiques sont
liées à la création d’outils numériques
capables de faire revivre des situations réalistes et porteuses de
charges émotionnelles, pour la formation professionnelle.
De plus, TGRIS a été conçu en étroite
collaboration avec une quinzaine de CP de l'Association Nationale des
Conseillers Pédagogiques, en associant deux approches
méthodologiques : la recherche basée sur la conception (DBR pour Design-Based Research) et la Démarche de conception
Centrée Utilisateur (DCU). La DBR est bien adaptée au domaine
des EIAH, notamment parce qu’elle facilite la collaboration entre
chercheurs et acteurs du terrain pour produire des outils répondant aux
besoins réels. Cette démarche compte trois phases importantes. La
première phase consiste en l’analyse de situations de terrain, appuyée sur la théorie de la Didactique professionnelle (Pastré, 2011),
pour identifier ce qui fait obstacle aux apprentissages expérientiels,
associée à la recherche bibliographique, qui permet de poser les
hypothèses. Cette phase est ensuite suivie de plusieurs cycles successifs
et itératifs de développement d’un prototype pour
implémenter ces hypothèses et les valider, ou non, à
travers des phases d’expérimentations sur le terrain (Wang et Hannafin, 2005). De son côté, la DCU permet non seulement d’améliorer
l’utilisabilité du système, mais également
d’améliorer les chances d’acceptabilité et
d’usage ultérieur en impliquant les utilisateurs destinataires du dispositif, dès le début du projet de recherche,
grâce à leur participation à la conception des outils et
à l’évaluation des prototypes (Baek et al., 2008) (Mandran et al., 2013).
Figure 3 • Déroulement du projet TGRIS selon
la méthode DBR
Comme le montre la Figure 3,
le projet TGRIS suit les étapes de ces deux démarches
complémentaires avec une phase d’analyse, suivie de quatre cycles
itératifs de développement et d’expérimentation sur
le terrain, en impliquant à chaque fois les CP. En particulier, nous
avons utilisé leurs sessions de formation annuelle, sur une
journée, pour recueillir leurs avis et évaluer le prototype. Dans
la suite, nous montrons comment les CP ont participé à la
co-conception et à l’amélioration de TGRIS.
En 2016, au tout début du projet, nous avons assisté à
une session de formation des CP pour analyser leurs pratiques et leurs besoins.
En fin de journée, nous leur avons présenté le projet et un
bref état de l’art sur les outils de simulation existants. Ils ont
également testé un jeu en RV montrant un homme qui raconte une
histoire autour d’un feu de camp. Ils ont immédiatement
manifesté leur intérêt pour cette technologie qui leur
semblait propice à faire naître des émotions.
En 2017, nous avons sélectionné la plateforme d’ACA
GRETA, qui répondait à tous les besoins de la formation. Ce choix
a été validé par le groupe de CP en mars. Il a
particulièrement apprécié la palette des visages
proposés par GRETA (Figure
4). La vue de ces visages, sous la forme de simple image, a suscité
de vives réactions de leur part et a permis de lancer des discussions
très riches sur comment ils aborderaient un entretien avec
ce(Vinatier et Marfisi-Schottman, 2018)i-Schottman,
2018). Les CP ont également décidé de centrer les
simulations de TGRIS sur l’entrée de l’entretien avec les
enseignants débutants, puisqu’il s’agit d’un moment
clé, dont dépend la poursuite de (Kerbrat-Orecchioni, 1992)-Orecchioni,
1992). Ils ont également fourni l’intégralité des
interventions (70 interventions regroupées en 6 catégories) issues
de l’analyse de leurs propres entretiens. Chaque CP avait pour objectif de
retranscrire au moins un entretien jugé problématique, puis de
l’analyser afin d’en extraire les interventions (phrases)
problématiques. Lors d’une session de travail en groupe, ils ont
ensuite regroupé ces interventions par catégories. Pour finir, ils
ont également fourni quatre contextes courants pour introduire la
simulation.
Figure 4 • Quelques-uns des visages d’Agent
Conversationnel Animé de TGRIS
En 2018, après plusieurs tests avec les CP formateurs, nous avons
testé la première version de TGRIS, lors d’une
journée de formation avec 12 CP. Cette expérimentation,
détaillée dans la suite de l’article, nous a permis de
comparer les jeux de rôle, actuellement largement utilisés en
formation pour simuler des entretiens problématiques, et deux versions de
TGRIS, avec et sans RV. L’utilisation de TGRIS en contexte de
formation nous a également permis d’ajouter 13 interventions
proposées par l’ACA et d’améliorer certaines
fonctionnalités. Nous avons notamment ajouté des émotions
automatiques pour certaines catégories d’interventions, à la
demande des CP formateurs.
En 2019, la nouvelle version de TGRIS a été utilisée
lors d’une session de formation avec 17 CP. Cette expérimentation,
également décrite plus bas, nous a permis de comparer à
nouveau les jeux de rôle avec TGRIS en RV. Suite aux commentaires des CP,
nous avons ensuite amélioré TGRIS en ajoutant une nouvelle
catégorie d’interventions et en créant des gestes sur
mesure, pour mieux recréer les conditions rencontrées dans les
vrais entretiens.
En 2020, la nouvelle version de TGRIS a été testée lors
d’une journée de préformation avec 3 CP. Malheureusement, la
journée de formation prévue le lendemain, avec une quinzaine de
CP, ainsi que les autres journées de formations en 2021 ont
été annulées suite à la pandémie mondiale de
la COVID-19. Le rectorat de Nantes a préféré
réinvestir le temps de formation des CP pour gérer la situation de
crise.
7. Expérimentations
7.1. Questions de recherche
Dans cette partie, nous présentons les trois
expérimentations menées pendant la recherche. Ces
expérimentations avaient pour but de répondre aux trois questions
qui font l’objet des paragraphes suivants.
7.1.1. QR1 : TGRIS permet-il de faire l’expérience
d’émotions in situ utiles à la formation des CP ?
Pour répondre à cette question, nous comparons
des simulations d’entretien avec TGRIS à des sessions de jeu de
rôle, habituellement utilisées en formation. Nous recueillons
également des émotions ressenties par les CP, grâce à
des questionnaires. Nous filmons toutes les simulations et les sessions de
débriefing afin de les analyser. Cela nous fournit une indication sur la
nature des échanges et le fait qu’elles soient formatrices ou non.
7.1.2. QR2 : Quelles fonctionnalités sont nécessaires pour que
les formateurs créent des situations de simulation possédant un
fort pouvoir d’évocation ?
