1. Le dictionnaire, instrument pour la construction d’une
référence commune
La recherche sur les
environnements informatiques pour l’apprentissage humain (EIAH) est, comme
toutes les activités scientifiques contemporaines, largement
internationale. La langue dominante de communication est l’anglais. Elle
est aussi la langue de travail des projets internationaux, notamment dans la
communauté européenne, alors que les recherches sont
pensées et conduites dans les langues nationales des différents
pays. Par ailleurs, la recherche sur les EIAH est par nature pluridisciplinaire.
Elle ne peut progresser que par l’intégration profonde de plusieurs
disciplines que l’on peut, dans une forme de raccourci, identifier
à l’informatique et aux sciences humaines. Au sein de chacune, il
s’agit de plusieurs spécialités qui elles-mêmes
diffèrent par leurs concepts et leurs méthodes. Ces deux
caractéristiques, internationalisation et pluridisciplinarité,
sont à la source de ce qui est le plus souvent repéré comme
un problème de communication, mais qui est en fait bien plus critique que
cela. Les difficultés rencontrées lors des échanges
(collaborations, exposés, articles) ne sont pas que des
« problèmes de mots » et de maîtrise
d’une forme discursive, ce sont aussi celles que soulève la
circulation des concepts d’une langue à l’autre, d’une
discipline à l’autre ; en d’autres termes, il
s’agit de la question du sens et de la capacité à le
partager au-delà des barrières linguistiques et
disciplinaires.
De façon plus large, depuis les débuts de
l’expérience des projets de recherche collaborative dans le cadre
des programmes de la communauté européenne, les problèmes
soulevés par la pluridisciplinarité, par l’éclectisme
des problématiques et de leurs fondements épistémologiques
étaient manifestes et assez généralement reconnus. La
création du réseau d’excellence Kaléidoscope
(2004-2007) dans le cadre du 6e Programme Cadre de recherche et
développement (PCRD) relevait le défi de saisir frontalement ces
problèmes. En affichant l’objectif partagé de rechercher la
convergence sur les « Concepts and methods for exploring the future
of learning with digital technologies », ce réseau
affirmait un objectif ambitieux : « The role of Kaleidoscope
is to overcome this complexity by addressing it directly in search of a common
ground, a shared theoretical and methodological framework beyond disciplinary
specificities, but clearly and firmly rooted in the disciplines » (Collectif, 2003, p. 6).
Les nombreuses équipes du réseau appartenaient à des
traditions et des organisations de la recherche très diverses. Nombre
d’entre elles n’avaient pas encore eu d’occasions de
collaborer. Aussi la priorité a-t-elle été donnée,
lors du lancement du réseau, à la création de relations
scientifiques par le moyen de projets communs limités, mais concrets. Les
efforts et l’énergie nécessaires à cette construction
ne permirent pas d’engager d’emblée le travail au cœur
de l’objectif fondateur1.
Coordinateur du réseau, constatant la difficulté à
susciter les échanges aux niveaux théorique et
méthodologique, j’ai pris l’initiative de mettre
l’accent sur une approche pragmatique partant des textes des publications
pour identifier les mots et expressions de la recherche, faire leur inventaire
et poser la question de leurs définitions,
c’est-à-dire questionner la nature des concepts auxquels elles
renvoient. Il s’agissait de mettre en évidence la diversité
des significations selon les disciplines et les cultures scientifiques, et celle
de la richesse lexicale spécifique de la recherche sur les
« Technology Enhanced Learning » (TEL). Ainsi
pourrait-on toucher du doigt les points de convergence et de divergence entre
les problématiques, les concepts, les méthodes et les pratiques en
incluant la complexité liée à la diversité des
disciplines et des langues. La constitution de ce lexique multidisciplinaire et
international n’était donc pas une fin en soi mais une proposition
tactique, dont la visée était d’initier la construction
d’un socle scientifique de référence à la fois
explicite, divers et collectif.
La première pierre de ce projet fut la constitution d’un
entrepôt de publications, disponibles en libre accès, issues des
travaux des équipes membres du réseau Kaléidoscope. La
deuxième phase fut de réaliser l’inventaire des termes de ce
corpus et de leurs relations telles que leur coprésence dans les textes
les suggère. La phase finale a consisté en la rédaction
d’un dictionnaire pour un échantillon de termes les plus
significatifs, en laissant à un projet futur la tâche de le
compléter. Cette dernière phase, visant à apporter
« une preuve de concept », a été pour une
large part réalisée dans le cadre du réseau
d’excellence STELLAR du 7e PCRD. Le produit encore
inachevé est le « dictionnaire EIAH » accessible sur
le site de l’Association des Technologies de l’Information pour
l’Éducation et la Formation (ATIEF, http://atief.fr/).
La suite de cet article présente les réalisations de ces
différentes phases. Au préalable, les sections 2 et 3 abordent
respectivement le cas particulier et emblématique du nom du domaine, puis
le problème de la définition, affirmé comme l’un des
requis du développement scientifique. Les sections 4 et 5
décrivent la construction du corpus des termes, le prototype du
thésaurus et enfin la construction du dictionnaire.
2. Jalons d’une histoire, le nom du domaine
Le nom d’un domaine de recherche tient une
place bien particulière dans son vocabulaire, il est une
métadonnée indispensable à son identification dans le champ
scientifique et à celle de ses produits, notamment les publications. Son
histoire reflète ses évolutions internes comme celles de ses
relations avec son environnement institutionnel et social. Ainsi,
l’expression « Environnements informatiques pour
l’apprentissage humain » (EIAH), aujourd’hui largement
utilisée en France, a-t-elle succédé à
d’autres désignations pour refléter l’évolution
de son contexte, notamment technologique, ou pour des besoins de structuration
interne. C’est un peu de cette histoire qui est décrite dans les
lignes qui suivent, en précisant les principaux jalons qui illustrent la
complexité et la diversité des influences qui orientent
l’évolution de la recherche.
Le nom du domaine dans lequel nous nous inscrivons aujourd’hui a son
origine dans la restructuration de la recherche en informatique et
mathématiques appliquées à Grenoble. Dans ce contexte,
l’enjeu pour l’équipe, qui avait alors pour nom
« Didactique et technologies cognitives en
mathématiques », était d’affirmer clairement
l’articulation de la recherche en informatique, alors essentiellement
représentée par le projet Cabri-géomètre (Laborde, 2003),
et de la recherche sur l’enseignement et l’apprentissage, alors
essentiellement représentée par la didactique des
mathématiques. Le choix s’est porté sur
« Environnements informatiques d’apprentissage
humain »2, permettant
une meilleure lisibilité de l’orientation scientifique pour la
communauté informatique sans pour autant se détacher des sciences
cognitives en plein développement à l’époque. Le
qualificatif « humain » permettait en outre de se distinguer
de l’apprentissage machine. Quant à
« environnement » il permettait une ouverture assez large
pour inclure des projets logiciels, d’ingénierie didactique ou des
problématiques d’enseignement à distance.
L’introduction de la préposition « pour » est apparue un peu plus tard, sur une
suggestion de Monique Baron, corrigeant la formulation initiale maladroite.
Outre un équilibrage renforcé entre les disciplines, cette
préposition fait clairement apparaitre le problème
scientifique : créer les connaissances et les méthodes pour
concevoir, réaliser et utiliser des environnements informatiques pour susciter, accompagner et évaluer des apprentissages humains.
