Contact :
infos@sticef.org
|
Analyse d’une formation des futurs enseignants relative
à l’enseignement de la programmation, via l’outil
Minecraft : Education Edition
Charline CARLOT (COCOF), Audrey KUMPS (Umons), Bruno DE LIEVRE (Umons)
|
RÉSUMÉ : Dans
cet article, nous nous intéressons à l’impact des profils
des futurs enseignants du primaire et de mathématiques sur
l’évolution de leurs perceptions et leur intention
pédagogique dans l’enseignement de la programmation. Pour cela, une
formation utilisant l’outil Minecraft : Education Edition a
été proposée. Les résultats,
interprétés à partir de différents modèles
issus du modèle de TAM (Davis et Davis, 1989), permettent de fournir
quelques pistes de réflexion pour la formation initiale et continue des
enseignants.
MOTS CLÉS : Formation,
programmation, perception, pédagogie du jeu vidéo, Minecraft.
|
Analysis of a training course for future teachers relating to the teaching of programming, via the Minecraft tool: Education Edition. |
|
ABSTRACT : In
this article, we are interested in the impact of the profiles of future primary
and mathematics teachers on the development of their perceptions and educational
intent in teaching programming. For this, training using the Minecraft tool:
Education Edition has been proposed. The results, interpreted from different
models derived from the TAM model (Davis et Davis, 1989), make it possible to
provide some avenues of reflection for the initial and continuing training of
teachers.
KEYWORDS : Training,
programming, perception, video game pedagogy, Minecraft. |
1. Introduction
A une époque où
l’enseignement en Belgique francophone connaît un grand
bouleversement avec la mise en application de la réforme
éducative, intitulée « Pacte pour un enseignement
d’Excellence », et l’instauration d’un nouveau
référentiel numérique (FWB, 2018), il est
essentiel de se demander si les enseignants se sentent compétents face
à ce nouveau contenu à enseigner. En effet, malgré les
actions menées par le système éducatif pour satisfaire aux
attentes de la société, comme la mise en place de formations pour
les enseignants et les élèves ainsi que le financement de divers
projets éducatifs, un décalage entre les besoins de la
société et la formation des enseignants est constaté (Singh Rajput, 2000).
De plus, le milieu éducatif exprime ses difficultés face à
la manipulation des nouvelles technologies et à leur incorporation
pédagogique (Digital Wallonia, 2018).
Pourtant, l’enseignant étant essentiel à la mise en place
des pratiques numériques, il est important
« d’intégrer plus massivement le numérique
dès la formation initiale des enseignants et de proposer des cursus
où la composante numérique est présente de manière
disciplinaire et transversale » (Digital Wallonia, 2018, p. 1).
Parmi les compétences du programme relatives à
l’éducation au numérique figure la programmation. Ce contenu
d’enseignement, déjà intégré au programme de
nombreux pays (Karsenti, 2019),
est autant une nécessité économique pour le pays,
qu’une nécessité sociétale pour les jeunes
élèves et les futurs citoyens (Archambault, 2015).
Il constitue également un moyen de développer des capacités
de résolution de problèmes, de créativité, de
pensée critique, de construction, de comptage et de lecture (Karsenti, 2019), (Romero, 2016).
L’enseignement de la programmation aux élèves contribue donc
à ce que ces derniers puissent devenir des citoyens responsables dans la
société actuelle (Karsenti et Bugmann, 2017a).
Il est du rôle de l’école « de dispenser les
connaissances scientifiques et techniques qui permettront aux futurs citoyens
d'être en phase avec la société dans laquelle ils
vivent » (Archambault, 2015, p. 12).
Il faut donc veiller à former les (futurs) enseignants à
l’enseignement de cette nouvelle compétence. Pour cela, les
formations doivent prendre en compte les perceptions initiales des enseignants
qui peuvent influer sur l’ensemble du parcours de formation et sur leur
comportement post-formation (Crahay et al., 2010).
De plus, au vu des usages pédagogiques mis en œuvre par de nombreux
enseignants en Amérique ou en Europe, ainsi que des
bénéfices transdisciplinaires et disciplinaires sur les
élèves (Karsenti et Bugmann, 2017b),
il semble intéressant que la formation se réalise via une
modalité ludique : le célèbre jeu vidéo
Minecraft par exemple.
Concernant le public visé par ces formations, selon Henry et Smal (Henry et Smal, 2018),
les étudiants des cursus « instituteur primaire » et
« AESI mathématiques » sont les plus susceptibles de
se retrouver, lors de leur carrière professionnelle, à enseigner
cette compétence numérique.
Dès lors, nous en sommes arrivés à
l’hypothèse que l’administration d’une formation
relative à l’enseignement de la programmation, via l’outil
« Minecraft », aux futurs enseignants de primaire et aux
futurs enseignants de mathématiques du secondaire inférieur,
impacterait positivement leur intention ainsi que leur perception de
l’utilité et de l’utilisabilité de son
instruction.
2. Cadre théorique
2.1. Enseignement de la programmation
L’enseignement de l’informatique dans les
écoles existe depuis les années 70, mais ce n’est que
très récemment que le système éducatif belge a mis
en œuvre une politique de grande ampleur pour faciliter son introduction (Guardiola, 2014).
Ainsi, depuis 2015, via son opérateur stratégique concernant le
numérique, à savoir Digital Wallonia et son programme École
Numérique, la Wallonie a distribué plus de 32.000
équipements à travers 1.200 établissements scolaires et a
entrepris de nombreux projets pour former les apprenants et le corps enseignant
au numérique. Par exemple, le projet #Wallcode s’est
focalisé sur l’initiation et la sensibilisation à la
programmation et a organisé, entre 2015 et 2018, plus de 800
séances auprès de 40.000 apprenants, enfants et adultes.
De plus, en 2017, la réforme du système éducatif de la
FWB a intégré officiellement l’éducation au
numérique comme discipline à enseigner. Bien que les programmes ne
soient pas encore publiés, le rapport intitulé
« Stratégie numérique pour
l’éducation » (FWB, 2019) confirme
la présence du numérique, et notamment de la programmation au
point « Axe 1. Définir les contenus et ressources
numériques au service des apprentissages - AP 1.1. Définir les
savoirs, savoir-faire et compétences de la
« société numérique » dans le cadre du
nouveau tronc commun renforcé » (p. 9). Cependant,
malgré l’ensemble de ces démarches, seuls 21% des 2.066
établissements de la FWB ayant participé à
l’enquête (Digital Wallonia, 2018),
affirment que l’éducation aux compétences numériques
est inclue dans leur projet d’établissement. Ainsi,
l’enseignement de la programmation n’est présent, à
travers une intégration transversale dans des cours obligatoires ou
optionnels, que dans 10% des établissements des régions wallonne
et bruxelloise. Plus précisément, 76% des enseignants
interrogés affirment ne posséder aucune connaissance du
codage.
2.2. Impacts de l’enseignement de la programmation
Pour créer du changement dans le système éducatif et,
plus précisément, auprès des enseignants, il est
nécessaire de faire connaître les bénéfices de
l’usage du numérique en éducation qui développerait
l’impartialité, l’objectivité,
l’attractivité et l’efficacité de
l’éducation (De Poortere, 2017), (Karsenti, 2019), (Terosier, 2017, cité par Merchin, 2017).
La réduction de l’écart entre l’offre et la demande
dans le marché du travail est un premier argument important dans
l’introduction de la programmation dans le système éducatif.
Cependant, comme le précise Karsenti, l’inclusion de la
programmation dans les parcours scolaires va au-delà de la
nécessité de « former un bassin de programmeurs
compétents en vue de répondre aux besoins du marché du
travail » (Karsenti, 2019, p. 1).
En effet, l’apprentissage de cette compétence numérique
couvre d’innombrables avantages sociaux et éducatifs pour les
élèves. L’aspect social se rattache au désir
d’amener les apprenants au statut de citoyen autonome et de
créateur dans notre communauté technologique. Karsenti et Bugmann (Karsenti et Bugmann, 2017a) évoquent l’importance de former les élèves à
la compréhension des technologies car ils seront amenés à
les rencontrer dans leur vie quotidienne et professionnelle. Or, les outils
numériques n’ont pas d’effets
« magiques », ils sont conçus par des femmes et des
hommes à travers des codes, invisibles, mais pourtant bien
présents, qui vont les guider dans leurs actions et leurs comportements (Terosier, 2017, cité par Merchin, 2017).
Le risque est que la fracture numérique, le fossé entre
« ceux qui savent et ceux qui ne savent pas », se
creuse et que la société favorise les premiers (De Poortere, 2017).
Pour cela, il est essentiel d’intégrer tôt dans le cursus
scolaire, l’apprentissage de la culture numérique et de la
programmation. Comme l’ont démontré de nombreux pays
(Nouvelle-Écosse, France, Royaume-Uni, États-Unis, Suède
...) ceci est réalisable dès la maternelle grâce à
des outils adaptés aux objectifs et à l’âge tels
que : Scratch, ScratchJr, Bee-Bot, Dash, le robot humanoïde NAO, ou
encore Minecraft Education (Karsenti et Bugmann, 2017b).