Afin que les simulations soient les plus formatrices possible, nous avons
supposé que les interactions avec l’ACA devaient créer des
tensions et des réactions proches de celles qui sont vécues lors
d’entretiens problématiques réels. En effet, en
cohérence avec le champ théorique de la didactique
professionnelle, il est plus intéressant de mettre en scène des
situations problématiques plutôt que des situations simples car les
premières sont plus porteuses d’apprentissages que les secondes.
Nous avons donc travaillé, avec les CP, pour identifier le contenu des
interactions (paroles, gestes et émotions) de l’ACA mais
également les fonctionnalités de l’outil nécessaires
pour piloter facilement cet ACA en temps réel, lors de la simulation.
Grâce à la méthode DBR, nous avons pu faire évoluer
le contenu et les fonctionnalités de TGRIS plusieurs fois pendant la
recherche. Le pouvoir d’évocation des simulations est mesuré
grâce aux questionnaires remplis par les CP. Nous avons également
analysé les simulations pour voir si elles étaient similaires
à de vrais entretiens.
7.1.3. QR3 : La RV aide-t-elle les formés à prendre conscience
de leurs émotions plus facilement que le dispositif Écran ?
Au vu de l’état de l’art, on peut raisonnablement estimer
qu’un dispositif en RV, plus immersif que la version écran, est en
mesure de susciter plus d’émotions (Bevacqua et al., 2010) (Brinkman et al., 2012).
Nous avons voulu tout de même valider cette hypothèse, lors de la
première expérimentation de TGRIS, en proposant aux CP
d’utiliser soit la version avec la RV, soit la version Écran, et en
comparant les émotions perçues.
7.2. Protocole expérimental
Au vu des questions de recherche, nous avons mis en place le protocole
expérimental décrit dans la Figure 5.
Figure 5 • Protocole expérimental
Le groupe de CP était divisé en deux, de façon
aléatoire, en veillant à garder au moins 2 CP
expérimentés dans chaque groupe. Le matin, le groupe A faisait des
jeux de rôle pendant que le groupe B utilisait TGRIS. Les groupes ont
été intervertis l’après-midi. Pour
l’expérimentation de juin 2018, les CP ont testé deux
versions de TGRIS (TGRIS-RV et TGRIS-Écran) afin de répondre
à la question QR3. Pour l’expérimentation de 2020, nous
n’avions que 3 CP, donc nous les avons tous mis dans le groupe A.
TGRIS a été utilisé dans le cadre d’une
journée de formation par les pairs en juin 2018, en mars 2019 et en mars
2020 (Tableau 1). En tout, 32 CP
ont utilisé l’outil, dont six CP expérimentés qui
testaient la simulation, mais qui ont également joué le rôle
du formateur et piloté l’ACA par binômes. Nous avons
demandé aux CP de répondre à plusieurs questionnaires
composés de questions ouvertes et d’affirmations pour lesquelles
les sujets devaient donner leur avis sur une échelle de Likert à 6
modalités, de « pas du tout d’accord » à
« tout à fait d’accord » (voir Annexe). Le
premier questionnaire donné aux CP, juste après chacune de leurs
simulations d’entretien, visait à savoir s’ils avaient
vécu des émotions (QR1). Le deuxième questionnaire à
la fin de la journée avait pour objectif de mesurer
l’utilité des fonctionnalités de TGRIS (QR2) et les
différences entre les différentes méthodes de simulation
d’entretien (QR3).
Tableau
1 • Simulations d’entretien menées sur les trois
années d’expérimentations
|
2018 |
2019 |
2020 |
Total |
Nombre de CP |
12 |
17 |
3 |
32 |
Nombre de simulations avec TGRIS |
14 =
7 TGRIS-RV
+ 7 TGRIS-Écran |
14 TGRIS-RV |
4
TGRIS-RV |
32 =
25 TGRIS-RV
+ 7 TGRIS-Écran |
Nombre de jeux de rôle |
4 |
5 |
2 |
11 |
Comme le montre le Tableau 1,
certains CP ont effectué plus d’une simulation avec TGRIS et moins
de la moitié des CP ont eu le temps d’effectuer une simulation avec
le jeu de rôle pendant la formation. Ceci peut s’expliquer par la
durée des simulations que nous détaillons dans la suite.
Pour finir, nous avons retranscrit et analysé les entretiens
menés avec TGRIS. Nous avons utilisé la même méthode
que les CP utilisent pour analyser leurs entretiens en situation réelle
lors de leur formation avec le chercheur (Vinatier, 2015).
L’objectif était d’avoir des éléments
d’analyse sur l’authenticité de la situation
d’entretien (QR2). En particulier, nous voulions vérifier si
l’entretien avec l’ACA donnait bien lieu à des moments de
tensions entre le CP et le débutant, appelés incidents.
Dans l’analyse des situations de travail (champ théorique de la
didactique professionnelle), ce sont, en effet, les incidents du travail qui
mobilisent avec acuité les savoirs d’expérience.
L’analyse, dans ce cas de figure, est significative des compétences
à construire ou encore construites par le professionnel. Le
deuxième objectif était de vérifier si les interventions
des CP sont suffisamment réalistes, c’est-à-dire
évocatrices d’un savoir du métier de conseiller.
7.3. Une étude de cas d’entretien avec TGRIS
Dans cette section, nous proposons une analyse qualitative d’un des
entretiens menés avec l’outil de simulation TGRIS-RV en 2018
(TGRIS-V1). La figure 6 montre le dispositif mis en place.
Figure 6 • Simulation d’entretien avec
TGRIS-RV
La CP qui interagissait avec l’ACA avait plus de 5 ans
d’expérience. L’interaction choisie se compose de 14
interventions.
- (0) Contexte annoncé par le formateur :
« Les élèves n’apprennent pas et montent sur
les tables ».
- (1) CP : « Ce matin, j’ai
observé ta classe. Je te propose qu’on fasse une petite analyse de
ce que j’ai pu percevoir. J’ai vu que c’était un peu
compliqué pour toi ce matin et j’aurais voulu savoir comment toi tu
te situes dans cette classe. »
La CP veut installer, dès l’ouverture des échanges un
climat collaboratif. Elle sait par expérience, qu’il est important
de bien commencer un entretien « ...Je te propose ». L’analyse à engager est minimisée « une
petite » car elle sait qu’analyser est difficile pour les
débutants. La difficulté de la débutante l’est aussi
« un peu compliqué pour toi ». De même
la demande de la CP n’est pas un ordre mais une proposition «... et j’aurais voulu savoir... ». Cette intervention à l’ouverture de l’entretien vise
à minimiser tout risque de réaction émotionnelle.
- (2) ACA : « On n’a pas perdu trop de
temps. »
Dans cette situation, l’ACA représente une enseignante
débutante qui est dans le déni des difficultés
qu’elle rencontre (incident n° 1), voire qui valorise son
territoire d’action. C’est un incident au sens où la CP est
confrontée à une débutante qui n’a pas conscience des
difficultés qu’elle rencontre.