L’expression « Environnements informatiques pour
l’apprentissage humain » est reprise en 1997 dans une
contribution collective au colloque PRC IA de Grenoble (Balacheff et al., 1997).
Dans les années 90, en France, la recherche était
organisée en deux grands pôles. D’une part, la
communauté « Environnements interactifs
d’apprentissage avec ordinateur »
(EIAO3) et, d’autre part, la
communauté « Hypermédias et
apprentissages ». Des chercheurs en informatique,
éducation, psychologie et didactique participaient aux deux
communautés avec une coloration informatique plus forte du
côté de l’EIAO, et une coloration recherche en
éducation plus forte du côté de
« Hypermédias et apprentissages ». La
séparation de ces deux communautés avait pour conséquence
une dispersion des forces qui affaiblissait la lisibilité du domaine pour
les institutions. Le rapprochement s’est concrétisé,
à l’initiative de l’ATIEF, par la fusion de la
conférence « Hypermédias et
Apprentissages » et des « Journées
Environnements Interactifs d’Apprentissage avec Ordinateur »
en une conférence commune, « Environnements Informatiques
pour l’Apprentissage Humain », dont la première
édition a été organisée à Strasbourg en 2003
(http://archiveseiah.univ-lemans.fr/EIAH2003). L’ambition était
clairement fondatrice :
« Cette dynamique de rassemblement scientifique porte une
ambition qui va plus loin que la fusion des participants et des
problématiques. Avec cette nouvelle conférence, construite sur les
expériences et les acquis des conférences d’origine, il
s’agit tout d’abord de bâtir les contours d’un domaine
nécessitant des recherches spécifiques que ne peuvent conduire
chacune des disciplines qui contribuent à ses travaux (didactique des
disciplines, informatique, psychologie cognitive, sciences de
l’éducation, sciences de la communication, etc.). » (Desmoulins et al., 2003)
L’expression « Environnements informatiques pour
l'apprentissage humain » n’a pas de correspondance
immédiate parmi les désignations du domaine en anglais. Bien que
la traduction « Informatic environments for human
learning » soit correcte, son adoption par la communauté
internationale est peu probable. Un équivalent possible serait
« Computer-based learning environment » dont la
signification littérale a quelque proximité avec celle
d’EIAH : « [it] refers to a broad array of uses of
technology that are aligned with theories that support learning » (Lajoie et Naismith, 2011, p. 716) ;
cependant, l’accent mis sur l’usage laisse de côté la
part de recherche informatique ou technologique propre au domaine. En fait,
comme pour les autres termes de la recherche, il s’agit moins de traduire
que de trouver dans le vocabulaire anglo-saxon les désignations qui
correspondraient le mieux à EIAH ; en tout cas, il est
nécessaire de trouver un appariement meilleur que celui proposé
par Wikipedia qui, pour son équivalent en anglais, redirige la page
« Environnements informatiques pour l’apprentissage
humain »
vers la page « Intelligent Tutoring
Systems »4.
Les dénominations dominantes dans le monde anglophone sont :
« Educational Technology » ou
« Instructional Technology » aux Etats-unis et en
Australie, « Learning Technology » en Grande-Bretagne
et « Technology Enhanced Learning » en Europe. Ces
expressions ont une signification assez large, il en existe d’autres pour
des thématiques plus spécifiques (par ex. Artificial
Intelligence in Education – AIED, Intelligent Tutoring Systems – ITS, Learning Analytics and Knlowledge – LAK, Computer
supported collaborative learning – CSCL, Mobile Learning – ML).
La plus ancienne association aux Etats-Unis, « Association for
Educational Communication and Technology » (AECT), a une tradition
de veille sur la terminologie du domaine et notamment reconsidère
régulièrement sa définition et son nom. Ainsi a-t-elle
décidé en 2008 d’abandonner la dénomination
« Instructional technology » pour revenir à
« Educational Technology » (Hlynka, 2013, p. 103).
Cette décision ne fait pas l’unanimité (Lowenthal et Wilson, 2010).
Il est en particulier remarqué que si les deux expressions sont
utilisées de façon interchangeable, « Educational
Technology » renverrait plutôt à l’enseignement
(de la maternelle à la fin du lycée) alors que
« Instructional Technology » serait plus
générique en couvrant éducation et formation (Lowenthal et Wilson, 2010, p. 41).
Mais surtout, cette dernière apparait plus fréquemment dans les
profils de postes et dans le libellé des cursus universitaires (ibid.) La
critique du changement de nom ne se fait donc pas essentiellement sur le terrain
de la recherche, mais sur celui de la lisibilité pour le monde
extérieur. Elle ouvre la discussion sur d’autres
possibilités, notamment :
« We are not arguing necessarily for the adoption of one label
over another. While there are a growing number of people who recommend adopting
a label that includes the word “learning” —such as
“Learning Design”— there are others like Reiser and colleagues (e.g., Reiser, 2007) who have for years made a compelling case for the label instructional design and
technology. » (Lowenthal et Wilson, 2010, p. 54)
Le terme « learning » a été mis en
avant dans le discours de la recherche européenne très tôt
dans les années 2000. Ainsi, l’expression « Technology
Enhanced Learning » (TEL), utilisée communément en
Europe, est apparue lors du lancement du 6° PCRD de la Communauté
européenne. Le document support de la journée d’information
sur ce programme, le 5 décembre 2002 à Luxembourg,
l’introduit discrètement :
« Under the 6th RTD Framework program (FP6), the Technology
Enhanced Learning (e-learning) has been set as strategic objective in the
thematic priority “Information Society Technologies” of the Specific
Program “Integrating and Strengthening the European Research Area”.
The text of the FP6 specifies that “Work on eLearning will focus on
personalised access to, and delivery of, eLearning as well as on advanced
learning environments at school, university and in the workplaces that take
advantage of the development of ambient intelligence.” » (European Commission 2002, p. 32).
TEL apparait donc comme un synonyme de e-learning (ou eLearning). Pourtant, l’objectif de la nouvelle dénomination
est de donner un signe politique fort avant d’être scientifique. Il
s’agit d’infléchir la recherche dans une direction mettant en
avant l’apprentissage pour des décideurs politiques peu convaincus
par les avancées du e-learning (trop focalisées sur les
ressources). La recherche « centrée apprenant »
était alors une injonction en écho au mot d’ordre de la fin
des années 90 : « mettre l’élève au
centre du système éducatif ». À la fin du 6°
PCRD, le nouveau nom du domaine est largement adopté. Sa signification
n’est pas très précise, mais se cherche dans une direction
cohérente avec l’orientation à l’origine du consensus
en France sur l’expression EIAH. Ainsi Pat
Manson5 affirme-t-elle en
2007 :
« Technology-enhanced learning may not flow readily off the
tongue or be easily translated as a brand name, but it very consciously reflects
what it is: Using ICT to secure advancement in learning. [...] Technology
Enhanced Learning combines but places equal emphasis on all three elements
– on technologies, on learning and on enhancement or improvements in
learning. » (Manson, 2007)
« Technology Enhanced Learning » n’a donc pas son
origine dans une réflexion de la communauté scientifique sur sa
propre évolution, mais dans la volonté politique de la Commission
européenne d’infléchir l’orientation de la recherche
et de l’innovation. L’accent mis sur l’apprentissage
(learning) est toutefois cohérent avec l’évolution du
domaine et avec le choix fait par la communauté française. TEL est
ainsi un bon candidat pour un appariement dans le vocabulaire anglophone avec
EIAH.