Concernant les impacts éducatifs, la programmation permet la
visualisation immédiate des résultats aux élèves ce
qui augmente leur motivation et leur engagement (Desjardins et al., 2018) ainsi que leur estime de soi et leur sentiment de compétence (Karsenti, 2019).
De plus, la littérature permet d’établir un premier lien
entre les avantages de l’enseignement de la programmation et les
« 5 compétences du 21e siècle » :
la pensée critique, la collaboration, la résolution de
problèmes, la créativité et la pensée informatique (Romero, 2016).
- L’esprit critique est développé lors des
activités de construction de programmes où les
élèves sont amenés à commettre des erreurs et
à les rectifier pour trouver ensuite la solution. Tout en
développant leur autonomie, ils apprennent à mener une
réflexion critique sur leur production et les démarches
utilisées pour rechercher et gérer ces blocages en utilisant, sans
crainte du jugement, une démarche d’essai-erreur (Desjardins et al., 2018).
- La collaboration est développée à travers des
projets actifs et collaboratifs où, pour arriver à une solution
commune qui répondra au contexte et à la tâche
donnée, les élèves sont amenés à
développer et utiliser leurs compétences de communication,
d’échange et d’argumentation avec leurs camarades (Karsenti, 2019).
- La créativité s’avère d’une
grande utilité car, la programmation n’étant pas une science
exacte, il existe de nombreuses démarches et solutions différentes
pour répondre à une tâche ou à une situation
problème.
- La résolution de problèmes et la pensée
informatique sont mises en œuvre quand les élèves doivent
analyser une situation, rechercher les informations nécessaires à
l’émission d’hypothèses, déterminer la
solution, la rédiger sous une forme algorithmique et enfin, la traduire
en un programme informatique à mettre en œuvre afin de
vérifier son efficacité. Toutes ces étapes, demandant
rigueur, structuration et organisation (Terosier, 2017, cité par Merchin, 2017),
sont exploitées dans de nombreuses disciplines autres que
l’informatique, telles que les sciences, les mathématiques ou le
français (Karsenti, 2019).
2.3. Formation des enseignants
L’absence de cours d’informatique, et plus spécifiquement
de programmation, auprès des élèves est majoritairement
dû à un manque de formation en sciences informatiques des
enseignants durant leur cursus en Haute-Ecole (Henry et Smal, 2018).
En effet, plus de 60% des enseignants de FWB interrogés affirment ne pas
maîtriser, ne pas connaître ou ne pas comprendre les
compétences propres à l’algorithmique et à la
programmation.
Suite à la réforme éducative belge, la programmation est
apparue dans le référentiel couvrant le primaire et le secondaire
du degré inférieur (FWB, 2018). Pour
l’enseignement de cette compétence au niveau primaire, il semble
évident qu’une formation spécifique doit être
dispensée dans le cursus des futurs enseignants. En ce qui concerne le
niveau du secondaire inférieur, Henry et Smal, chercheuses dans le groupe
de travail SI2 (Sciences Informatique pour le Secondaire Inférieur) et
dans le centre de recherche de l’université de Namur, stipulent que
« seuls les enseignants en mathématiques pourraient,
à ce titre, prétendre posséder des compétences
suffisantes pour assurer un cours d’initiation à
l’informatique » (Henry et Smal, 2018, p. 133).
De plus, les auteures affirment que, dans le monde de l’enseignement
secondaire, les « enseignants « en devenir »
[...] constituent sans doute le public le plus susceptible de se retrouver en
charge d’un cours d’« éducation au
numérique » (p. 136-137). Il semble donc primordial de se
centrer sur l’amélioration de la formation initiale de ces futurs
enseignants.
2.4. Améliorer la formation des enseignants
De nombreuses études menées à travers le monde ont
démontré que la corrélation entre la formation initiale des
enseignants et les résultats des élèves était
faible. Ces résultats ne mettent pas en cause l’enseignement
supérieur mais plutôt l’incohérence entre la formation
et les besoins du terrain (Bernard et al., 2004) ainsi que le manque de liens entre les savoirs théoriques et les savoir
pratiques (Caron et Portelance, 2017).
Il est donc important d’analyser les besoins professionnels des futurs
enseignants avant de repenser leur formation.
De plus, les futurs enseignants, avant même leur entrée dans la
formation initiale, sont soumis à des doxas qui vont fortement influencer
leur formation ainsi que leur future carrière professionnelle (Crahay et al., 2010).
En sachant que « plus une croyance est ancienne, plus elle est
tenace » (Kagan, 1992, cité par Vause, 2009, p. 39),
les futurs enseignants ont eu le temps de se forger leurs propres croyances
depuis l’école primaire. Enfin, le fossé entre le type
d’enseignement attendu par les enseignants du terrain et celui
qu’ils ont connu depuis le début de leurs études primaires
peut être un frein pour la formation (Vause, 2009).
Plus spécifiquement concernant les formations propres à
l’intégration des technologies dans le monde éducatif,
l’intégration de stratégies technopédagogiques peut
provoquer une certaine résistance de la part des enseignants. Celle-ci
serait causée par la peur du changement et la non-maîtrise des
outils technologiques (Rey et Coen, 2012).
2.5. Modalités d’une « bonne »
formation
Pour juger de l’efficacité d’une formation enseignante, il
est nécessaire d’évaluer cette dernière. La question
est de savoir sur quels critères elle doit être
évaluée. Hattie, après l’étude de plus de 800
méta-analyses, en ressort quatre principaux (Hattie, 2012, p. 119) :
- « la modification de la perception de
l’activité par l’enseignant,
- l’accumulation de connaissances,
- l’évolution du comportement de
l’enseignant,
- l’impact sur les résultats des
élèves ».
L’étude de Hattie démontre que de nombreux auteurs ont
mis en évidence l'impact de la motivation et des perceptions des
enseignants sur leur engagement et sur leur investissement dans la profession.
Ainsi, il est intéressant que les formateurs prennent en compte ces deux
variables dans leurs formations.
Notre étude se centre sur l’évolution de la perception
des futurs enseignants au cours de sa formation.
Tout d’abord, le sentiment de compétence des enseignants,
correspondant à leur sentiment de capacité à
exécuter des missions spécifiques (Bandura, 1997),
est corrélé avec leur engagement professionnel (Barroso da Costa et Loye, 2016) ainsi qu’avec leur capacité à le concrétiser (Friedman et Kass, 2002).
Ensuite, le fait qu’un enseignant possède une intention
d’usage envers un outil numérique peut conduire à une
utilisation (plus adéquate) de ce dernier dans sa pratique
professionnelle. Le modèle de TAM (Davis et Davis, 1989),
amélioré par Heerink (Heerink, 2010),
met en avant ces liens entre perceptions, intentions et utilisations.
Figure 1 • Modèle de
l'accessibilité d'un outil technologique (Heerink, 2010)
Alors que, dans le modèle de TAM, seule l’appréciation,
positive ou négative, de l’utilité, de
l’utilisabilité et de l’acceptabilité d’un outil
peut avoir une influence sur l’intention d’usage d’une
technologie, Heerink fait aussi intervenir des facteurs propres au profil de
l’utilisateur (figure 1). Alors que le facteur d’utilité est
directement relié à l’intention, celui de
l’utilisabilité ne l’influe qu’indirectement. En effet,
ce dernier agit à travers la vision d’utilité de
l’outil en l’augmentant ou en la diminuant selon que l’on
perçoit son usage comme plus ou moins aisé (Davis et Davis, 1989).
Enfin, Nair et Mukunda Das (Nair et Mukunda Das, 2012) stipulent que la facilité d’utilisation perçue par les
enseignants est un facteur essentiel expliquant leur attitude à
l’égard de l’utilisation des technologies. Une perception
positive de l’utilité ne suffit pas à les utiliser dans les
classes, il faut aussi qu’ils en perçoivent l’utilisation
aisée.
En FWB, 76 % des 2585 enseignants ayant répondu à
l’enquête affirment n’avoir aucune connaissance en
programmation (figure 2).
Figure 2 • Sentiment de
compétence numérique des enseignants selon le rapport de Digital
Wallonia (Digital Wallonia, 2018)
De plus, seuls 17% des enseignants interrogés disent avoir reçu
au moins une formation liée à la programmation, lors de leur
formation initiale ou continue. Il semblerait qu’aucun rapport relatif
à la perception des enseignants face à
l’intérêt pédagogique et à la facilité
d’enseignement de cette compétence numérique n’ait
été réalisé en Belgique.