- (3) CP : « Alors oui, on n’a pas
perdu de temps, pourtant il m’a semblé que c’était un
peu compliqué au niveau de la gestion des élèves.
L’entrée en classe a été un peu problématique.
Est-ce que toi tu as ressenti cette gêne au moment de
l’accueil ? »
Le « on » inclusif marque sa proximité avec la
débutante virtuelle et c’est une façon de partager la
responsabilité de ce qui s’est passé (c’est un
procédé pour construire un territoire commun assez
fréquemment repéré chez les CP en situation réelle
d’entretien). La CP indique aussi qu’elle a repéré des
difficultés dans un registre particulier « la gestion des
élèves » (fonction de minimisation des
difficultés dans l’échange : les difficultés
sont circonscrites à un domaine de pratique). L’usage de
l’expression « un peu problématique » est une
2e façon de minimiser la difficulté. Pour finir, la
question posée par la CP est un appel à la conscience de ce qui
arrive à l’enseignante débutante. Dès
l’ouverture des échanges, cette CP manifeste d’une part, le
souci de ne pas accabler la débutante, et d’autre part, de tenter
de provoquer la conscience réflexive de ce qui s’est passé.
Il s’agit là de deux « savoirs-en-acte » (Pastré, 2011) du métier de conseiller importants dans la formation des enseignants.
- (4) ACA : [Émotion : tristesse]
« C’est toujours la même chose. »
L’enseignante débutante manifeste alors de l’abattement.
C’est une façon d’exprimer à la CP qu’elle
n’y arrive pas (son territoire professionnel est réduit) et par
là-même de convoquer le territoire d’action de la CP, comme
si elle avait à faire la preuve de sa capacité à
l’aider (incident n° 2).
- (5) CP : « Alors qu’est-ce que tu
entends par là ? Est-ce que tu peux définir un peu mieux
? »
La CP a là encore une réaction de nature professionnelle afin
de circonscrire le problème. Mais c’est aussi une
façon de ne pas répondre par l’émotion à
l’émotion de la débutante, un moyen peut-être de
gagner du temps tout en se refusant à proposer des solutions toutes
faites pour « aider » et se montrer performante.
- (6) ACA : « Les élèves
prennent la parole sans que je leur donne. »
La débutante virtuelle amorce une description sommaire de ce qui se
passe en classe (incident n° 3) ce qui est une façon de ne pas
trop solliciter son territoire professionnel pour protéger sa face (image de soi). En général il est attendu des débutants
une description détaillée de ce qui s’est passé en
classe, voire une analyse de la difficulté qu’ils rencontrent.
- (7) CP : « Effectivement, les
élèves prennent la parole sans que tu leur donnes. Est-ce que tu
as réfléchi à ce que tu pourrais mettre en place pour
essayer de canaliser leurs paroles ? »
La CP reprend le diagnostic général de la débutante
« les élèves prennent la parole sans que tu leur
donnes » et oriente l’échange dans la recherche de
ressources dont est susceptible de s’emparer la débutante dans ce
type de situation. C’est encore une façon de solliciter son
territoire professionnel. Si, elle manifeste un savoir d’expérience
pour tenter d’orienter cette débutante vers la recherche des
ressources dont elle est censée disposer, c’est aussi une
façon de protéger son propre territoire.
- (8) ACA : [Émotion : colère]
« Ce n’est pas moi qui ai décidé. C’est
la titulaire qui m’a dit de faire comme ça. »
[Geste : bras croisés]
Face à leurs difficultés, il est courant que les
débutants fassent référence aux décisions prises par
les titulaires des classes. En fait, la débutante se dédouane,
elle protège son territoire d’action. Le refus de mobiliser son
territoire professionnel en raison de ses difficultés correspond à
une manifestation émotionnelle qui complexifie l’intervention
(incident n° 4).
- (9) CP : « D’accord, donc là
tu suis exactement ce que vous avez défini avec la titulaire. Est-ce que
cela te convient ? »
« D’accord » est une manière
d’introduire son intervention pour indiquer à la débutante
qu’elle est entendue. La 2e question, par contre, interpelle le
territoire de la débutante (sa capacité de jugement).
- (10) ACA : [Émotion : tristesse]
« Avec la collègue titulaire, c’est
difficile. »
En (10) les formateurs déclenchent à nouveau une émotion
chez l’ACA (incident n° 5). Implicitement, c’est une
façon utilisée par la débutante pour ne pas répondre
au CP.
La réaction émotionnelle des débutants
déstabilise les CP. Par ailleurs, expliquer ses difficultés en
évoquant la responsabilité de la titulaire de la classe ne donne
aucune prise au conseiller, dont le rôle est de conseiller le
débutant et non pas le ou la titulaire de la classe. Implicitement, le
territoire d’action du conseiller est nié et par contrecoup,
l’image qu’il peut avoir de lui-même. On peut donc comprendre
combien l’atteinte au territoire et au narcissisme de
l’interlocuteur peut déclencher des émotions qu’il est
important d’analyser pour mieux maîtriser celles vécues in
situ.
- (11) CP : « Effectivement, c’est un
problème qu’on peut rencontrer quand on travaille à temps
partiel. Est-ce que tu as essayé de demander à des
collègues de servir de médiateurs pour que vous puissiez avoir une
conversation apaisée ? »
La CP minimise à nouveau la difficulté de la débutante
simulée « c’est un problème qu’on peut
rencontrer quand on travaille à temps partiel ».
C’est son statut qui pose problème, pas son travail. Elle
suggère alors de s’appuyer sur des collègues bienveillants
pour ne pas se trouver seule face au problème rencontré.
- (12) ACA : « Non. » [Geste :
regard baissé]
L’intervention (12) est à nouveau un refus de communiquer
(incident n° 6).
- (13) CP : « Alors, je comprends que ce soit
difficile pour toi. Après ce sont des situations qui sont assez courantes
quand on débute. Est-ce que tu as essayé d’en parler
à tes collègues ? »
Là encore, le problème est minimisé « ...ce
sont des situations qui sont assez courantes quand on débute ». Elle réitère la proposition de faire appel aux
collègues car elle se trouve elle-même démunie (atteinte de
son territoire professionnel).
- (14) ACA : « L’AVS (accompagnant des
élèves en situation de handicap) n’est pas toujours
là. »
L’intervention (14) inadaptée, arrête l’entretien.
La CP était aussi à cours de proposition (13). Typiquement
c’est un entretien qui tourne en rond.