Le choix du nom du domaine, c’est-à-dire la clarification et
l’affirmation de son identité, est un acte fondateur difficile,
complexe et souvent source de tension. Il est nécessaire d’une part
pour situer le domaine dans l’ensemble du champ scientifique et
relativement aux organisations qui le structurent. Il est aussi
nécessaire à sa structuration interne. Plus largement, ce travail
de définition et de dénomination doit être entrepris pour
l’ensemble des concepts que la recherche forge, souvent de façon
originale, pour avancer dans son travail de connaissance.
3. Définir, un acte nécessaire au développement
scientifique
3.1. Complexité et enjeux de la langue
La recherche sur les EIAH implique des prises de
positions épistémologiques, théoriques ou philosophiques
marquant un rapport aux savoirs, une conception de l’apprentissage voire,
plus généralement, une vision de l’éducation.
Qu’ils soient explicites ou non, conscients ou non, ces positionnements se
manifestent lors de la présentation des problématiques ou de
l’argumentation pour affirmer l’intérêt des approches
et de leurs résultats. Ainsi la maîtrise de la langue naturelle et,
dans une certaine mesure, celle de la rhétorique jouent-elles un
rôle important dans ce domaine qui, au moins dans son état actuel,
ne dispose pas de cadres théoriques ou de modèles assez
formalisés ni de méthodes suffisamment normalisées. Par
ailleurs, poussée par la technologie et tirée par le marché
ou la demande des politiques publiques, la recherche doit intégrer des
courants de pensée et développer des stratégies
d’adaptation rapide, qui se traduisent notamment par des évolutions
et une instabilité du vocabulaire qui rendent plus fragile la
construction scientifique. L’irruption des MOOC, produit technologique et
innovation institutionnelle (voire pédagogique), en est un exemple
particulièrement évident. Elle a, par exemple, propulsé sur
le devant de la scène médiatique et scientifique les mots
clés « connectivisme », « learning
analytics », « classe inversée », et
suscité un effet de priorité dans les choix et les soutiens
institutionnels.
Les mots clés sont des marqueurs significatifs de l’histoire de
la recherche sur les EIAH. Des mots tels que « tuteur »,
« micromonde », « e-learning »,
« jeux sérieux » ou « MOOC » se
sont imposés à diverses époques pour exprimer
l’orientation de programmes scientifiques nés sous des impulsions
diverses qui vont des avancées de l’informatique
— l’intelligence artificielle — à des espoirs
économiques — l’émergence d’un
modèle de formation massif et ouvert. Des thèmes de recherche sont
renouvelés au fil de ces évolutions, comme celui de la prise en
compte de l’apprenant auquel renvoient successivement des expressions
telles que « modélisation de
l’apprenant », « fouille de données
éducatives », « learning
analytics ». Chacune marque une évolution, sans cependant
être accompagnée de la disparition de ce qui existait
jusque-là : « modélisation de
l’apprenant » s’appuyait sur des modèles que
l’on pourrait qualifier de psychologiques, « fouille de
données éducatives » reflétait la reconnaissance
du progrès des techniques d’analyse exploratoire des
données, enfin « learning analytics » importe
dans le champ de l’éducation des techniques d’analyse de
grands ensembles de données (corpus d’usage, traces massives) qui
font leurs preuves ailleurs. Dans ces deux derniers cas, les relations entre le
nouveau et l’ancien terme ne sont pas clairement précisées.
Alors que la « fouille de données éducatives »
se trouve dans le fil du développement de la recherche sur les tuteurs
intelligents (Bourdeau et Grandbastien, 2011, p. 4),
les « learning analytics » marquent l’impact
sur la recherche en EIAH d’avancées dans des domaines assez
éloignés, mais centrés sur l’utilisateur humain, tel
le commerce
électronique (Balacheff et Lund, 2012).
Un très grand nombre de termes, ont été forgés
dans le contexte de la recherche anglophone. Certains ont été
traduits, certains ne l’ont pas été, d’autres enfin
ont été importés mais cohabitent avec une traduction. Ainsi « educational data mining » est-il traduit par
« fouille de données éducatives »,
thème par exemple de la Journée EIAH & IA 2015. Au contraire,
la traduction de « overlay », terme qui
désigne une approche particulière de la modélisation de
l’apprenant dans les « tuteurs intelligents » (Carr et Goldstein, 1977),
par « expertise partielle » proposée par (Vivet et Nicaud, 1988),
bien qu’elle soit fidèle à la définition originelle,
ne sera pas adoptée. En revanche, « serious
game » et sa traduction « jeux
sérieux » cohabitent dans le vocabulaire francophone comme en
atteste le sommaire du numéro spécial « Evaluation dans
les jeux sérieux » de la revue STICEF (volume 21, 2014),. Cette
cohabitation semble relever d’une tendance assez fréquente de
préférer l’anglicisme sans qu’il y ait de
justification sémantique. Il n’en va pas de même de la
cohabitation dans l’usage du terme « e-learning » avec sa traduction
« formation en ligne » entrée dans la terminologie
française en 20056 (Journal officiel, 2005).
L’origine de cette cohabitation serait plutôt à rechercher
dans l’acception très générale de l’expression
« formation en ligne » qui inclut des catégories
difficilement acceptées sous le terme e-learning, par exemple
celle des MOOC. Cette situation soulève la question de ce que serait une
définition précise de « e-learning » qui distinguerait ce terme de celui de « formation en
ligne ». L’analyse de la littérature anglophone (Moore et al., 2011) atteste à la fois de la grande variété de
définitions disponibles et de l’impossibilité de donner une
définition les incluant toutes qui ne serait pas finalement trop
générale (Sangrà et al., 2012).
Le terme e-learning est donc polysémique, ce qui est rare dans la
pratique scientifique, mais peut être toléré si à une
définition particulière peut être associée une
problématique précise et spécifique.
Le problème de la traduction n’a véritablement
d’importance que si l’origine, la raison d’être et le
choix des termes jouent un rôle effectif dans la pratique scientifique. Un
exemple en mathématique, quoiqu’anecdotique, est
éclairant : le terme « corps » est
utilisé en français pour désigner une structure
algébrique forte dont la traduction pour les mathématiciens
anglophones n’est pas « body » mais « field », écart étrange que seule
explique la « petite » histoire du concept et celle de sa
dénomination7. Mais cet
écart importe peu dans la pratique ; en effet, le couplage
explicite, technique et précis entre termes et définitions permet
en mathématique un appariement rigoureux entre les termes des
différentes langues. Il n’en va à l’évidence
pas de même pour la recherche en EIAH. Le locuteur francophone prend
particulièrement conscience de cette situation lorsqu’il souhaite
s’exprimer dans une autre langue que la sienne, le plus souvent
l’anglais. Cela vaut a priori pour d’autres langues sources,
cependant toutes n’ont pas la même politique. Les universitaires
hollandais, par exemple, considèrent l’anglais comme leur langue
(naturelle) de travail, ainsi cette langue est-elle utilisée pour la
rédaction des thèses.