En France, Roche et al. (Roche et al., 2018) ont réalisé une enquête auprès de 578 enseignants et
enseignantes de primaires de la région nantaise. Il en ressort que 24%
d’entre-eux disaient avoir bénéficié d’une
formation relative à la programmation (ce qui est supérieur de 7%
aux résultats belges). De plus, 60% des répondants étaient
convaincus de l’utilité de l’enseignement de la programmation
pour les apprentissages interdisciplinaires, le développement des
capacités de résolution de problèmes et l’insertion
professionnelle des apprenants. Puisque l’intérêt pour un
enseignement s’évalue au travers de la perception de son
utilité (Roche et al., 2018),
il est possible de conclure que ces 60 % enseignants appréhendaient bien
l’intérêt de l’enseignement de la programmation pour
les élèves. Cependant, en ce qui concerne la facilité, 75%
soutenaient que les objectifs d’apprentissage n’étaient pas
clairs, 83% confiaient ne pas être à l’aise avec les notions
relatives à la programmation qu’ils étaient susceptibles de
devoir enseigner et, enfin, 78% considéraient que cette compétence
numérique était difficile à mettre en œuvre sur le
terrain. En somme, les enseignants interrogés exprimaient une meilleure
perception de l’utilité que celle de l’utilisabilité
et étaient plutôt positifs concernant l’intégration
des sciences informatiques dans les écoles.
Herry et Mougeot (Herry et Mougeot, 2007),
quant à eux, constatent une différence notable entre les
enseignants du primaire et ceux du secondaire dans les écoles
francophones d’Ontario : les enseignants du secondaire ont une vision
de leur maîtrise du numérique (d’ordre technique, social,
informationnel et épistémologique) plus élevée. Ceci
peut s’expliquer par le fait que le niveau de compétence
technologique des enseignants impacte leur perception des difficultés
relatives à leur usage en contexte scolaire (Duguet et Morlaix, 2017).
Le rôle de la formation des enseignants est donc de modifier les aprioris de ces derniers concernant l’utilité et
l’efficacité de l’enseignement de la programmation. Pour
cela, il est important de revoir les programmes de formation (Roche et al., 2018).
2.6. Comment adapter la formation aux perceptions ?
Selon Fleitz (Fleitz, 2004),
seul un rapport « pratique » entre l’enseignant et la
formation peut potentiellement amener ce dernier à une innovation de ses
pratiques pédagogiques. Pour cela, il est essentiel qu’une
formation applique le principe d’isomorphisme pédagogique,
c’est-à-dire un enseignement « pratique » du
contenu accompagné d’un aspect réflexif et interactif de
cette dernière (Muller, 2018).
Le contenu abordé doit être lié à la discipline de
l’enseignant et être en adéquation avec les demandes et les
besoins de la société et, ainsi, des élèves. En
somme, cela signifie que le contenu de la formation (savoir et/ou pratique) ne
doit pas sembler trop abstrait ou trop éloigné du vécu
professionnel. Il doit faire sens et sembler utile à l’enseignant.
Cependant, cela n’amène l’enseignant que vers une
« éventuelle » innovation. Pour qu’il y ait une
modification de son comportement professionnel, c’est-à-dire pour
qu’il innove en situation de travail, le contenu de la formation doit
« prendre un sens dans le contexte de
l’enseignant » (Fleitz, 2004, p. 87).
En effet, c’est lorsque le contenu est illustré via une pratique
existante et dans une situation particulière, proche de celles
rencontrées par l’enseignant sur le terrain, que ce dernier va lui
donner du sens. Bien qu’un certain degré d’écart soit
admissible et franchissable pour quelques personnes, un trop grand fossé
entre le vécu pédagogique de l’enseignant et la formation
peut être insurmontable. Il est donc préconisé de
réaliser des formations « prudentes »,
c’est-à-dire des formations qui s’appuient sur
l’expérience et les compétences des enseignants et qui
proposent des projets simples avec des objectifs peu élevés qui
engendrent de petits changements atteignables progressivement (Muller, 2018).
Ainsi, parce qu’ils sont connus pour leur forte ténacité
face au changement, les enseignants ne doivent pas subir une transformation trop
violente de leurs pratiques habituelles. Fleitz (Fleitz, 2004) illustre cette incapacité qu’ont certains enseignants à
innover, en prenant l’exemple de l’activité
« danse » : malgré une perception positive de
son utilité pédagogique, certains enseignants ne se
résolvent pas à réaliser cette activité artistique
en classe car elle va à l’encontre de leur personnalité.
Laird (Laird, 2018) ajoute que, pour qu’un enseignant s’approprie une démarche
pédagogique nouvelle, il est nécessaire qu’il vive cette
dernière en tant qu’élève. En effet, selon lui,
l’utilisation des principes d’isomorphisme lors d’une
formation permettrait aux enseignants de mieux façonner les
différents outils et stratégies pour que leurs
élèves puissent, à leur tour, vivre cette expérience
d’apprentissage.
2.7. La pédagogie vidéoludique
Outre ses capacités à motiver extrinsèquement les
apprenants et à leur procurer des situations d’apprentissage
mobilisant de manière cohérente la notion, ou le concept,
d’« apprendre à apprendre », la
pédagogie vidéoludique offre d’autres avantages
interdisciplinaires qui sont aujourd’hui reconnus et mis en avant :
la collaboration, l’autonomie, l’esprit critique et la
capacité à comprendre, mémoriser et maîtriser des
savoirs, grâce notamment à la pédagogique active du
« faire » (« Learning by doing »)
et à l’essai-erreur sans le peur de la défaite et du
jugement (Annart, 2019).
Parmi la quantité de jeux vidéo disponibles, Minecraft a
réussi à se créer une place parmi les stratégies
éducatives de nombreux enseignants grâce à ses bienfaits
pédagogiques (Clôatre, 2018), (Karsenti et Bugmann, 2017b).
3. Méthodologie
3.1. Contexte
Cette recherche a eu lieu au cours de
l’année scolaire 2019–2020 auprès des sections
« instituteurs primaires » et « AESI
mathématiques » dans deux hautes-écoles de la FWB :
Condorcet Mons et Henallux Champion. Pour la constitution de
l’échantillon, nous nous sommes basés sur la
disponibilité des sujets. Il fut ainsi composé de 82 sujets
répartis en deux groupes en fonction de leur section
d’étude, « instituteurs primaires »
(G1 = 43) et « AESI mathématiques »
(G2 = 39).
3.2. Prise des données
L’objectif de notre recherche étant de mesurer l’effet de
l’appartenance à la section d’étude des participants
sur l’évolution de trois variables dépendantes
(l’intention d’enseignement de la programmation, la perception de
l’utilité et celle de l’utilisabilité de cette
compétence numérique), nous avons mis en place un plan
expérimental qui implique deux temps de prise de mesure. Nous
l’exprimons sous la forme de deux observations pré et
post-expérimentales :
- l’observation pré-expérimentation consiste en
un questionnaire qui permet d’évaluer le niveau d’intention
et de perception des futurs enseignants avant leur participation à la
formation,
- l’expérimentation est constituée de la
formation relative à la programmation,
- l’observation post-expérimentation consiste en un
questionnaire qui permet d’évaluer le niveau d’intention et
de perception des enseignants après la participation à la
formation en vue d’analyser l’effet de cette dernière.
Pour créer et articuler les différentes questions du
pré-questionnaire, nous nous sommes inspirés des items
présents dans l’enquête de Roche (Roche et al., 2018).
Son étude est composée de neuf questions fermées (selon une
échelle de Likert) regroupées en trois catégories :
l’utilité de l’enseignement de la programmation, la
facilité perçue de sa mise en œuvre et la capacité
à rédiger des programmes informatiques. Afin d’augmenter la
validité de contenu de notre pré-questionnaire, nous avons
détaillé les trois catégories grâce à notre
revue de la littérature relative à la programmation et au
numérique (FWB, 2018), (Karsenti, 2019).
Ainsi, dans un premier temps, nous avons complété les questions de
Roche et al. pour qu’elles correspondent aux recherches et aux
rapports ayant révélé des avantages supplémentaires
à l’enseignement de la programmation. Dans un deuxième
temps, le rapport de Digital Wallonia (Digital Wallonia, 2018),
relatif au numérique et à l’éducation, nous a permis
d’avancer les freins didactiques, techniques ou matériels qui
pourraient empêcher les futurs enseignants de réaliser, par la
suite, des activités de programmation dans leur classe. Enfin, afin de
palier au biais relatif à la maîtrise des jeux vidéo en
pédagogie, nous avons ajouté deux questions dans la
catégorie « facilité d’enseignement ».
La première se rapporte à la connaissance et à
l’aisance des participants envers Minecraft. La seconde
s’intéresse à la capacité à faire confiance
à ses élèves au niveau de la maîtrise technique
d’un outil numérique.