L’ensemble des interventions de l’ACA montre la capacité
dont disposent les formateurs pour susciter des obstacles qui se
répartissent sous trois pôles selon le modèle R-É-P (Vinatier, 2013) :
(R) Relationnel, lorsque le débutant virtuel se montre
émotionnellement dépassé ; (É)
Épistémique, lorsque le débutant se montre démuni en
termes de connaissances à mobiliser ; (P) Pragmatique, lorsque le
débutant n’est pas en mesure de faire des propositions
d’action. Réciproquement, la CP montre une bonne maîtrise de
savoirs du métier : ne pas décourager le débutant
(relation) ; faire expliciter et réfléchir
(épistémique) ; suggérer de ne pas rester seul
(pragmatique). Si elle est déstabilisée par les différents
incidents, pour autant elle mobilise ses savoirs professionnels pour poursuivre
l’entretien malgré la résistance de cette débutante
virtuelle. Il est à noter qu’alors que l’entretien tourne en
rond, elle ne s’autorise pas à l’arrêter car sans doute
ce n’est pas acceptable dans sa conception de ce qu’est un bon
conseiller. Nous avons constaté le même processus lors des autres
entretiens en situation de simulation.
L’analyse minutieuse de cet entretien simulé est
précieuse pour les CP afin de les aider à cerner les processus
engagés. Elle permet aussi aux chercheurs de repérer la pertinence
de la simulation pour susciter des déstabilisations et donc des
émotions négatives chez les CP.
7.4. Analyse générale des entretiens et de leur
débriefing
Dans cette section, nous dressons une analyse globale des simulations
menées avec TGRIS et les jeux de rôle ainsi que des
débriefings qui ont suivi. La Figure 7 présente une
comparaison des durées des différentes situations de simulations
menées pendant les expérimentations.
Figure
7 • Comparaison des durées de
simulations et de débriefings
Cette comparaison montre que les entretiens avec TGRIS (RV ou Ecran) durent
en moyenne un peu plus de 7 minutes (ce qui est plus que ce que nous pensions
possible au départ, au vu de la série d’obstacles auxquels
nous avons confronté les CP), alors que les simulations avec jeu de
rôle durent en moyenne 15 minutes. Ceci est d’ailleurs une des
raisons pour lesquelles nous en avons seulement 11 pour 32 simulations avec
TGRIS dans le même temps alloué.
Il est important de noter que nous n’avons pas donné de limite
de temps pour les entretiens. Ils se sont naturellement arrêtés,
soit parce que le CP formé était dépassé par le
refus obstiné de l’enseignante débutante virtuelle, soit
parce que les formateurs ne trouvaient plus d’interventions pour relancer
l’entretien ou soit parce qu’ils déclenchaient une
intervention inadaptée par rapport au début de l’entretien.
TGRIS a en effet été paramétré pour travailler
uniquement sur le début de l’entretien puisqu’il s’agit
d’un des moments clés pour l’engagement du dialogue. Au
contraire, pendant les jeux de rôle, les CP avaient tendance à
simuler un entretien entier. De plus, les chercheurs, qui étaient
présents dans la salle dans laquelle avaient lieu les simulations avec
TGRIS, souhaitaient que tous les CP puissent tester TGRIS et poussaient donc
peut-être inconsciemment les formateurs à arrêter la
simulation quand ils sentaient qu’elle n’apportait plus rien.
Les débriefings après l’outil TGRIS (RV ou Écran)
durent en moyenne 13 minutes alors que ceux qui suivent les jeux de rôle
durent seulement 7 minutes. Une des raisons qui peut expliquer ce
phénomène est le fait que les simulations avec TGRIS
étaient beaucoup plus riches en termes d’incidents (Figure 8). En effet, les simulations
avec TGRIS contenaient en moyenne presque 8,8 incidents contre 4,5 pendant les
jeux de rôle. L’écart est encore plus flagrant quand on
compare le nombre d’incidents par minute : les simulations avec TGRIS
contiennent 1,28 incident/min contre 0,30 incident/min pour les jeux de
rôle, soit 4 fois plus. Ceci paraît tout à fait logique
puisque chaque intervention de l’ACA est issue d’une vraie situation
problématique vécue et rapportée par les CP. Il
s’agit donc d’un condensé de situations problématiques
qui peuvent causer des incidents. Les CP ayant expérimenté la
situation de simulation avaient donc bien plus de matière à
discuter avec leurs collègues pendant le débriefing.
Figure 8 • Comparaison du nombre d’incidents
dans les simulations
7.5. Réponses aux questions de recherche
Dans cette section, nous utilisons les données ci-dessus, ainsi que
les réponses aux questionnaires, pour répondre aux questions de
recherche.
7.5.1. QR1 : TGRIS permet-il de faire l’expérience
d’émotions in situ utiles à la formation des CP ?
La Figure 9 montre
l’analyse des réponses apportées au Questionnaire
Emotions (voir Annexe), auquel les CP ont répondu
immédiatement après avoir testé la simulation. Certains CP
ont donc répondu plusieurs fois à ce questionnaire. Même si
le nombre de réponses est assez inégal entre les types de
simulation (jeu de rôle, TGRIS-Écran et TGRIS-VR), pour les raisons
expliquées précédemment, il est possible de dégager
des pistes de réponse à la première question de recherche.
À la question Q2 : Avez-vous ressenti des émotions
pendant la simulation ? Les CP ont répondu entre 3 et 6 pour les
simulations avec TGRIS-RV, sur une échelle de Likert de 1 à 6 de
« pas du tout » à « tout à
fait ». Les CP ayant testé TGRIS-Écran ont
répondu entre 3 et 5 et ceux ayant testé les jeux de rôle
ont répondu entre 2 et 4. On peut donc estimer qu’une simulation
avec TGRIS semble plus à même de faire naître des
émotions, de manière consciente, chez les formés que
les jeux de rôle. L’analyse des visages des CP pendant les
simulations avec TGRIS-Écran montre effectivement des mimiques de stress,
des regards fuyants, des sourires nerveux et des pincements de
lèvres : autant de signes qui attestent des émotions
vécues chez le CP effectuant la simulation, mais également chez
les CP qui observent. Ce constat est également étayé par le
fait que les CP ont pu nommer plus d’émotions ressenties dans la
question Q2.bis. En effet, cette question, dont la réponse
n’était pas obligatoire, a reçu au moins une réponse
de la part des CP ayant utilisé TGRIS-RV alors qu’elle est souvent
restée sans réponse pour les autres cas de simulation. Le terme
« empathie », que l’on retrouve dans les trois
types de simulation, est en particulier intéressant, car il indique que
les CP ont eu de l’empathie, même pour l’ACA.