Si l’anglais est devenu la lingua franca du domaine, il ne
s’agit pas — ou pas simplement — de la conséquence
d’une forme d’impérialisme comme on le suggère
parfois. Trois autres raisons doivent être évoquées :
(i) l’antériorité et le nombre significatif des travaux sur
le continent américain - voir à ce sujet (Bruillard, 1997),
(ii) la productivité de la recherche anglo-saxonne dans le sillage du
développement académique, industriel et économique de
l’informatique et en particulier de l’intelligence artificielle,
(iii) le contexte institutionnel et professionnel de l’enseignement ou la
formation plus favorable aux relations entre recherche, industrie et usages.
L’enjeu de la langue n’est pas qu’une question de mots,
comme on l’entend trop souvent affirmé, mais celui de
l’expression et de la circulation du sens. C’est un enjeu
scientifique car seules les problématiques, les modèles et leurs
fondements théoriques précisément explicités et les
mots précisément définis permettent le progrès de la
connaissance par l’examen critique des résultats, le débat
sur leur validité et finalement leur indispensable capitalisation. La
nature et l’importance scientifique des problèmes de langue sont
révélées lors de l’expression dans une langue
différente de la langue de travail du locuteur, notamment à des
fins de publication. C’est donc aussi un enjeu de politique scientifique
parce que la maîtrise de la langue est un élément
déterminant de l’intégration dans la communauté
scientifique. On peut pourtant relever le peu d’appétence pour
traiter ces problèmes — et ce n’est pas une
spécificité française ou francophone — comme en
témoigne cette conclusion d’une étude sur l’importance
des différences de signification entre les termes « e-Learning », « online
learning » et « distance learning
environments » :
« The findings show great differences in the meaning of
foundational terms that are used in the field, but also provide implications
internationally for the referencing, sharing, and the collaboration of results
detailed in varying research studies. » [...] « The lack of
consistency in terminology inevitably affects not only the researchers who would
like to build upon the findings, but also impacts designers who are creating
similar types of environments. Terminology also poses a problem when the
specific context of the learning environment is not described in sufficient
detail or when its identification is not very prominent in both the discussion
of the methods and the other sections of the paper » (Moore et al., 2011, p. 134).
3.2. Note sur la réticence à définir
L’idée de s’astreindre à définir les termes
du vocabulaire de la recherche sur les EIAH et de les utiliser, sauf à
justifier une évolution ou un rejet, est considérée avec
réticence par de nombreux chercheurs. Cette défiance
reflète la perception d’un risque attaché au travail
définitoire, ou plus largement à la formalisation des
connaissances et des théories. Cela ne signifie pas que ce travail soit
ignoré, mais il n’est conçu que dans le cadre local de
projets spécifiques et non comme une entreprise collective qui lierait
les chercheurs entre eux en créant une obligation d’usage et de
référence. Il est tout à fait plausible qu’il
s’agisse là d’une réaction protectrice pour
échapper au dogmatisme ou à l’orthodoxie dont Edgard Morin (Morin, 1991, p. 129-sqq) rappelle qu’elles sont des tendances humaines naturelles. Il est vrai que
l’usage de certaines références prend parfois une allure
d’allégeance à une doxa ; ce fut largement le cas pour
le constructivisme qui a dominé la recherche au siècle
dernier, le plus souvent pour invoquer une perspective ou un cadre
général de pensée (l’apprenant construit sa
connaissance) sans entrer dans la complexité de ses concepts
spécifiques et de ses modèles.
Moins qu’une défiance, ce peut être un manque
d’intérêt qui tient au grand écart que doivent
gérer les projets entre recherche scientifique et innovation
technologique. En effet, la recherche sur les EIAH a les caractéristiques
d’une recherche fondamentale qui a pour but de contribuer à
accroitre la connaissance sur l’apprentissage et l’enseignement (ou
la formation) et celles d’une recherche
« visionnaire » qui explore les voies qui permettront de
produire des technologies innovantes pour apprendre et enseigner plus
efficacement. Il y a dans cette activité une part d’invention dont les sources sont des idées, des intuitions, des convictions aux
origines multiples soutenues par des arguments dont la force tient moins
à la rigueur des méthodes et à la solidité des
théories qu’à la réussite revendiquée des
réalisations. C’est d’ailleurs cette invitation à
l’innovation qui domine le discours accompagnant les appels à
projets européens qui, pour une grande part, tirent la recherche par les
opportunités de financements importants qu’ils offrent. Il en va de
même pour les appels à projet de l’Agence nationale de la
recherche (ANR). La politique de financement de ces institutions pousse la
recherche en EIAH au-delà de la distinction classique entre recherche
fondamentale et recherche appliquée, vers la
recherche-développement (R&D). Cette compétition, alors que
les fondements et les outils sont peu assurés, a pour effet de favoriser
les courants et les modes accompagnés de la création rapide de
journaux et workshops avec leurs vocabulaires propres comme marques
distinctives. La formalisation et l’approfondissement des cadres
théoriques et des modèles apparaissent, dans ce contexte, moins
importants que des indicateurs de l’efficacité potentielle des
technologies proposées et ceux de la rapidité avec laquelle elles
« vont » sur le marché. Au fond, comme le remarque
Moore à propos de la définition de e-learning :
« What is abundantly obvious is that there is some uncertainty
as to what exactly are the characteristics of the term, but what is clear is
that all forms of e-Learning, whether they be as applications, programs,
objects, websites, etc., can eventually provide a learning opportunity for
individuals. » (Moore et al., 2011, p. 130).
En d’autres termes, ce qui importe n’est pas le discours qui
accompagne les technologies d’apprentissage, mais l’évidence
de leur utilité. On peut concevoir que cela suffise lorsque le discours a
pour principale fonction de permettre de situer un projet, de le relier à
d’autres, ou de convaincre de son caractère innovant ou de son
efficacité. Ce ne l’est plus lorsque le discours a une valeur
d’usage et non d’échange, c’est-à-dire
lorsqu’il permet l’analyse critique, le jugement de validité,
la reprise des concepts ou des méthodes, qu’il s’agisse de la
conception, de la réalisation ou des usages. Les mots sont alors des
outils. Leurs définitions sont nécessaires pour, en quelque sorte,
en objectiver le sens et le discuter en référence à leurs
utilisations dans la construction de modèles, de théories ou dans
la prétention de résultats. Cette explicitation est indispensable
pour mettre en relation les travaux, examiner la réalité de
progrès et constituer un socle sur lequel la recherche peut avancer. Dans
la construction de la connaissance une première étape est de
nommer, sans quoi toute communication scientifique est impossible, puis il faut
au fil des échanges s’assurer de la portée des accords ou
désaccords et pour cela expliciter le sens, c’est-à-dire
définir. Pour autant, les définitions ne sont pas des objets
figés ou intouchables. Elles seront travaillées pour être
précisées, reformulées. De nouveaux termes seront
éventuellement forgés. Le consensus sur les définitions
doit s’entendre comme un état provisoire ; il ne referme pas
mais prépare l’approfondissement qu’initiera la vigilance
critique qui conduira à des remises en question, des évolutions,
refontes ou abandons.
4. Le corpus et le thésaurus des termes et expressions de la
recherche sur les EIAH
Cette section et la suivante présentent la
construction, respectivement, du thésaurus et du dictionnaire, leurs
structures et leurs organisations éditoriales.