Afin de faciliter le traitement des résultats, nous avons conçu
des questions fermées à choix multiples ou avec une échelle
de Likert à six niveaux (0 à 5). Sur la base des catégories
de Roche et al. (Roche et al., 2018) et avec l’ajout de questions propres aux caractéristiques initiales
des participants, notre questionnaire s’organise en quatre parties
relatives à la programmation : les caractéristiques
initiales, l’utilité perçue de son enseignement,
l’utilisabilité perçue de sa mise en œuvre ainsi que
l’intention de comportement. Nous avons privilégié le terme
« utilisabilité » à
« facilité », car il s’agit du terme
employé dans les modèles propres aux perceptions liées
à aux numérique (Davis et Davis, 1989), (Heerink, 2010).
En ce qui concerne le post-questionnaire, celui-ci est organisé de la
même manière que le pré-questionnaire,
c’est-à-dire avec des questions fermées. Cependant, il ne
comporte plus que trois catégories relatives à la
programmation : l’intention d’enseignement,
l’utilité et l’utilisabilité perçues dans sa
mise en œuvre. En effet, les questions relatives aux trois
caractéristiques initiales ont été retirées. Enfin,
nous avons ajouté deux questions ouvertes afin de recueillir les avis
positifs et négatifs des enseignants face à la formation et aux
activités réalisées.
Afin d’analyser les données récoltées via les
questionnaires, nous avons attribué une valeur à chaque
réponse. Ensuite nous avons additionné les valeurs obtenues aux
réponses de chaque catégorie (les caractéristiques
initiales, la perception de l’utilité, celle de
l’utilisabilité et l’intention d’enseignement) pour
calculer des scores, des moyennes, des écarts-types et des
corrélations.
3.3. Choix de l’outil numérique
Le choix de l’univers Minecraft nous a semblé être une
évidence au vu de sa popularité auprès des jeunes ainsi que
des nombreux avantages pédagogiques qu’il peut engendrer (Clôatre, 2018), (Karsenti et Bugmann, 2017b).
Nous avons choisi d’exploiter la version éducative de Microsoft car
cette dernière, créée dans un but exclusivement
pédagogique, présente quatre avantages :
- Ce « jeu sérieux » propose un
paramétrage simplifié et adapté à une utilisation en
classe.
- Il compte un ensemble de matériaux pédagogiques
spécifiques par rapport à la version originale tels les
éléments du tableau Mendeleiev et le portfolio.
- La version éducative est composée de la plateforme
MakeCode qui permet aux joueurs de manipuler les matériaux et un robot
(l’agent) via un logiciel de codage en langage par blocs (identique au
langage Scratch) et en langage JavaScript. Les élèves peuvent
ainsi programmer des constructions et simuler de la robotique dans un univers
3D.
- Microsoft a aménagé un site (https://education.minecraft.net/)
pour fédérer une communauté d’enseignants qui utilise
Minecraft Education et pour ainsi rassembler les activités et
questionnements de chacun.
3.4. Organisation de la formation
Pour l’élaboration de notre formation, nous avons veillé
à respecter un équilibre entre les aspects théoriques,
pratiques ainsi que les connaissances pédagogiques et didactiques de
l’enseignement de la programmation (Timperley et al., 2007).
Pour ce faire, nous avons placé les participants en position
d’apprenants actifs et nous avons divisé la formation en 3
parties : une introduction théorique, des ateliers pratiques et un
débriefing.
Tout d’abord, la première partie a pour objectif de retracer le
contexte éducatif de l’apprentissage à la programmation
ainsi que ses avantages pédagogiques et ses stratégies
d’enseignement, puis, de décrire l’outil numérique
Minecraft et ses possibilités pédagogiques. De manière
à mettre en avant les pratiques professionnelles, nous avons
diffusé une vidéo réalisée et montée dans le
cadre de notre recherche. Celle-ci diffuse l’interview de six enseignants
qui utilisent Minecraft avec leurs élèves. Ils expliquent de
quelle manière ils l’utilisent et donne leur opinion sur cet outil.
L’objectif est que les participants à la formation prennent
conscience des besoins de la société et du rôle qu’ils
auront à jouer en tant que futurs acteurs du système
éducatif.
Lors de la seconde partie, nous avons mis les étudiants en situation
d’apprentissage. Cette expérience isomorphique permet aux
participants d’oublier leur statut de pédagogue en prenant la place
de l’apprenant, d’éprouver et vivre les mêmes
émotions que ce dernier et de visualiser le comportement et le rôle
du formateur pour s’en inspirer dans sa future carrière
professionnelle (Caena, 2011). De
plus, cette pratique aide les participants à modifier leurs croyances
négatives quant à l’enseignement de la programmation (Laird, 2018).
Figure 3 • Activité
« Labyrinthe. Défi : qui sera le
premier ? »
Pour ce faire, quatre
activités1 ont
été créées sous forme de défis avec des
objectifs simples afin de ne pas décourager les participants (Muller, 2018),
ont été proposées :
- Activité 01 : « L’œuf ou la
poule. Défi : les poules pondent-elles plus d’œufs si
elles sont dans un enclos plus grand ? ». Dans cette
leçon, les élèves sont amenés à construire
des enclos carrés et rectangulaires et y faire apparaître des
poules afin de répondre à la question de départ. Pour ce
faire, ils doivent manipuler les blocs en mode débranché avec des
exercices d’ordonnance avant de passer dans le monde numérique de
Minecraft.
- Activité 02 : « Volcan et éruption.
Défi : construisons notre volcan ». Dans cette
leçon, les élèves sont amenés à construire un
volcan en éruption, étape par étape, afin de simuler une
éruption explosive, dans le cadre d’un cours sur le thème de
la découverte des volcans. Pour ce faire, les élèves
commencent par schématiser un volcan (la forme extérieure ainsi
que le réservoir et la cheminée) en veillant à ce
qu’il soit réalisable dans le monde cubique de Minecraft. Ensuite,
ils sont amenés à se questionner sur la démarche à
suivre pour construire la cheminée et le réservoir grâce
à l’aide du robot programmable. Seulement après cette
période de réflexion, les élèves ont accès
à des parties de code qu’ils vont devoir, en
débranché, rassembler et ordonner en un unique programme et,
ensuite, en branché, recopier dans le MakeCode de Minecraft pour
vérifier qu’il fonctionne. La dernière étape consiste
en la mise en place des fusées explosives et de la lave grâce
à un exercice de modelage qui va leur permettre de réaliser pas
à pas la simulation de l’éruption explosive.
- Activité 03 : « Labyrinthe.
Défi : qui sera le premier ? ». Dans cette
leçon, les élèves doivent manipuler leur robot afin de lui
faire parcourir divers itinéraires (figure 3). Premièrement, les
élèves découvrent les blocs de déplacement du robot
grâce à un tutoriel fourni par MakeCode. Ensuite, les
élèves doivent réécrire un programme identique
à celui du tutoriel en l’adaptant au parcours auquel leur robot
fait face. La leçon propose trois niveaux de parcours ainsi que deux
niveaux de labyrinthes parfaits. De cette manière, les
élèves peuvent avancer à leur rythme et à leur
niveau.
- Activité 04 : « Labyrinthe 2.
Défi : sortons d’ici ! ». Dans cette
leçon, les élèves apprennent à écrire des
programmes permettant au robot de trouver, seul, la sortie de n’importe
quel labyrinthe. Pour commencer, les élèves réalisent un
exercice d’autorégulation dans lequel ils doivent corriger et
déterminer le fonctionnement d’un programme mystère.
Ensuite, à travers des exercices de création et de
réflexion (stratégie intitulée « Voler de ses
propres ailes »), les élèves sont amenés à
modifier le programme initial et à créer de nouveaux programmes
pour répondre à diverses questions émises par
l’enseignant.
Chaque leçon provient de projets testés sur le terrain qui ont
donc été expérimentés dans un contexte de classe
réel avec des élèves de primaire ou de secondaire du
degré inférieur. Ensuite, les activités ont
été mises en œuvre en utilisant les stratégies
pédagogiques de l’enseignement de la programmation (Desjardins et al., 2018) en veillant à associer des moments branchés et
débranchés (Vincent, 2018).
Les étudiants, regroupés en duo sur un PC, travaillent de
manière autonome et le formateur est présent pour répondre
aux éventuelles difficultés. Chaque activité est donc
propice à la réalité du terrain et peut faire sens pour les
futurs enseignants (Fleitz, 2004), (Rey et Coen, 2012).
La troisième partie a pour objectif de faire ressortir, lors
d’un débriefing, les expériences d’apprentissage
vécues durant la journée ainsi que les éventuels manques et
freins, les interactions avec les pairs étant une étape
primordiale dans la transformation des croyances initiales et des perceptions (Muller, 2018).
Pour ce faire, à travers un tour de table, les étudiants ont
exprimé oralement leur ressenti face à la journée de
formation.
3.5. Questions de recherche
Face à l’importance des perceptions de l’utilité et
de l’utilisabilité dans l’engagement professionnel (Davis et Davis, 1989),
l’objectif de notre recherche est :
- de confirmer, en pré-formation, une différence de
profil entre nos deux groupes concernant les deux niveaux de perception et
l’intention d’enseignement (Q1),
- d’évaluer si l’évolution de ces trois
variables est présente et similaire dans nos deux groupes
lorsqu’ils sont face à une formation identique (Q2).