Figure 9 • Comparaison des émotions
ressenties entre simulations
L’analyse comparative des termes utilisés par les CP pour
décrire les émotions qu’ils ont ressenties en fonction des
types de simulation montre que TGRIS peut créer des situations
expérientielles provoquant des déstabilisations
émotionnelles (comme en témoigne l’étude de cas
d’un entretien problématique avec TGRIS - voir partie 7.3), que l’on ne retrouve pas du tout lors des jeux de rôle. En
effet, le terme « déstabilisation » est souvent
utilisé par les CP ayant testé TGRIS (Ecran ou RV). Ces
mêmes CP utilisent aussi les termes
« doute », « impuissance »,
« gêne »,
« anxiété » et
« inquiétude » que l’on ne retrouve pas avec
les jeux de rôle.
La confusion induite par le comportement de l’ACA incite les CP
à s'engager dans une réflexion collective. C’est ce qui
s’est passé dans les débriefings avec les pairs suivant les simulations. Ces sessions de débriefing,
particulièrement longues après les simulations avec TGRIS (voir
partie 7.4), sont marquées par l’expression des émotions des
CP et leur analyse collective. On peut donc penser qu’il y a eu prise de
conscience. Il semble que le fait d’être face à un ACA, et
non pas face à un humain, permet aux CP d’être plus
honnêtes vis-à-vis des émotions qu’ils ressentent et
ainsi de mieux les analyser lors de la séance de débriefing : « Le fait d'être face à un écran donne une
autre distance. On est plus en recul dans notre façon de
répondre. » ; « L’outil permet de se
confronter brutalement à la résistance des enseignants. Cette
résistance est aussi là avec un vrai enseignant, mais elle est
masquée par la politesse. » ;
« L'enchaînement des émotions de l'ACA, si elles sont
inattendues, suffit à créer la déstabilisation. Cette
déstabilisation et l'analyse à chaud avec les collègues
ouvrent un axe de travail personnel. ». Les CP avaient donc plus
tendance à se livrer sur leurs ressentis puisqu’ils ne risquaient
pas de froisser l’ACA. Ils ont également beaucoup plus parlé
de situations similaires vécues dans le passé, comme s’il
était plus simple pour eux de projeter leur imagination dans l’ACA.
Ces sessions de débriefing semblent aussi avoir aidé les CP
à questionner leur posture. Voici quelques-unes de leurs interventions
lors du bilan de la formation témoignant d’un regard nouveau
porté sur leurs pratiques : « Je me suis
détaché du fond pour me concentrer sur ce que l’on ne voit
pas. », « Quand on va les voir, on a
l’impression que les enseignants débutants répondent et
qu’ils suivent notre scénario alors que pas du tout ! On prend
un raccourci avec l’outil, parce que l’ACA est plus brut que des
vrais enseignants ». Les réponses données à
la fin de la journée de formation aux questions portant sur le fait que
les simulations avaient permis aux CP de prendre du recul sur leur pratique,
confirment cette tendance (Figure
10). En effet, plus de la moitié des CP ont donné la note
maximale à TGRIS, pour seulement 1/3 pour le jeu de rôle. Les notes
restent cependant très bonnes pour les deux types de simulations. Dans
les commentaires libres, six CP ont d’ailleurs exprimé le fait que
les deux types de simulations étaient complémentaires : les
jeux de rôle pour s’entraîner sur un entretien complet
« classique » et TGRIS pour expérimenter la conduite
d’entretiens en situation complexe, c’est-à-dire avec un
débutant virtuel (l’ACA) très résistant.
Figure
10 • Comparaison de l'utilité des
simulations
Pour toutes ces raisons, il nous semble raisonnable de penser que TGRIS
favorise une expérience chargée d’émotions in
situ. Couplée à une séance de débriefing par les
pairs, elle paraît utile à leur formation.
7.5.2. QR2 : Est-ce que TGRIS permet de construire des simulations
possédant un fort pouvoir d’évocation ?
Le deuxième objectif des expérimentations était de
mesurer le pouvoir d’évocation du dispositif TGRIS. L’analyse
détaillée de l’entretien fourni dans la partie 7.3 permet
déjà de répondre partiellement à cette question, car
elle montre que les CP formés se sont investis dans l’entretien et
ont déployé les mêmes stratégies de communication
qu’ils utilisent en contexte.
Comme le montrent les commentaires des CP, le fait que les interventions
soient issues d’entretiens problématiques, prélevés
en situations réelles, a été primordial pour rendre la
simulation crédible : « Plusieurs réponses de
l'agent sont en lien avec des entretiens réels vécus dans des
situations antérieures », « Des similitudes
nombreuses par rapport à des entretiens vécus en termes de
résistance des enseignants débutants ». Les
réponses à la question « Qu’avez-vous
vécu ? » montrent aussi que les CP, ayant
déjà fait face à des enseignants débutants
résistants, ont ressenti les mêmes émotions :
« Les émotions ressenties sont très proches de celles
vécues face à un enseignant, en situation d'observation. Sentiment
de ne plus avoir de réponse à apporter à un moment
! ».
Cependant, d’après les réponses apportées au
Questionnaire Émotions (Figure
11), les CP ont donné, sur une échelle de 1 à 6, des
réponses entre 1 et 5 pour TGRIS-Ecran, entre 1 et 6 pour TGRIS-RV et
entre 2 et 6 pour le jeu de rôle pour juger de leur pouvoir
d’évocation. Cette répartition, légèrement
moins haute pour TGRIS, peut être expliquée par le fait que
certains CP novices, qui participaient à la formation, n’avaient
encore pas rencontré de cas compliqués dans leur pratique. La
condensation des situations problèmes ne correspond pas à un
vécu quotidien (seul 20% des entretiens sont problématiques en
situation réelle). Les CP ont aussi mentionné le fait qu’en
situation d’entretien réel, ils peuvent s’appuyer sur des
contenus d’enseignement ce qui n’était pas le cas avec
l’ACA (pas d’observation de classe précédant
l’entretien). Il était ainsi peut-être plus facile de trouver
des similitudes avec les jeux de rôle qui étaient en moyenne 2 fois
plus longs que les simulations avec TGRIS.
Figure 11 • Comparaison du pouvoir
d’évocation des simulations
De plus, plusieurs améliorations peuvent encore être
apportées au simulateur. Les CP ont par exemple noté que la
crédibilité de la scène virtuelle dans laquelle se trouve
l’ACA pourrait être améliorée avec des
éléments de décors supplémentaires qui feraient
davantage penser à une classe. Deux CP auraient également
souhaité pouvoir utiliser différents visages pour l’ACA,
afin de mieux coller à la simulation qu’ils souhaitaient
recréer. En effet, seul le premier visage de l’ACA était
disponible en RV pour des raisons techniques. Certains CP ont également
eu du mal à se projeter dans le contexte de la simulation et auraient
souhaité avoir une cinématique de l’enseignant
débutant dans sa classe pour les aider à s’imaginer la
scène.