4.1. La construction d’un corpus, les archives ouvertes TeLearn
Les archives ouvertes, dans les années 2004-2007, étaient
considérées avec réserve par les chercheurs et les
équipes partenaires du réseau européen Kaléidoscope,
notamment par ceux appartenant aux communautés de Sciences humaines et
sociales. Le statut juridique du libre accès leur paraissait incertain au
regard des droits d’auteur ou d’éditeur. Par ailleurs, le
risque d’usage abusif, celui de voisiner avec des publications
médiocres et l’attachement aux formes classiques de publication
chez des éditeurs historiquement reconnus freinaient l’adoption de
ce mode nouveau de diffusion. Pour sa part, la France avait en Europe une
relative avance avec la création, sur la plate-forme Hyper-Article en
Ligne (HAL) du Centre pour la communication scientifique directe (CCSD), du
portail EIAH à l’initiative du RTP39, réseau
thématique pluridisciplinaire du CNRS et du portail EduTICE dans le cadre
du programme expérimental TemaTice du Ministère de la recherche.
Mais les outils proposés à l’époque par le CCSD ne
permettaient pas de mettre en place une exploration fine du corpus, ni
d’identifier les sources avec la souplesse que nous souhaitions dans le
cadre de la construction du réseau (notamment l’utilisation de mots
clés standards éventuellement complétés par des mots
clés libres).
La solution fut de créer une instance privée de HAL,
nommée TeLearn (Min et al., 2008),
en assurant la compatibilité nécessaire pour pousser dans
l’entrepôt du CCSD les documents réunis dans l’archive
locale. Cette instance fut augmentée des fonctionnalités
nécessaires au projet (que nous ne détaillerons pas ici). La
première présentation publique de l’archive a eu lieu lors
de la conférence IST2006 à Helsinki. Très favorablement
reçue, la nouvelle fut largement relayée par la Commission
européenne. Le portail TeLearn (https://telearn.archives-ouvertes.fr/) a
été intégré à la plate-forme HAL en 2010 dans
le cadre du réseau Stellar.
4.2. La constitution du vocabulaire
La liste des termes du vocabulaire est le résultat d’une analyse
lexicale limitée aux publications de langue anglaise alors disponibles
dans l’archive TeLearn, soit 1068 fichiers, avec le logiciel AntConc (Anthony, 2010) ;
le choix de l’anglais tient aux raisons évoquées plus haut
(sous-section 2.1).
AntConc est une boîte à outils sous licence logiciel libre (Anthony, 2004) qui permet de constituer assez simplement un lexique (termes simples et
composés) à partir d’un corpus textuel en relevant notamment
le nombre des occurrences. Sa capacité de traitement le limite à
de petits volumes, mais cela ne constituait pas un obstacle à cette
étape du projet.
Trois ensembles de termes sont distingués : d’une part, les
termes disciplinaires généraux (par exemple :
« schème » en psychologie, « système
multi-agents » en informatique, « professeur » en
pédagogie), d’autre part, les termes disciplinaires ayant un
rôle significatif dans la recherche sur les EIAH (par exemple :
« conflit sociocognitif » en psychologie,
« environnement auteur » en informatique,
« évaluation formative » en pédagogie) et
enfin les termes spécifiques de la recherche sur les EIAH (par
exemple : « script de collaboration »,
« système de gestion des apprentissages »,
« apprentissage nomade »). La priorité a
été donnée à ce dernier ensemble, avec le projet,
dans une seconde phase, d’étendre la liste aux termes
importés des diverses disciplines qui ont une contribution originale ou
spécifique. Les termes du premier ensemble ne sont
considérés que dans la mesure où ils sont d’un usage
fréquent et potentiellement problématique pour les chercheurs
n’ayant pas de formation dans la discipline dont ils sont issus.
Cette analyse a produit un ensemble de 611 termes simples, retenus au seuil
de 1000 occurrences, et un ensemble de 729 expressions au seuil de 100
occurrences. Ces seuils respectifs de 1000 et 100 occurrences ont
été déterminés empiriquement, en vérifiant
qu’ils n’écartaient pas de termes importants pour le
domaine8 ; les 10 termes et les
10 expressions de plus haute fréquence sont présentés dans
le tableau 1.
Tableau
1 • Termes et expressions de plus haute fréquence dans
l’archive TeLearn
Termes de haute fréquence |
Expressions de haute fréquence |
104974 |
learning |
6903 |
learning environments |
58379 |
students |
5246 |
e-learning |
37548 |
knowledge |
5174 |
collaborative learning |
31379 |
system |
4340 |
problem solving |
28488 |
learners |
3647 |
learning process |
27141 |
technology |
2905 |
higher education |
25874 |
computer |
2580 |
learning activities |
25301 |
teachers |
2514 |
teaching and learning |
23164 |
environment |
2015 |
networked learning |
23048 |
research |
1789 |
knowledge construction |
Les listes obtenues ont été analysées pour en retirer
les termes trop génériques (par exemple : « email », « website », « research ») ou trop spécifiques tels que les
noms propres (par exemple : « Algebrista », « European Commission »). Le résultat de ce
désherbage a été la constitution d’une liste de 471
termes parmi lesquels on retrouve 99 mots clés proposés par les
auteurs au moment du dépôt de leurs publications.
Ce vocabulaire a été le matériau à partir duquel
ont été construits le thésaurus et le dictionnaire
présentés ci-après.
4.3. Le thésaurus
L’intérêt de la construction du thésaurus est de
constituer le réseau des relations entre les termes du vocabulaire du
domaine et de préciser les concepts associés. A cela nous avons
ajouté l’objectif d’établir les relations entre les
lexiques dans différentes langues (anglais, arabe, bulgare, chinois
classique, chinois simplifié, coréen, danois, espagnol, estonien,
français, grec, hollandais, hongrois, italien, japonais, portugais,
russe, slovaque, turc, vietnamien).
Cette construction a été réalisée avec le
logiciel libre TemaTres (http://www.vocabularyserver.com/),
retenu parce qu’il permet la création de thésaurus
multilingues et multi-hiérarchiques. Ce logiciel a de plus la
caractéristique d’être multi-utilisateurs, permettant une
construction collaborative. Enfin, il respecte les standards SKOS (http://www.w3.org/2004/02/skos/),
Dublin-Core et RDF – dans l’éventualité d’un
passage à une ontologie.
L’ambition de disposer d’un thésaurus multilingue (voir
figure 1) a posé le problème de la normalisation des termes, qui
n’a pas de réponse simple car les normes sont différentes
selon les langues. Ainsi, pour la langue anglaise, selon la norme ISO, une
distinction doit être faite entre ce que l’on peut dénombrer
(how many ?), qui requiert le pluriel, et ce qui ne peut
l’être (how much ?), qui requiert le singulier. En
français, au contraire, le singulier est privilégié, sauf
pour les termes utilisés naturellement au pluriel. Nous avons
respecté au mieux cette norme pour ces deux langues.
Figure 1• Page d’accueil du
thésaurus
La hiérarchisation du thésaurus rend compte de plusieurs types
de relations.
- Les relations hiérarchiques formalisent un rapport
de subordination entre les notions et facilitent une navigation verticale :
passage du général (broader term, noté BT) au
spécifique (narrower term, noté NT).