Heerink (Heerink, 2010) stipulant que le profil des participants peut avoir une influence sur
l’évolution des perceptions et de l’intention
d’enseignement, nous veillerons à analyser les corrélations
entre les trois variables et les caractéristiques initiales des
participants (cf. partie 4.2).
4. Présentation et analyse des résultats
4.1. Profils de nos deux groupes avant la formation (Q1)
Pour rappel, Herry et Mougeot (Herry et Mougeot, 2007) constatent une différence notable entre les perceptions relatives aux
technologiques des enseignants du primaire et du secondaire dans les
écoles francophones d’Ontario. Pour la FWB, dans la même
optique, Henry et Smal (Henry et Smal, 2018) affirment que « seuls les enseignants en mathématiques
pourraient, à ce titre, prétendre posséder des
compétences suffisantes pour assurer un cours d’initiation à
l’informatique » (p. 133).
Nous pouvions donc imaginer que nos deux groupes se distingueraient, dans le
sens où, le groupe 2, qui suivait, en plus du cours de TIC, un cours
relatif à l’algorithmique, aurait une meilleure perception de
l’enseignement de la programmation.
Tableau 1 • Scores
d’utilisabilité, d’utilité et d’intention
d’enseignement pour les futurs enseignants du primaire (G1) et du
secondaire inférieur (G2), avant la formation
|
Utilisabilité |
Utilité |
Intention d'enseignement |
|
G1 |
G2 |
G1 |
G2 |
G1 |
G2 |
Taille |
43 |
39 |
43 |
39 |
43 |
39 |
Moyenne |
28.50 |
35.30 |
48.30 |
53.40 |
37.20 |
53.80 |
Écart-type |
5.40 |
5.09 |
25.44 |
22.39 |
0.49 |
0.51 |
Coefficient de variation |
75.94 |
57.74 |
43.92 |
34.91 |
131.45 |
93.87 |
Les résultats du groupe 2 (voir tableau 1) démontrent des
scores de perception et d’intention d’usage plus
élevés que ceux du groupe 1. Néanmoins, cette
différence entre les moyennes n’est pas statistiquement
significative (p=.175 ; p=.140 ; p=.251 ; p=.134). Les
perceptions et l’intention d’enseignement des deux groupes ne
divergent donc pas en début de formation et nous pouvons donc nous
attendre à une évolution homogène.
D’après Roche et al. (Roche et al., 2018) 60% des professeurs du primaire trouvent l’enseignement de la
programmation utile, alors que seulement 30% la trouve facile à
enseigner. Les résultats que nous avons obtenus vont dans ce sens :
les scores de perception de l’utilité sont plus
élevés que ceux de l’utilisabilité. Toutefois, ils se
trouvent à la limite des 50% pour les 2 groupes (G1=48.3% ;
G2=53.4%). Nous pouvons donc suggérer que les répondants
n’ont pas une vision très positive de l’enseignement de la
programmation.
Alors que nos deux groupes présentent un profil similaire concernant
les trois variables étudiées, leurs caractéristiques
initiales s’avèrent différentes puisqu’ils divergent
au niveau de leur formation préalable en programmation (G1=17.4% ;
G2=37.9% ; p<.001). Une telle différence dans le niveau de
formation en faveur du groupe 2 peut se justifier par la présence du
cours d'algorithmique dans leur formation initiale.
Par contre, les deux groupes déclarent une faible maîtrise de
l’outil Minecraft (p=.056) ce qui contredit les propos de Herry et Mougeot (Herry et Mougeot, 2007) qui affirment que les compétences techniques des enseignants influencent
leur vision de la facilité d’enseignement. Les deux groupes
déclarent aussi un intérêt élevé pour
l’enseignement de la programmation (p=.963), ce qui peut paraitre
étonnant si on considère que les enseignants en
mathématiques sont les plus susceptibles d’enseigner la
programmation (Henry et Smal, 2018).
Tableau
2 • Analyse descriptive des caractéristiques initiales
des futurs enseignants du primaire (G1) et du secondaire (G2)
|
Intérêt |
Formation |
Maîtrise outil |
G1 |
G2 |
G1 |
G2 |
G1 |
G2 |
Taille |
43 |
39 |
43 |
39 |
43 |
39 |
Moyenne |
68.80 |
69.20 |
17.44 |
37.95 |
22.09 |
29.81 |
Écart-type |
0.47 |
0.47 |
2.40 |
3.09 |
2.415 |
1.90 |
Coefficient de variation |
66.60 |
67.60 |
137.67 |
81.37 |
121.50 |
79.66 |
En ce qui concerne les moyennes des trois caractéristiques initiales,
les premières données, relatives à
l’intérêt (G1=69.8 % ; G2=69.2%), correspondent aux
résultats de l’étude de Roche (2018) qui affirment que 60%
des enseignants du primaire interrogés portent un intérêt
à l’enseignement de cette compétence numérique. Les
résultats des deux autres caractéristiques sont nettement sous la
moyenne. Concernant la formation, les résultats du groupe 1 (17%), se
retrouvent totalement dans la proportion d’enseignants de la FWB (Digital Wallonia, 2018),
tout en restant inférieurs au score (24%) obtenu par Roche (Roche et al, 2018).
Le groupe 2, quant à lui, surpasse toutes ces données pour se
différencier significativement du G1. Ici aussi, le cours
d'algorithmique, présent dans le cursus des AESI Mathématiques,
justifie ce constat de divergence. En ce qui concerne la maîtrise de
l’outil, les moyennes sont surprenantes compte tenu du fait que Minecraft
est reconnu mondialement comme le jeu le plus joué et qu’il
appartient à la génération des participants de notre
étude (Pateau, 2018).
Dès lors, nous nous attendions à ce que les scores, relatifs
à la maîtrise de l’outil, soient nettement
supérieurs.
Les 83 étudiants présentant un profil de départ
similaire au niveau des deux variables de perception et de leur intention
d’enseignement, nous avons analysé les relations entre ces trois
variables dépendantes pour l’ensemble de notre
échantillon.
Figure 4 • Corrélations entre
les variables dépendantes en pré-formation
Au vu des résultats (figure 4), nous pouvons confirmer une tendance de
variation entre chacun des niveaux de perception avec l’intention
d’enseignement : d’intensité moyenne pour la perception
de l’utilité et d’intensité faible pour celle de
l’utilisabilité. Précisons que, lorsque les groupes sont
scindés, les mêmes tendances pour le groupe 2 se
révèlent d’intensité supérieure : la
relation entre l’intention d’usage et l’utilité est
d’intensité
« forte2 »
(r=.41) ; et celle avec l’utilisabilité est
« faible » (r=.19). Le concept théorique de TAM
expliquerait nos résultats, qui indiquent que la perception de
l’utilité a un impact plus important sur la volonté
d’inclusion du numérique que celle de l’utilisabilité.
Dès lors, bien qu’il concerne initialement l’utilisation
d’outils numériques dans les pratiques professionnelles, le
modèle de TAM (Davis et Davis, 1989) peut être élargi à notre étude relative à
l’enseignement d’une compétence numérique (la
programmation) via un outil numérique.
De ce fait, nos résultats, peu élevés (G1=37.2% ;
G2=53.8%), propres à l’intention d’enseignement de la
programmation de nos deux groupes sont appuyés par le schéma de
TAM (Davis, 1989) qui stipule que les perceptions de l’utilité et
l’utilisabilité impactent l’intention pédagogique des
enseignants. En parallèle, ces données rejoignent
l’étude menée par le groupe SI2 (Henry et Smal, 2018),
révélant que plus de 60% des enseignants interrogés
déclarent avoir un faible sentiment de compétence propre à
l’algorithmique et à la programmation. Cette déclaration
entraîne dès lors une diminution de leur engagement professionnel
et plus spécifiquement de leur intention d’enseignement (Barroso da Costa et Loye, 2016).
Notons que le groupe 2, contrairement au groupe 1, affiche une intention
d’usage moyennement positive (53.8 %). Ceci sous-entend qu’ils
ont pour projet d’enseigner la programmation lors de leur future
carrière professionnelle. Ce constat coïncide avec le fait que
l’algorithmique n’apparait que dans les programmes
d’étude des AESI mathématiques.
En résumé, toutes ces observations, laissant entendre
qu’il existe une grande marge de progression possible, pourraient
justifier l’existence de notre formation et qu’il serait plus
important de se centrer sur l’évolution de l’utilité
que sur celle de la facilité, pour obtenir un plus grand impact sur le
comportement futur des enseignants.
4.2. Evolution des résultats après la formation (Q2)
L’objectif de notre étude étant d’évaluer
l’intérêt de notre formation sur les perceptions et sur
l’intention d’enseignement des participants, nous nous interrogeons
sur les changements opérés suite à la formation.