Pour finir, les CP experts, qui pilotaient TGRIS, ont également
souhaité pouvoir disposer d’une plus grande palette
d’émotions et de gestes pour l’ACA. Comme le montre la Figure 12, ceci fait partie des
fonctionnalités que nous avons améliorées tout au long de
cette recherche. En effet, en 2018, TGRIS proposait des phrases qui pouvaient
être combinées avec des émotions (tristesse, colère,
joie...) et des gestes (croisement de bras, torse reculé...) mais le
formateur devait les déclencher séparément. Sauf pour
quelques exceptions, les formateurs se focalisaient davantage sur les
interventions orales et ne déclenchaient que très peu
d’émotions et de gestes (3,27 émotions et 1,53 geste pour
8,47 interventions en moyenne).
Figure 12 • Evolution du nombre d'émotions et
de gestes exprimés par l'ACA
Avec l’aide des CP, nous avons donc associé automatiquement
certaines catégories d’interventions verbales à une
émotion pour qu’elle se déclenche automatiquement. Les
simulations en 2019 comptaient une moyenne de 5,86 émotions pour 8
interventions en moyenne (Figure
12). Cela constitue une nette amélioration mais en voulant associer
une seule émotion à chaque catégorie d’interventions,
nous avons favorisé l’émotion de la colère, qui se
prête bien à presque toutes les interventions. L’ACA
était donc en colère pour 80% des interventions.
L’année suivante, les CP pilotes ont donc souhaité
réintroduire plus de variété dans les émotions en
choisissant les émotions et les gestes associés pour chaque
intervention. Le choix des émotions n’a d’ailleurs pas
toujours été simple car plusieurs étaient possibles pour
chaque intervention. Nous avons donc tenté de choisir
l’émotion qui était la plus couramment mobilisée par
les débutants lors d’entretiens problématiques en contexte
réel. Nous avons également créé de nouveaux gestes
et mimiques faciales (par ex., tête entre les mains, corps prostré
en avant, main posée derrière le cou, air soucieux, regard
absent). Dans les simulations de 2020, l’ACA exprimait donc presque chaque
intervention avec une émotion spécifique (7,25 émotions
pour 8,25 interventions). Les gestes étaient aussi bien plus nombreux
(5,75 gestes) rendant l’ACA plus expressif et réaliste.
Pour finir, lors des simulations, nous avons remarqué que les CP, qui
pilotaient TGRIS, utilisaient des informations qu’ils avaient sur les
autres CP, pour recréer des situations problématiques que ces
derniers avaient déjà vaincues. Il s’agissait parfois
d’informations recueillies pendant les sessions de débriefing,
autour d’un café ou pendant la pause déjeuner. Nous sommes
convaincues que ce type de paramétrage fin, possible seulement par un
humain, est un des facteurs clés qui permettent de recréer des
situations adaptées aux formés.
Pour toutes ces raisons, nous pouvons estimer qu’il reste encore des
améliorations à effectuer pour valider la QR2, notamment en termes
de crédibilité de l’environnement virtuel et de l’ACA.
Cependant, TGRIS semble être évocateur de situations vécues,
pour les CP les plus expérimentés qui avaient déjà
fait face à des entretiens problématiques, certainement
grâce au contenu des interventions issues de situations réelles et
aux paramétrages finement dosés de leurs collègues CP qui
connaissaient leurs vécus.
7.5.3. QR3 : La RV aide-t-elle les formés à prendre conscience
de leurs émotions plus facilement que le dispositif Écran ?
La comparaison entre les simulations avec TGRIS-Écran et TGRIS-RV en
2018 (7 simulations avec TGRIS-Écran et 7 avec TGRIS-RV) montre que la RV
aide les formés à prendre conscience plus facilement de leurs
émotions. La Figure 9,
détaillée dans la partie 7.5.1, montre que les CP estiment avoir
ressenti en moyenne plus d’émotion avec TGRIS-RV (4,72 sur une
échelle de Likert de 1 à 6 de « pas du tout »
à « tout à fait ») qu’avec
TGRIS-Écran (environ 3,71). La figure présente les données
issues des 3 expérimentations mais les résultats étaient
similaires après l’expérimentation de 2018 et c’est la
raison pour laquelle nous avons décidé de garder uniquement les
simulations avec TGRIS-RV et les jeux de rôle pour les
expérimentations suivantes. En effet, il est apparu que l’effet
immersif de la RV a créé une expérience plus intense et a
naturellement amené les CP à plus se concentrer sur les gestes,
mimiques et émotions de l’agent, alors qu’ils ne les avaient
presque pas perçus avec la version sur écran. La différence
apparaît nettement avec les quelques CP qui ont testé les deux
versions. Après avoir testé la RV, l’un d’eux
note : « J’ai été vraiment
déstabilisé par la posture très fermée et en
colère de l’agent. Cela génère chez moi un besoin de
faire parler mon interlocuteur pour comprendre les raisons de sa
résistance » alors qu’après avoir testé
la version écran, il note : « Cette entrée
m’a moins impliqué émotionnellement que celle avec le casque
RV ». D’autres CP ont noté « Une
immersion plus totale. Un meilleur ressenti et perception des émotions
que la version ordi. Une meilleure implication dans
l'échange. », « Cette entrée virtuelle
permet de se focaliser sur les mots et l'attitude de
l’ACA. ».
L’expérimentation que nous avons menée en 2018 est donc
en accord avec l’état de l’art : la RV propose une
expérience immersive capable de faire naître des émotions
chez les CP formés. La question est ensuite de savoir si cette
expérience les aide à prendre conscience de leurs propres
émotions. Les nuages de mot dans la Figure 9 montrent que les CP ayant
testé TGRIS-RV ont été en mesure de nommer leurs
émotions plus que ceux qui avaient utilisé TGRIS-Écran mais
les champs lexicaux restent assez similaires : empathie,
déstabilisation, doute, stress, anxiété.
Cependant, certaines de ces émotions et l’intensité avec
laquelle elles sont perçues sont probablement dues à la
technologie de RV. Les CP ont d’ailleurs beaucoup utilisé le mot
« déstabilisant » pour décrire la simulation
en RV. Pourtant, la RV n’était pas nouvelle pour plus de la
moitié des CP, qui avaient testé soit le prototype TGRIS, les
années précédentes, soit le jeu en RV qui leur avait
été présenté en tout début de projet. Il est
également important de noter que deux ou trois CP n’ont pas
souhaité tester la RV par peur. Ceci peut poser problème quand il
s’agit d’utiliser cet outil pour une formation. La troisième
question de recherche nous semble donc partiellement validée.