- Les relations d’équivalence relient les
synonymes et quasi-synonymes : l’un des termes est
préféré (le descripteur), les autres équivalents ne
sont alors pas retenus pour l’indexation (les non-descripteurs) ;
nous avons eu recours à ce type de relation pour le thésaurus
danois (i.e. « udvidet læringsmiljø » comme descripteur et « berigende
læringsmiljø » comme non-descripteur).
- Les relations associatives marquent les analogies entre des
termes ayant une proximité sémantique (related term,
noté RT).
Les relations inter-linguistiques qui associent les thésaurus
des diverses langues sont traitées comme des relations
d’équivalence. Nous avons retenu le thésaurus anglais pour
pivot de la construction multilingue, pour les raisons évoquées
ci-dessus. Il contient donc tous les termes retenus, les autres thésaurus
contiennent la traduction ou les termes appariés (voir un exemple en
figure 2). Cette approche n’exclut pas la prise en compte, dans les divers
thésaurus, de termes qui n’auraient pas de traduction en anglais,
mais auraient une existence liée à l’originalité de
travaux conduits dans d’autres contextes linguistiques. Ainsi peut-on
trouver en français ou en allemand l’expression
« ingénierie didactique », mais pas en anglais. Il
est à noter que la mise en relation inter-linguistique
n’étant pas symétrique dans TemaTres, les liens
réciproques du terme cible vers le terme source sont créés
manuellement.
Pour des raisons pratiques, la priorité a été
donnée aux langues des équipes des réseaux
Kaléidoscope puis du réseau Stellar, suivies des langues pour
lesquelles existent une communauté d’usage scientifique ou une
pratique significative. Pour la plupart des langues, il est rapidement apparu
que de nombreux termes n’ont en fait pas de traduction, soit en raison de
l’absence de recherches correspondantes dans la communauté
considérée, soit en raison de l’utilisation du vocabulaire
anglais pour ces recherches.
Figure 2 • Exemple d’entrée du thésaurus
Le travail de traduction consiste à apparier les termes
utilisés par une même communauté internationale ayant une
langue de communication et des langues de travail différentes. Cet
appariement peut être immédiat parce la langue de travail a
adopté un terme de la langue de communication. Ainsi, par exemple, le
terme « e-learning », lorsqu’il est pris dans
une acception technique précise, est-il simplement importé par les
locuteurs français ou italien. Dans certains cas des équivalents
naturels sont disponibles, par exemple « système
auteur » en français ou « strumento
autore » en italien pour « authoring
tool », mais l’usage ne les retient pas toujours : la
communauté italienne préfère l’expression hybride « strumento di authoring ».
En l’absence d’appariement sur la base d’usage
attesté, l’exercice de traduction est hasardeux. Par exemple,
l’expression « animated pedagogical agent » est
traduite en français par l’expression « agent
pédagogique animé », dont la signification est celle du
rapprochement des concepts d’agent pédagogique et d’agent
conversationnel animé. En revanche cette expression surprend le
traducteur pour le chinois simplifié qui hésite entre deux
possibilités :
« 动态教学代理 » (agent
pédagogique dynamique) et
« 动画教学代理 » (agent
d’animation pédagogique). Un test minimal sur Google Scholar ne
renvoie pas de publications pour la première proposition et seulement une
soixantaine pour la seconde ; les deux possibilités seront
finalement conservées, laissant la décision à
l’utilisateur. En revanche, pour la traduction en chinois classique
« 動畫型教學代理人 »
(en français : Agents d'animation pédagogiques), Google
Scholar ne renvoie pas de publications ; c’est cependant cette
expression que le traducteur recommande de retenir. L’expression « Augmented learning environment » présente la
même difficulté, mais cette fois la traduction proposée
« 增量学习环境 »
(environnement d’apprentissage incrémental) induit un
contresens : en fait, les articles utilisant cette expression portent sur
l’apprentissage machine. Dans la même situation, le choix se porte
en vietnamien sur « Môi trường học tập
cải tiến » (Amélioration de l'environnement
d'apprentissage) bien que Google Scholar ne renvoie aucune ressource, laissant
ainsi penser qu’il n’y a pas de recherche en vietnamien liée
au concept d’environnement d’apprentissage augmenté (à
prendre au sens de réalité augmentée) ;
l’interprétation littéraire induit un faux sens. C’est
en fait une situation fréquente. Ainsi « buddy
system » n’a pas de traduction en estonien, ou encore « Agent-based learning environment » est traduit en
italien par « Ambiente di apprendimento basato sull'uso di
agenti » mais n’est retrouvé dans aucune publication
par Google Scholar, ce qui suggère l’absence d’utilisation de
ce concept dans les publications en italien. L’expression « seamless learning environment » n’a pas
d’équivalent dans le vocabulaire de la recherche française,
constat que font aussi les traducteurs hollandais qui envisagent la traduction
littérale « naadloze leeromgeving », mais
observent qu’elle ne renvoie à aucune publication lors de leur
recherche de publications (sur internet). La solution peut être de
proposer pour traduction une phrase qui explicite le sens de l’expression.
Par exemple, en arabe
« التعلّم
الذي يبني
على
الاستقصائي »
(apprentissage qui se fonde sur l’enquête) est proposée
pour « Inquiry learning ».
Le projet a par ailleurs été l’occasion de mettre en
évidence que certaines communautés linguistiques, actives dans le
contexte international, n’avaient que peu développé la
communication dans leur contexte national ; tel est le cas des
communautés allemande et hollandaise. Cependant, les traducteurs
hollandais, d’abord sceptiques, ont reconnu la richesse du questionnement
suscité par cette tâche et ont découvert l’existence
d’une communication à l’écart du monde
académique. Le même constat a été fait pour le
danois.
5. Le dictionnaire
Comme pour toute autre activité collective,
les pratiques discursives de la recherche se stabilisent par la force des
choses, la collaboration imposant la constitution d’un espace linguistique
assez stable et partagé. Au fil du temps, les incertitudes sur les mots
sont oubliées alors que paraissent s’imposer des
références et des manières de faire communes. Le
problème de leur sens ressurgit lorsqu’il s’agit de
s’adresser à de nouveaux venus, chercheurs ou étudiants,
voulant s’engager dans le domaine. Il se manifeste aussi lorsqu’il
s’agit de communiquer avec des interlocuteurs extérieurs à
la recherche sur les EIAH, mais utilisateurs potentiels de ses résultats.
Il est enfin une circonstance, la formation, dans laquelle il est
nécessaire de fixer un lexique et d’expliciter le sens des mots.
Dans tous les cas, l’enjeu est celui d’assurer une communication
cohérente et stable avec les divers interlocuteurs – qu’ils
soient industriels, formateurs ou enseignants, ou bien décideurs du monde
de l’enseignement ou de la formation. Le dictionnaire est un instrument au
service de cet enjeu.
5.1. Les principes
La création d’un dictionnaire est une tâche complexe dont
la réalisation n’a pas de solution canonique. Il faut en premier
lieu faire le choix de principes et d’une méthode.