Tableau 3 • Scores
d’utilisabilité, d’utilité et d’intention
d’enseignement déclarés par les futurs enseignants du
primaire (G1) et du secondaire (G2) après la formation
|
Utilisabilité |
Utilité |
Intention d'enseignement |
G1 |
G2 |
G1 |
G2 |
G1 |
G2 |
Taille |
43 |
39 |
43 |
39 |
43 |
39 |
Moyenne |
36.93 |
53.23 |
49.38 |
63.44 |
48.80 |
76.90 |
Écart-type |
20.52 |
18.29 |
21.95 |
18.07 |
0.51 |
0.43 |
Coefficient de variation |
55.57 |
34.36 |
44.46 |
28.48 |
103.6 |
53.64 |
En post-formation, les différences de moyenne des scores
d’intention d’enseignement (p=.009) et de perception (p=.006 ;
p<.001) entre nos deux groupes, indiquent que, dorénavant, ils se
distinguent clairement. En analysant les deux niveaux de perception, nous
constatons toujours que le score moyen de l’utilité est plus
élevé que celui de l’utilisabilité et que le groupe 2
est plus homogène que le groupe 1. A ce stade, nous ne pouvons pas
affirmer que, grâce à la formation, les deux niveaux de perception
sont au même niveau. En effet, selon Nair et Mukunda Das (Nair et Mukunda Das, 2012),
une haute perception de l’utilité seule ne suffit pas pour que
l’enseignant modifie ses pratiques pédagogiques. La perception
d’utilisabilité des enseignants domine leur engagement
professionnel. En ce qui concerne l’intention d’enseignement de la
programmation, les résultats post-formation du groupe 1 (48.8%) semblent
refléter une vision professionnelle dont l’enseignement de la
programmation ne fait pas partie. A contrario, dans la vision du groupe 2
(76.9%), cette compétence numérique fait bien partie de leurs
missions.
De manière générale, les deux groupes montrent une
évolution positive. Bien que les gains de G1 et ceux de G2
n’atteignent pas les 25%, seuil de significativité d’un gain
d’ordre comportemental (Gérard, 2003),
ils s’en rapprochent fortement. À ce stade de la réflexion,
nous pouvons donc affirmer que la formation a atteint son objectif. Cependant,
seules la perception de l’utilisabilité et l’intention
d’enseignement ont évolué de manière identique pour
les deux groupes (p=.067 ; p=.742). La perception de l’utilité
évolue plus significativement pour le groupe 2 (p=.019).
Les 83 étudiants présentant des profils différents en
post-formation, nous avons analysé les relations entre ces trois
variables pour chacun des groupes (figure 5).
Figure 5 • Corrélations entre
les variables en post-formation (G1 – G2)
En ce qui concerne les liens entre l’intention d’instruction et
les niveaux de perception (figure 5), nous observons des résultats
significatifs mais avec des intensités différentes en fonction des
groupes. Pour le groupe 1, bien que le modèle de TAM démontre
l’influence directe de l’utilité sur l’intention
d’enseignement, c’est la vision de l’utilisabilité qui
prédomine (Nair et Mukunda Das, 2012).
Pour le groupe 2, les résultats laissent supposer qu’il y a une
même influence pour les deux niveaux de perception. Ainsi,
l’utilité et la facilité d’enseignement sont deux
arguments équivalents pour pouvoir enseigner cette compétence
numérique.
Pour répondre à ce constat, notre revue de la
littérature nous suggérait que les trois caractéristiques
(maîtrise de l’outil, l’intérêt et la formation)
pourraient avoir un impact sur nos variables (Heerink, 2010).
Premièrement, selon Duguet et Morlaix (Duguet et Morlaix, 2017),
le niveau de compétence technologique des enseignants impacte leur
perception, et ainsi leur intention d’usage (Davis et Davis, 1989).
Deuxièmement, l’intérêt est le reflet de la perception
de l’utilité (Roche et al., 2018).
Enfin, le niveau de formation à la programmation préalable a un
impact sur les niveaux de perception et l’engagement professionnel, car
celle-ci permet aux participants de se retrouver dans un contexte familier (Fleitz, 2004).
Or, en tenant compte du fait que les groupes sont considérés comme
deux groupes distincts en post-formation, les caractéristiques initiales
s’avèrent impacter différemment l’évolution de
nos deux groupes. D’un côté, pour le groupe 1, les gains de
perception et d’intention d’enseignement de ces mêmes
variables révèlent une relation inversement proportionnelle avec
la caractéristique « intérêt ». Cela
signifie que les participants de ce groupe, qui avaient un fort
intérêt avant la formation, ont tendance à afficher une
évolution des perceptions et d'intentions d’usage moins importante.
Inversement, ceux qui possédaient un faible intérêt, ont vu
cette évolution s’accroître de manière plus
conséquante. Nous pouvons expliquer ce contact par les croyances du
participant (Heerink, 2010).
Ainsi, une personne, qui au départ a un fort intérêt et donc
des croyances vis-à-vis de la formation attendue, peut être
déçue car ses attentes ne sont pas atteintes. A l’inverse,
une personne, qui n’a aucun intérêt de départ et
aucune attente particulière, affiche une plus grande progression.
D’un autre côté, pour le groupe 2, tout comme pour le groupe
1, l’intérêt a une relation inversement proportionnelle avec
l’intention d’usage. Quant au niveau de formation et celui de la
maîtrise de l’outil, ils ont un impact positif sur le gain de la
perception d’utilisabilité. Ainsi ceux qui ont une meilleure
formation préalable et une plus grande maîtrise de l’outil,
affichent une meilleure progression dans leur perception de la facilité
de l’enseignement de la programmation. Donc, pour ce groupe, il semble
essentiel d’insister davantage sur ces deux caractéristiques lors
de la partie théorique de la formation.
5. Discussion
Les analyses relatives au profil de départ
(caractéristiques initiales, intentions d’enseignement et niveaux
de perception) montrent que nos deux groupes ont un même profil à
l’exception de leur formation préalable à la programmation.
Effectivement, lorsque nous consultons les contenus des deux cursus, nous
constatons une dissemblance au niveau de l’éducation au
numérique. Cependant, du point de vue technique, malgré les
différences de niveau, aucune difficulté de ce type n’a
été remarquée. Le travail de groupe, l’apprentissage
collaboratif ainsi que le suivi du formateur ont certainement permis
d’aboutir à ce résultat (Karsenti et Bugmann, 2017a).
Un participant « hostile » aura une perception
négative face à l’enseignement numérique, alors que
« l’enthousiaste » manifestera de
l’intérêt et considérera son utilité dans
l’apprentissage des élèves (Roche et al., 2018).
Dans notre expérimentation, les résultats au niveau des
perceptions et de l’intention d’enseignement étant moyens,
ils ne nous permettent pas de classer les participants dans une de ces
catégories mais bien dans une autre, à mi-chemin. Dès lors,
notre objectif est que tous nos candidats, quel que soit leur profil initial,
deviennent « enthousiastes ».
En ce qui concerne l’évolution des résultats, à
savoir le gain perçu au travers des variables « intention
d’enseignement », « perception de
l’utilité » et « perception de
l’utilisabilité », de manière
générale, nous observons un impact positif pour nos deux groupes.
En d’autres mots, grâce à la formation, les deux groupes
voient l’évolution de leur intention d’enseigner la
programmation au cours de leur future carrière et celle de leur
perception quant à sa facilité d’enseignement, augmenter de
manière similaire. Effectivement, la construction de la formation, tenant
compte de l’équilibre théorie-pratique (Timperley et al., 2007),
des stratégies d’enseignement de la programmation (Desjardins et al., 2018) et de la méthodologie de la formation (Caena, 2011), est
un atout central pour cette évolution. Cette dernière, bien que
positive pour nos deux groupes, affiche néanmoins une différence
d’intensité au niveau des perceptions : le groupe 2 progresse
davantage. La différence de progression constatée entre le groupe
1 et le groupe 2 peut être expliquée par le fossé entre
leurs croyances (issues de leur propre vécu scolaire depuis la maternelle
jusqu’en Haute École) et le contenu de la formation (Borko et Putnam, 1996), (Crahay et al., 2010), (Hollingsworth, 1989), (Kagan, 1992), (Richardson, 1996), (Richardson et Placier, 2001), (Vause, 2009). En
effet, à ce jour, dans les programmes de l’enseignement primaire la
programmation n'apparaît pas encore, elle n’est présente
qu’au niveau secondaire sous l’intitulé « cours
d’informatique ». Dès lors, nous supposons que les futurs
enseignants du primaire ne s’attendent pas à devoir enseigner cette
compétence ce qui peut fausser l’impact de la formation. D’un
autre côté, pour que les participants d’une formation voient
leur perception évoluer positivement il faut que le contenu ne soit pas
trop éloigné des pratiques acquises en formation initiale (Roche et al., 2018).