7.6. Limites
Malgré une conception itérative centrée sur
l’utilisateur, le recours à TGRIS dans un contexte de formation a
révélé certaines limites.
Tout d’abord, des CP, parmi les moins expérimentés et qui
n’avaient pas participé à une analyse de leurs propres
entretiens, étaient réticents et stressés à
l’idée d’utiliser TGRIS (certains allant même
jusqu’à trouver une excuse pour partir avant leur tour). En effet,
même si les collègues formateurs et formés se veulent
bienveillants, il est toujours difficile de se mettre en scène devant un
collectif de pairs, surtout quand il s’agit d’une situation qui va
les mettre en difficulté. Les CP craignent la perception que leurs pairs
peuvent avoir de leur performance. En outre, le dispositif TGRIS rappelle une
des trois épreuves du Certificat d'Aptitude aux Fonctions d'Instituteur
ou de Professeur des Écoles Maître Formateur (CAFIPEMF), lors de
laquelle le candidat, futur CP, est observé et évalué par
un jury alors qu’il mène un entretien avec un enseignant
débutant. Sans doute les CP débutants y sont-ils plus sensibles,
du fait de cette expérience stressante qui s’est
déroulée dans un passé proche. Une analyse collective des
transcriptions d’entretiens réels pour chaque membre du collectif
est peut-être une étape importante dans la conception globale du
dispositif de formation. En effet, les CP expérimentés,
habitués à analyser leurs propres transcriptions
d’entretiens avec l’aide d’un chercheur, étaient
visiblement bien plus à l’aise avec TGRIS et se portaient
volontaires. Ainsi, plus les CP ont travaillé antérieurement
à l’analyse de leurs propres activités (ayant donc acquis
des clés d’intelligibilité de leur pratique) et plus ils se
montrent ouverts à poursuivre ce travail d’analyse sur leurs
émotions avec TGRIS.
Ensuite, un seul des visages de GRETA est modélisé en 3D. On
perd donc le choix des visages, que les CP avaient pourtant identifiés
comme un des points forts de GRETA au début du projet. De plus, ce visage
(première image de la figure 3) correspond parfaitement au
stéréotype de la « professeur-femme qui présente
des attributs de maternage, de douceur et de compréhension » (Delcroix, 2011).
Le formateur ne peut donc pas choisir un autre visage qui serait en conflit avec
ce stéréotype, ce qui pourrait pourtant être un
élément important à exploiter dans le cadre d’une
formation. Enfin, nous l’avons déjà évoqué,
l’environnement 3D peut également être amélioré
pour ressembler plus à une salle de classe de primaire.
Enfin, lors de la première expérimentation, les CP ont
noté qu’il était difficile pour eux de choisir les
interventions, les émotions et les gestes rapidement. À la demande
des CP, nous avons donc automatisé la sélection
d’émotions et gestes pour certaines interventions. Même si la
dernière version de TGRIS est bien plus facile à manier, elle peut
encore être améliorée. Une des difficultés majeures
réside dans le fait de proposer une interface de pilotage
semi-automatisé, avec assez de fonctionnalités pour que les
formateurs puissent recréer les situations qu’ils ont en
tête, mais de façon extrêmement simple et rapide, pour ne pas
créer de coupure dans la discussion.
8. Conclusion et perspectives
Dans cet article, nous avons présenté
TGRIS, un dispositif de formation intégrant un outil de simulation
d’entretien en Réalité Virtuelle (RV). La situation de
simulation TGRIS propose des interactions naturelles puisque l’apprenant
parle directement à l’Agent Conversationnel Animé (ACA),
comme il le ferait avec un humain. C’est le formateur qui déclenche
les interventions, les gestes et les émotions de l’ACA, de
façon à créer des situations conflictuelles, porteuses de
charges émotionnelles. Le formateur a aussi la possibilité de
paramétrer la situation de simulation TGRIS avec de nouvelles
interventions et émotions afin de l’adapter à ses objectifs
pédagogiques.
Nos expérimentations avec 32 Conseillers Pédagogiques (CP) ont
montré l’utilité du dispositif de formation TGRIS. En effet,
il a permis de créer des situations expérientielles engageantes
dans lesquelles les CP ont mené un entretien de conseil avec un
enseignant débutant virtuel. Les CP expérimentés, qui
jouaient le rôle du formateur, ont naturellement simulé des
débutants fermés au dialogue pour mettre en difficulté les
CP en formation et favoriser leur auto-analyse de la situation vécue. Les
simulations ont semblé pertinentes, car les CP ont réellement
été déstabilisés par les réactions de
l’ACA, et notamment par sa posture de résistance. Les simulations
semblent toutefois plus adaptées aux CP expérimentés, qui
avaient déjà vécu des entretiens problématiques. Ces
simulations ont été porteuses d’une charge
émotionnelle importante que les CP n’avaient pas vécue
pendant les jeux de rôle. Les phases de débriefing conduites juste
après chaque simulation ont été particulièrement
riches et longues. Ces séances ont permis aux CP d’analyser les
émotions ressenties et l’évocation de situations
d’entretien réelles provoquées par la simulation. Ces
débriefings leur ont aussi permis d’apporter un regard critique sur
leurs pratiques.
D’un point de vue théorique, les expérimentations ont
permis de valider certains points. Tout d’abord, la simulation d’un
entretien avec un ACA, capable d’exprimer des émotions, permet de
faire l’expérience d’émotions in situ. Ces
émotions semblent plus intenses avec une simulation en RV. Le fait que
l’outil permette au formateur de configurer les interventions et les
gestes de l’ACA pour refléter des situations problématiques,
issues de contextes réels, crée les bonnes conditions pour que le
formé engage naturellement les manières de faire qu’il a
l’habitude de mobiliser. Pour finir, l’utilisation d’un ACA
présente un avantage pédagogique sur le jeu de rôle, puisque
les formés peuvent exprimer leurs émotions, même
négatives, sans porter de jugement sur une vraie personne.
Au vu du potentiel du dispositif TGRIS et de l’enthousiasme des CP,
nous avons prévu de continuer à utiliser TGRIS pour leurs
formations, quand celles-ci reprendront. Nous souhaitons également tester
le potentiel de ce dispositif dans d’autres cadres de formation
professionnelle. Plusieurs professionnels de santé se sont montrés
intéressés pour former des médecins aux annonces de
diagnostic difficile (CHU de Nantes et du Mans). Le travail sur les
émotions est en effet un des points stratégiques de ce type de
formation (Saint-Dizier de Almeida, 2013).