Préciser les sens des termes en explorant la littérature est
beaucoup moins simple qu’il n’y parait. D’une part, peu de
textes apportent des réponses explicites et précises et, de plus,
ils peuvent révéler une importante variété (p. ex.
les nombreuses définitions de « learning
object »). D’autre part, les dictionnaires sont rares et
faiblement documentés. Ils reflètent souvent plus le point de vue
d’un auteur qu’un point de vue partagé. La ressource la plus
fameuse et fréquemment utilisée, Wikipedia, ne permet pas de
combler ce manque en raison de sa conception même. Des points de vue
s’y affrontent sans que l’on puisse comprendre les enjeux, ou des
définitions sont proposées sans possibilité solide
d’évaluer leur validité ou leur singularité. Ainsi,
l’expression « learning design », qui est
attachée à un ensemble de chercheurs assez large, se voit-elle
renvoyée pour sa définition à « instructional
design », créant ainsi une relation de dépendance
conceptuelle tout à fait discutable
(https://en.wikipedia.org/w/index.php?title=Learning_design&redirect=no9).
Par ailleurs certains termes ont des significations différentes mais
aussi des proximités dont il faut rendre compte, c’est le cas par
exemple des termes « scenario »,
« script » et « orchestration ». Le
terme « script », notamment, utilisé en psychologie
et en informatique, a un sens particulier qui s’est forgé dans le
cadre des recherches sur le CSCL (« collaboration
script », « external script », « internal script ») et qu’il est important de
saisir pour éviter les contresens. En effet, le terme
« script » n’a pas, dans la recherche en EIAH, le sens
donné en programmation. Il est importé de l’IA où il
signifie une séquence d’actions qui caractérise une
situation bien définie, mais sa signification est proche de celle
forgée par la psychologie cognitive. La recherche sur les CSCL a
introduit dans sa définition la possibilité de degrés de
liberté de l’apprenant
(http://www.tel-thesaurus.net/wiki/index.php/Collaboration_script).
Par ailleurs, dans un domaine dont les cadres théoriques propres sont
peu formalisés et peu stabilisés, et dans lequel les emprunts
à diverses disciplines sont importants, le travail de définition
apporte une contribution à la conceptualisation et à la
différenciation des notions clés. C’est ainsi le cas de
l’expression « educational affordance » forgée pour préciser ce que le concept d’affordance,
très présent dans les recherches mettant au premier plan les
interactions personnes-systèmes, a de spécifique et de productif
dans un contexte d’apprentissage. Les affordances éducatives
peuvent être définies comme les relations entre les
propriétés d’une intervention éducative et les
caractéristiques de l’apprenant qui permettent la
réalisation de certains d’apprentissage (http://www.tel-thesaurus.net/wiki/index.php/Educational_affordance/fr).
C’est aussi le cas de l’expression « epistemic
feedback » dont la définition permet de distinguer
explicitement les feedbacks qui jouent un rôle dans la construction du
sens d’une connaissance ou d’une compétence. Ce concept a
été introduit dans le cadre de la conception et de
l’étude de réalités virtuelles et de simulations pour
la formation professionnelle, pour caractériser les feedbacks qui
permettent à l’apprenant d’analyser son action en relation
avec la connaissance en jeu
(http://www.tel-thesaurus.net/wiki/index.php/Epistemic_feedback).
Dans ce contexte, la construction du dictionnaire EIAH a pris pour principe
de partir de définitions publiées dans des revues ou des actes de
conférence, avec la double contrainte de retrouver les racines
historiques et de rendre compte de leur diversité éventuelle et de
leurs évolutions. Chaque définition proposée est
consolidée par une documentation permettant de préciser, chaque
fois que cela est possible, les circonstances dans lesquelles elle a
été forgée, d’attester les sources, les usages de
référence. Les questions ou remarques soulevées par la
définition – soit au sein de la recherche en EIAH, soit dans les
disciplines associées – sont documentées dans la mesure
où il est possible de les retrouver sous la forme de publications
accessibles. Enfin, les traductions dans diverses langues sont indiquées
accompagnées de commentaires éventuels. Des termes associés
sont proposés en lien avec la construction du thésaurus. Un
exemple d’entrée type du dictionnaire est donné en Annexe
1.
Wikimedia (http://commons.wikimedia.org/) s’est imposé de
façon naturelle pour construire le dictionnaire, en raison de la
facilité d’édition collaborative exigeant peu de
compétences informatiques de la part des auteurs et fournissant de bons
moyens de traçabilité des évolutions des textes. Cependant,
la politique éditoriale adoptée ne se conforme pas totalement
à la philosophie wiki. Elle exploite la possibilité de
définir des niveaux de droits d’écriture ne permettant pas
l’intervention de tout internaute, la consultation étant bien
sûr ouverte. Un effet de bord de ce choix est la restriction du droit
d’accès à l’espace de discussion pour le visiteur de
base, mais elle peut être compensée par la création
d’un forum associé (http://www.linkedin.com/groups/TEL-dictionary-initiative-3880196).
5.2. Le choix des mots
Choisir les entrées du dictionnaire est le résultat d’un
processus empirique, dont le point de départ est la liste des mots
clés associés par les auteurs au moment du dépôt de
leurs publication dans l’archive TeLearn, complétée par le
vocabulaire effectivement utilisé dans les textes. Nous avons
constaté que les mots clés ne rendent pas compte aussi
précisément qu’on pourrait l’imaginer du contenu
effectif des textes ; l’analyse lexicale a
révélé un ensemble de termes significatifs plus large.
Comme cela est très généralement le cas, les
fréquences sont très variables ; celles des termes
potentiellement les plus significatifs pour le domaine sont faibles. Il
s’agit donc, lors du choix, de prendre en compte ce qui est
explicité par les auteurs, ce que l’analyse lexicale fait remonter
à un certain seuil de fréquence, ainsi que des termes plus rares
mais scientifiquement forts. Aussi l’approche a-t-elle été
pragmatique : rassembler les termes à la fois les plus
spécifiques et les plus fréquents.
Pour la première version du dictionnaire, preuve de concept, une liste
de 100 termes a été retenue (voir Annexe 2). Le dictionnaire se
déploiera ensuite pour inclure les entrées pertinentes
qu’elles soient spécifiques des EIAH ou qu’elles
correspondent à des concepts importants venant des domaines
associés.
5.3. Structure éditoriale
Afin d’assurer un niveau de qualité aussi élevé
que possible, une structure éditoriale a été
constituée pour accompagner l’ensemble du projet et ses principales
composantes. Le schéma présenté en figure 3 résume
cette organisation.
Un conseil scientifique réunissant 19 chercheurs de divers horizons
disciplinaires et culturels10 a
été mis en place, attestant essentiellement
l’intérêt pour l’initiative et, pour les plus actifs,
apportant des idées pour les premiers développements.
L’équipe éditoriale du dictionnaire est formée des
auteurs des entrées ; elle évolue au fil de la construction.
Il en est de même de l’équipe éditoriale multilingue
qui réunit les représentants régionaux responsables des
traductions des termes et, éventuellement, des entrées
correspondantes.