Pour les enseignants du primaire, il semble que la formation proposée ne
se rapproche pas suffisamment de leur formation initiale ; alors que pour
les enseignants de mathématiques du secondaire, le fossé semble
moins important. Ces éléments expliqueraient la différence
entre l’évolution des perceptions de nos deux groupes.
6. Conclusion
À l’heure où
l’enseignement en Fédération Wallonie-Bruxelles se situe
à un tournant majeur de son histoire avec l’entrée en
vigueur du Pacte pour un enseignement d’Excellence (FWB, 2017) et
l’apparition, notamment, d’un référentiel
numérique (FWB, 2019), Digital
Wallonia (Digital Wallonia, 2018) insiste fortement sur une intégration primordiale de
l’éducation au/par le numérique dès la formation
initiale des enseignants. Parmi ces compétences numériques, compte
tenu de l’impact positif de son intégration pédagogique (Karsenti, 2019), (Romero, 2016),
figure la programmation (Carretero et al., 2017), (Henry et Smal, 2018).
Il est donc primordial de repenser la formation initiale des enseignants, et
notamment celle des enseignants du primaire et des AESI mathématiques (Henry et Smal, 2018).
Partant du constat que plus de la moitié de la population belge joue
à des jeux vidéo et sachant que de nombreux chercheurs (Annart, 2019), (Tresse, 2012) mettent l’accent sur les bienfaits de l’utilisation de la
pédagogie vidéoludique en classe, nous avons choisi
d’utiliser, dans cette expérimentation, l’univers du
célèbre jeu Minecraft (Pateau, 2018).
A l’image de certains pays qui ont déjà
intégré cette compétence dans leurs programmes (Karsenti et Bugmann, 2017a),
nous soutenons qu’il est primordial de sensibiliser, initier et former les
différentes générations à la programmation. Ainsi,
tenant compte de leurs perceptions et leurs croyances, nous avons
dispensé une formation de six heures à 83 étudiants de deux
Hautes Écoles wallonnes. Celle-ci, respectait un équilibre entre
la théorie, la pratique, les connaissances pédagogiques et
didactiques de l’enseignement de la programmation (Timperley et al., 2007) et tournait autour de trois parties. La première retraçait le
contexte pédagogique relatif à la programmation, décrivait
l’outil Minecraft et ses possibilités pédagogiques. La
deuxième correspondait à la partie pratique, dans laquelle les
futurs enseignants vivaient les activités à la place des
apprenants. Enfin, la troisième et dernière partie constituait en
un débriefing au cours duquel chacun verbalisait son vécu à
travers la formation. Les perceptions jouant un rôle majeur dans
l’engagement professionnel (Heerink, 2010),
l’utilisation de deux questionnaires en, pré- et post-formation,
nous a permis de visualiser celles relatives à l’enseignement de la
programmation en vue de répondre à notre hypothèse :
l’administration d’une formation active et concrète des
futurs enseignants du primaire et de mathématiques du secondaire
inférieur relative à l’enseignement de la programmation, via
l’outil Minecraft : Education Édition, a un impact
similairement positif, sans tenir compte de leur profil de départ, sur
leur intention ainsi que sur leur perception de l’utilité et de
l’utilisabilité de son instruction.
Alors qu’en début de formation, nos deux groupes
présentaient le même profil concernant les deux niveaux de
perception et l’intention d’enseignement de la programmation, au
terme de la formation, l’analyse des nouveaux résultats indique que
nos deux groupes n’ont pas progressé de la même
manière. En tenant compte des résultats et des limites (relatives
au contexte de participation, à la formation et aux moyens personnels),
certaines adaptations devraient être faites. La formation devrait
s’organiser non pas sur une journée mais bien sur une plus longue
période (un quadrimestre ou deux) dans le cadre du cours de TIC. De plus,
elle devrait se focaliser davantage sur les croyances des enseignants du
primaire qui s’imaginent difficilement dispenser une telle matière.
Or, avec l’arrivée du nouveau référentiel
numérique, il est nécessaire de changer cette croyance. Enfin, au
niveau du contenu de la formation, nous varierions les outils numériques
(Minecraft, Scratch, Robot,...) ce qui permettrait d’installer un meilleur
équilibre théorique-pratique. Nous pourrions aussi inclure plus de
liens avec les pratiques existantes (collaborations avec intervenants externes,
observation) : nous maintiendrions les situations où les
participants expérimentent le jeu en se mettant à la place de
leurs élèves et nous y ajouterions une partie où ils
expérimenteraient cette activité en tant qu’enseignants,
lors de leur stage. Ces différentes expériences nourriraient la
réflexion demandée lors du débriefing, leur permettant
ainsi d’échanger avec le groupe.
Enfin, bien que les résultats ne puissent être
généralisés, ce retour d’expérience nous
permet de suggérer quelques pistes pour une meilleure évolution
des perceptions et de l’intention d’enseignement de la programmation
des futurs enseignants du primaire et de mathématiques. Une
première, serait d’étaler davantage cette formation sur
l’ensemble du cursus en y intercalant une période
d’expérimentation réelle (en stage ou lors de collaborations
entre école secondaire et le cours de AFP). Une seconde perspective
serait de dispenser cette même formation, mais dans le cadre des
formations continues, c’est-à-dire avec un public
d’enseignants expérimentés.
À
propos des auteurs
Charline
CARLOT, anciennement chercheuse au service IPN de l’université de
Mons, est actuellement technopédagogue à la cellule
pédagogique de la Commission Communautaire Francophone de Bruxelles.
Depuis plus de deux ans, elle s’intéresse à
l’intégration de numérique dans la formation initiale et
continuée des enseignants.
Adresse : Cellule pédagogique de
la COCOF, 1 Avenue Emile Gryzon, 1070 Anderlecht (Belgique).
Courriel : charline.carlot@hotmail.com
Audrey KUMPS est assistante sous mandat et doctorante au
service IPN de l’université de Mons. Institutrice de formation,
Audrey Kumps a enseigné dans une classe primaire pendant plus de 10 ans.
Elle a poursuivi sa formation en suivant le master en sciences de
l’éducation et en se spécialisant en technologie de
l’éducation. Travaillant depuis février 2017 à
l’Université de Mons (UMONS), elle a participé à une
réflexion sur l’intégration du numérique en contexte
scolaire pour le projet Pacte pour un enseignement d’Excellence de la
Fédération Wallonie-Bruxelles. Elle a également
occupé un poste de consultant pour la société Engie
Tractebel. Actuellement, Audrey Kumps est assistante à mandat au sein du
service d'ingénierie pédagogique et numérique
éducatif où elle contribue aux enseignements de base relatifs
à la pédagogie, à la didactique et à
l'intégration du numérique en contexte scolaire.
L’acquisition des compétences numériques, la didactique du
français, la formation des enseignants et plus particulièrement,
la recherche et le traitement de l’information hors et en ligne sont ces
principaux axes de recherches.
Adresse : Université de Mons,
Faculté de Psychologie et des sciences de l’éducation,
Service IPN, 18 Place du Parc, 7000 Mons (BELGIQUE).
Courriel : Audrey.KUMPS@umons.ac.be
Toile : https://www.researchgate.net/profile/Kumps_Audrey2
Bruno DE LIÈVRE est le chef du service IPN de
l’université de Mons. Depuis de nombreuses années, il a des
activités d'enseignement dans les domaines de la pédagogie et de
la didactique pour ce qui concerne la formation de base des étudiants de
la FPSE. S'il enseigne aussi la didactique du français langue maternelle,
ses domaines de spécialité sont centrés de manière
privilégiée sur les usages pédagogiques des technologies de
l'information et de la communication (e-learning, réseaux sociaux, MOOC,
mobile learning, formation à distance, e-portfolio, tablettes
numériques, TBI, etc..). C'est au niveau du Master en Sciences de
l'Éducation que les enseignements relatifs à l'usage des TICE sont
proposés. Bruno De Lièvre a aussi des activités de
recherche dans les domaines alliant la pédagogie et la didactique
associées (ou pas) aux technologies de l'information et de la
communication. En Sciences de l'Éducation, la Technologie de
l'Éducation est un domaine en interaction entre les moyens
pédagogiques et les outils technologiques. Les objectifs principaux dans
ce domaine de recherche sont de déterminer quelles sont les conditions
pour qu'un apprentissage efficace puisse avoir lieu : ce qui est
analysé est l'interaction entre les méthodes pédagogiques,
les outils technologiques et les intervenants du processus éducatif que
sont les enseignants et les apprenants essentiellement. De l'élaboration
à l'analyse des dispositifs technopédagogiques à leur
élaboration, l'éventail des activités de recherche couvre
l'ensemble de ce continuum. C'est un domaine en perpétuelle
évolution en raison des technologies sans cesse plus
évoluées (tablettes numériques, TBI, 4G, Web 2.0 (3.0),
...) qui conduisent à des pratiques pédagogiques en renouvellement
(MOOC, m-learning, hybridation des formations, ...) et qui interrogent les
personnes en interaction dans ces dispositifs (activités collaboratives,
travail à distance, peer-evaluation, ubiquité, ...).