Nous comptons améliorer le système d’édition pour que
les formateurs puissent être capables de créer et d’ajuster
les situations problématiques pertinentes. Un des objectifs est de les
accompagner dans l’identification des interventions problématiques
et le paramétrage d’un système de réponses
semi-automatiques. En effet, nous pensons qu’il serait pertinent que les
formateurs puissent paramétrer les émotions et les gestes en
fonction d’un profil de « personnalité » de
l’ACA. Toute la difficulté est de ne pas dénaturer les
situations problématiques avec des interventions et des émotions
qui ne seraient pas en accord avec des situations réelles. Nous
envisageons un système d’Intelligence Artificielle qui pourrait
apprendre des simulations passées. Nous comptons également
explorer d’autres solutions pour les ACA et notamment l’outil
MetaHuman de Unreal Engine
(https://www.unrealengine.com/en-US/digital-humans)
qui propose un rendu exceptionnellement réaliste.
Pour finir, nous partageons l’idée que la conception d’une
formation instrumentée par un outil numérique n’a de sens
que dans la mesure où il a une valeur d’usage pour
l’utilisateur. Dans notre cas, l’outil numérique
s’inscrit dans la conception d’une formation, il n’est pas ici
considéré comme étant en lui-même formateur pour les
CP. Il peut être formateur seulement dans la mesure où il permet
d’élargir et ou d’approfondir le sens de leur activité
et notamment en les amenant à se questionner sur leurs pratiques
professionnelles.
Le procédé de validation entrepris ici demeure
évidemment tributaire de l’état provisoire de
l’expérimentation. Nous avons bien conscience que
l’évaluation ne pourra prétendre à une
véritable consistance scientifique que dès lors que nous serons en
mesure de comparer le régime des pratiques d’entretien en situation
effective saisies avant et après la formation en
simulation. D’un point de vue théorique en didactique
professionnelle il y a, en effet, toujours un écart irréductible
entre ce que l’on dit que l’on fait et ce que l’on arrive
à faire effectivement.
Remerciements. Ces travaux ont été financés par
Atlanstic 2020. Nous remercions également tous les Conseillers
Pédagogiques qui ont participé, de près ou de loin,
à la conception et à l’amélioration de TGRIS. Nous
remercions tout particulièrement Gaëlle CORGNIER qui a choisi de
travailler sur TGRIS pour son mémoire de Diplôme Universitaire et a
ainsi contribué à son amélioration avant les
expérimentations de 2020.
À
propos des auteures
Iza Marfisi-Schottman est maître de
conférences au Laboratoire d’Informatique de
l’Université du Mans (LIUM) depuis 2013. Ses travaux de recherche
portent sur les Environnements Informatiques pour l’Apprentissage Humain
(EIAH) et plus particulièrement sur les Serious Games et les
interactions innovantes telles que la Réalité Augmentée,
Virtuelle et Mixte. Elle travaille sur des méthodes, des modèles
et des outils auteurs pour que les enseignants puissent eux-mêmes
concevoir leurs propres applications pédagogiques, adaptées
à leurs besoins.
Adresse : Université du Mans, IUT
de Laval, département informatique, 52 rue des Docteurs Calmette et
Guérin, 53020 Laval, France
Courriel : iza.marfisi@univ-lemans.fr
Toile : https://lium.univ-lemans.fr/team/iza-marfisi/
Isabelle Vinatier est professeur émérite du
Centre de Recherche sur l'Education de Nantes (CREN). Elle est
spécialisée dans l'analyse des situations de travail et des
interactions en situation de travail. Elle conçoit également des
méthodes et des outils de formation professionnelle sur mesure.
Adresse : Université de Nantes,
Département des sciences de l'éducation UFR Lettres et Langages,
Chemin de la Censive du Tertre, 44312 Nantes, France
Courriel : isabelle.vinatier@univ-nantes.fr
Toile : https://www.univ-nantes.fr/isabelle-vinatier
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ANNEXE
1) Questionnaire
Émotions donné après chaque simulation
Information sur la simulation :
• Type : TGRIS-Ecran, TGRIS-RV ou jeu de rôle
• Durée de la simulation (en minutes)
• Nom de l’ACA pour les simulations avec TGRIS
Q1. Utilisez trois mots pour décrire la
simulation
Q2. Avez-vous ressenti des émotions pendant la simulation ? [Sur une
échelle de Likert à 6 points de « pas du
tout » à « tout à fait »]
Q2.bis. Si oui, exprimez les émotions ressenties.
Q3. Est-ce que la simulation était
évocatrice d’une situation vécue ?
Q3.bis : Si oui,
qu’avez-vous vécu ?
Q4. Si vous avez utilisé TGRIS, avez-vous apprécié le
fait que l’agent virtuel exprime des émotions ?
Q5. Si vous avez utilisé TGRIS, avez-vous
apprécié le fait que l’agent virtuel utilise des modes de
communication non verbaux (geste, expression du visage) ?
2) Questionnaire
Final donné à la fin de la journée de formation
Q1. Est-ce que TGRIS-Écran a été utile pour la formation
? [Sur une échelle de Likert à 6 points de « pas du
tout » à « tout à fait »] (Question
posée uniquement en 2017)
Q2. Quels avantages et inconvénients
avez-vous notés sur TGRIS-Écran ? (Question posée
uniquement en 2017)
Q3. Est-ce que TGRIS-RV a été utile
pour la formation ? [Sur une échelle de Likert à 6 points de
« pas du tout » à « tout à
fait »]
Q4. Quels avantages et inconvénients avez-vous notés sur
TGRIS-RV ?
Q5. Est-ce que le jeu de rôle a été utile pour la
formation ? [Sur une échelle de Likert à 6 points de
« pas du tout » à « tout à
fait »]
Q6. Quels avantages et inconvénients avez-vous notés sur le jeu
de rôle ?
Q7. Le dispositif de formation avec TGRIS vous a-t-il permis de prendre
du recul sur vos pratiques professionnelles ? [Sur une échelle
de Likert à 6 points de « pas du tout » à
« tout à fait »]
Q7.bis. Si oui, qu’avez-vous
remarqué ?
Q8. Le jeu de rôle vous a-t-il permis de prendre du recul sur vos
pratiques professionnelles ? [Sur une échelle de Likert
à 6 points de « pas du tout » à
« tout à fait »]
Q8.bis. Si oui, qu’avez-vous remarqué ?
Q9. Voyez-vous l’intérêt de
piloter l’agent virtuel de TGRIS par un humain ?
Q10. Quelles
améliorations apporteriez-vous à TGRIS ?
Q11. Est-ce que vous souhaiteriez réutiliser TGRIS ?
Q12. Dans quels contextes ?
Q13. Quel est, d’après vous, l’intérêt
essentiel de l’usage de TGRIS ?
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