Adresse : Université de Mons,
Faculté de Psychologie et des sciences de l’éducation,
Service IPN, 18 Place du Parc, 7000 Mons (BELGIQUE).
Courriel : Bruno.delievre@umons.ac.be
Toile : https://www.researchgate.net/profile/Bruno_De_Lievre
RÉFÉRENCES
Annart, J. (2019). Jeux
vidéo et éducation. Ateliers de pédagogie
(vidéo)ludique. Centre Ressources Illettrisme (CRI).
Archambault, J-P. (2015). Enseigner la discipline
informatique avec un Capes et/ou une agrégation d’informatique. Revue de l’association EPI, 179, 1–3.
Bandura, A. (1997). Auto-efficacité : Le
sentiment d'efficacité personnelle. De Boeck.
Barroso da Costa, C. et Loye, N. (2016).
L’engagement professionnel affectif chez les nouveaux enseignants du
primaire et du secondaire : une étude canadienne. Revue des
sciences de l’éducation, 42(3), 1–35. Disponible sur internet.
Bernard, R. M., Abrami, P. C., Lou, Y., Borokhovski, E.,
Wade, A., Wozney, L. Wallet, P. A. Fiset, M. et Huang, B. (2004). How Does
Distance Education Compare With Classroom Instruction? A Meta-Analysis of the
Empirical Literature. Review of Education Research, 74(3),
379-439. Disponible sur internet.
Borko, H. et Putnam, R. (1996). Learning to Teach. Dans
D. Berliner et R. Calfee (dir.), Handbook of Educational Psychology (p.
673-708). MacMillan.
Caena, F. (2011). Literature review. Quality in
teachers’ continuing professional development. Commission
européenne.
Caron, J. et Portelance, L. (2017). La collaboration
entre chercheuse et praticiens dans un groupe de codéveloppement
professionnel. Education et socialisation, 45.
Carretero, S., Vuorikari, R. et Punie, Y. (2017). DigComp 2.1: The Digital Competence Framework for Citizens - With eight
proficiency levels and examples of use. Publication Office of the European
Union. Disponible sur internet.
Cloâtre, S. (2018, 2 janvier). Minecraft in the
classroom: conquering new educational territories ..., Disponible sur internet.
Cohen, J. (1988). Statistical Power Analysis for the
Behavioral Sciences (2nd ed.). Lawrence Erlbaum Associates.
Crahay, M., Wanlin, P., Issaieva, E. et Laduron, I.
(2010). Fonctions, structuration et évolution des croyances (et
connaissances) des enseignants. Revue Française de Pédagogie,
172, 85–129.
Davis, F. D. et Davis, F. (1989). Perceived Usefulness,
Perceived Ease of Use, and User Acceptance of Information Technology. Management Information Systems Quarterly, 13(3), 319–340.
Desjardins, A., Tran, A et Girard, M-A. (2018, 22 mai). Codage, programmation et robotique. Disponible sur internet.
De Poortere, C. (2017, 7 juillet). Les enfants, le
code et l'informatique : propagande et réalité. Disponible sur internet.
Digital Wallonia (2018). Baromètre Digital
Wallonia – Education et Numérique 2018 : infrastructure,
ressources et usages du numérique dans l’éducation en Wallonie
et à Bruxelles. Agence du numérique.
Duguet, A. et Morlaix, S. (2017). Perception des TIC par
les enseignants universitaires : l’exemple d’une
université française. Revue internationale des technologies en
pédagogie universitaire, 14(3), 5–16.
Fleitz, T. (2004). Formation continue et transformation
des pratiques enseignantes : le rapport à la formation. Savoirs : La vie adulte en question, 1(4), 79–97. Disponible sur internet.
Freidman, I. et Kass, E. (2002). Teacher self-efficacy: A
classroom-organization conceptualization. Teaching and Teacher Education,
18(6), 675–686. Disponible sur internet.
Fédération Wallonie-Bruxelles. (2017). Pacte pour un enseignement d’Excellence : Avis N°3 du groupe
central. Ministère de la Fédération
Wallonie-Bruxelles.
Fédération Wallonie-Bruxelles (2018). Stratégie numérique pour l’éducation.
Ministère de la Fédération Wallonie-Bruxelles.
Fédération Wallonie-Bruxelles (2019). Pacte : Charte des référentiels. Ministère de
la Fédération Wallonie-Bruxelles.
Gérard, F.-M. (2003). L'évaluation de
l'efficacité d'une formation. Gestion 2000, 20(3), 13-33.
Guardiola, C. (2014). Apprendre à coder, un effet
de mode ou un enjeu de société ? Revue de
l’association EPI, 168, 1–3.
Hattie, J. (2012). Visible learning: a synthesis of
over 800 meta-analyses relating to achievement. Routledge.
Heerink, M. (2010). Assessing acceptance of assistive
social agent technology by older adults: the almere model. International
journal of social robotics, 2(4), 361–375.
Henry, J. et Smal, A. (2018). Et si demain je devais
enseigner l’informatique ? Le cas des enseignants de Belgique
francophone [communication]. Colloque Didapro 7 – DidaSTIC. De 0
à 1 ou l’heure de l’informatique à
l’école, Lausanne.
Herry, Y. et Mougeot, C. (2007). Recherche en
éducation en milieu minoritaire francophone. Presses de
l’Université d’Ottawa.
Hollingsworth, S. (1989). Prior beliefs and cognitive
change in learning to teach. American Educational Research Journal,
26(2), 160-189.
Karsenti, T. (2019, 29 mai). 12 raisons
d’apprendre à coder à l’école. Disponible sur internet.
Karsenti, T. et Bugmann, J. (2017). Transformer
l’école avec Minecraft ? Résultats d’une
recherche menée auprès de 118 élèves du
primaire. CRIFPE.
Karsenti, T. et Bugmann, J. (2017). Pourquoi apprendre
à coder à l’école ? Apprendre et enseigner
aujourd’hui, 7(1), 33–36.
Laird, B. (2019, 25 juin). Translating Professional
Development into Practice. [Vidéo]. Youtube. Disponible sur internet.
Roche, D., Higuera, C. et Michaut, C. (2018). Enseigner
la programmation informatique : comment réagissent les professeurs des
écoles ? Notes du CREN, 27, 1–7.
Merchin, A. (2017, 14 juin). Le code informatique
permet à l’enfant d’apprendre à apprendre. Disponible sur internet.
Muller, F. (2018). Des enseignants qui apprennent, ce
sont des élèves qui réussissent. ESF.
Nair, I. et Mukunda Das, V.
(2012). Using Technology Acceptance Model to assess teachers' attitude towards
use of technology as teaching tool: a SEM Approach. Internal Journal
of Computer Applications, 42(2), 1–4. Disponible sur internet.
Pateau, F. (2019, 15 juin). Minecraft compte toujours
plus de joueurs mensuels que Fornite. Disponible sur internet.
Rey, J. et Coen, P-F. (2012). Évolutions des
attitudes motivationnelles des enseignants pour l’intégration des
technologies de l’information et de la communication. Formation et
profession, 20(2), 19–32. Disponible sur internet.
Richardson, V. (1996). The role of attitudes and beliefs
in learning to teach. Dans J. Sikula (dir.), Handbook of research on teacher education (p. 102-119). Macmillan.
Richardson, V. et Placier, P. (2001). Teacher change.
Dans D.V. Richardson (dir.), Handbook of research on teaching (p.
905–950). American Educational Research Association.
Romero, M. (2016). De l’apprentissage
procédural de la programmation à l’intégration
interdisciplinaire de la programmation créative. Formation et
profession, 24(1), 87–89. Disponible sur internet.
Singh Rajput, J. (2000). La formation des enseignants.
Revue internationale d’éducation de Sèvres, 25,
41–51. Disponible sur internet.
Timperley, H., Wilson, A, Barrar, H. et Fung, I. (2007). Teacher Professional Learning and Development Best Evidence Synthesis.
Ministry of Education. Disponible sur internet.
Tresse, J. (2012, 15 juillet). Enseigner avec les jeux
vidéo : vers une pédagogie vidéoludique ? Disponible sur internet.
Vause, A. (2009). Les croyances et connaissances des
enseignants à propos de l’acte d’enseigner. Vers un cadre
d’analyse. Les cahiers de recherche en éducation et formation,
66.
Vincent, J-M. (2018). L’informatique
débranchée : Le numérique sans ordinateur :
activités de découverte. Collection Tangente –
Education.
1 L’ensemble des
activités est accessible sur le Pearltrees de Charline44442
2 Par convention, il existe
différentes balises pour qualifier l’intensité d’une
relation entre deux variables (Cohen, 1988).
|