Figure 3 • Structure éditoriale
du projet
6. Conclusion : un chantier nécessaire et ouvert
La pression sociale et économique, qui exige
des résultats concrets et un impact tangible, est telle que la
priorité de la recherche sur les EIAH est trop souvent donnée aux
réalisations effectives au détriment du travail sur ce qui les
fonde. Pourtant, ce sont ces fondements qui permettront le mieux de forger les
moyens de concevoir et d’évaluer solidement les réalisations
et, plus encore, de comprendre et de résoudre les problèmes qui
réapparaissent de façon récurrente, quels que soient les
progrès et innovations technologiques ou pédagogiques. Comprendre
et modéliser les conditions d’un apprentissage efficace,
caractériser opérationnellement les compétences et les
significations, comprendre et décrire les conditions d’usage des
EIAH au-delà d’une réalisation technique
particulière, que la prochaine avancée technologique balaiera sans
pour autant résoudre ces problèmes fondamentaux, sont autant de
questions pour lesquelles les réponses sont aujourd’hui trop
partielles ou trop dispersées dans les divers champs disciplinaires pour
pouvoir être mises en relation et intégrées. La constitution
d’un cadre théorique ne signifie pas l’abandon de la
pluralité, mais sa structuration par la mise en relation des concepts,
des modèles et des théories associées souvent issus de
diverses disciplines. Ce qui est en jeu est le statut de ces théories et
méthodes dans le travail de la recherche et dans la formation des jeunes
chercheurs. Ne pas saisir ce problème pour ce qu’il est conduit
à une sorte de balkanisation en des écoles qui ont du mal à
communiquer entre elles, et donc ont du mal à tirer le meilleur
bénéfice des efforts réalisés sur ce qui, de fait,
est un projet commun.
Travailler le vocabulaire, c’est-à-dire le sens des mots, leurs
relations et leurs usages, est une première étape. L’enjeu
est bien de travailler les concepts sous-jacents et ainsi d’avancer
d’une façon pragmatique sur le terrain théorique.
C’est aussi de faciliter et de consolider la circulation des idées
et le partage des résultats de la recherche.
Cependant, travailler le vocabulaire c’est travailler la part explicite
de la conceptualisation sous-jacente aux publications. L’analyse textuelle
et ontologique montre qu’il ne faut pas, surtout dans un domaine jeune, en
rester là. La construction d’une ontologie a été
explorée en s’appuyant, d’une part, sur l’ontologie de
l’éducation OMNIBUS et la méthode associée (Bourdeau et al., 2007) et, d’autre part, sur la version initiale du vocabulaire anglophone.
L’objectif était de relier les termes du vocabulaire et de proposer
l’ébauche d’une modélisation du domaine « Technology Enhanced Learning » (Bourdeau et Balacheff, 2014).
Selon la méthodologie OMNIBUS, la première tâche a
été de cerner la signification de « enhancement » et de ses articulations avec « technology » et « learning ». La proposition, dans le cadre
d’OMNIBUS, est de définir TEL comme un « enhancing
mechanism » dont il reste à créer les
catégories, à les relier et à les classer. La construction
de cette ontologie en partant d’une autre dénomination du domaine
pourrait avoir un autre résultat. Ce constat n’est pas singulier,
il est fait pour d’autres domaines. Il signifie que, d’une part, le
thésaurus, le dictionnaire et l’ontologie doivent être
construits de façon collaborative et que, d’autre part, leur
fonction est descriptive et non normative (Aussenac-Gilles et al.,
2000, section 5).
La mise en ligne du dictionnaire et du thésaurus, dont la
réalisation actuelle est partielle, a suscité un
intérêt dont attestent les scores des pages les plus populaires et
les statistiques de fréquentation (1 375 905 pages depuis
201111). La fréquentation des
pages traduites en chinois est particulièrement soutenue (chinois
classique et simplifié) ainsi que celles traduites en français et
en bulgare, pour lesquelles sont disponibles à la fois le vocabulaire et
les entrées du dictionnaire.
Quoique le projet soit bien reçu, il est remarquable qu’il ne
suscite jusqu’ici qu’un engagement limité des chercheurs. Une
objection fréquente est l’existence de Wikipédia et, de
fait, cette ressource est largement utilisée notamment par les
doctorants. Cependant, la disparition de l’entrée « e-learning » et l’absence d’une
entrée « Technology Enhanced Learning », expressions redirigées vers « Educational
technology », montre de façon suffisamment évidente
les limites de cette ressource. Dans ce domaine pas encore solidement
fondé au plan scientifique, dans lequel l’intime conviction peut
parfois se substituer à la preuve rationnelle, le contenu et
l’organisation d’une encyclopédie sur le modèle
Wikipédia peut souffrir de jeux d’influence au détriment de
la qualité scientifique. La création d’une ressource
ouverte, mais modérée, est nécessaire, c’est une
responsabilité importante de la communauté de recherche. Le
chantier est ouvert, déjà bien engagé, le mener à
bien est moins une question de moyens que celle d’un engagement collectif.
L’accueil du projet sur la plateforme de l’ATIEF et les effets de
synergie que peut susciter l’association sont, dans cette perspective,
très favorables.
Remerciements
La conception et les premières réalisations de l’archive
ouverte Telearn, du dictionnaire et du thésaurus ont été
financées par le Réseau d’excellence Kaleidoscope
(Communauté européenne, 6e PCRD-IST, Projet N°
507838, 2004-2007), puis par le Réseau d’excellence STELLAR
(European Community, 7e PCRD-ICT, Projet N° 231913,
2009-2012).
Équipe technique : Sophie Min puis Émilie
Manon pour l’expertise documentaliste, Jérôme Zeiliger pour
la réalisation informatique. Une première présentation du
projet a été publiée dans TD Tecnologie
Didattiche (Balacheff et al., 2012).
À
propos de l’auteur
Nicolas Balacheff est directeur de recherche CNRS
émérite au laboratoire d’informatique de Grenoble (LIG). Ses
travaux, depuis le début des années 70, en didactique des
mathématiques et sur la conception d'EIAH, portent principalement sur
l'apprentissage de la preuve en mathématique (p. ex. projet Baghera) et
la modélisation des connaissances (p. ex. modèle cK¢). Il a
dirigé l’équipe EIAH de Grenoble au milieu des années
90, inaugurant alors l’usage de cette désignation du domaine de la
recherche sur la conception et l’usage des environnements informatiques
pour l’éducation et la formation. Responsable du réseau
thématique pluridisciplinaire RTP39 « apprentissage,
éducation et formation » à la fin des années 90,
il fut l’initiateur du réseau d’excellence Kaleidoscope
(2004-2007).
Adresse : Univ. Grenoble Alpes, CNRS,
Grenoble INP, LIG, F-38000 Grenoble France
Courriel : nicolas.balacheff@imag.fr
Toile : https://nicolas-balacheff.blogspot.com
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ANNEXE 1 – Un exemple d’entrée du dictionnaire
Fouille de données
éducatives
Version 1
Édition : Michel C. Desmarais, Polytechnique Montréal
Contribution : Ryan S.J.d. Baker, Worcester Polytechnic Institute
Définition
La fouille de données éducatives est un processus conçu
pour l’analyse de données issues de situations éducatives
pour mieux comprendre les élèves et les situations dans lesquelles
ils apprennent.
Jalons historiques
Cette expression est apparue dans le cadre d’une série de
workshops sur le thème de l’analyse des usages (log data) par des
élèves, dont le premier remonte à la conférence ITS
2000 à Montréal. En 2005, le premier workshop intitulé
« Educational Data Mining » (EDM, Fouille de données
éducatives) a été organisé à Pittsburgh
conjointement à la conférence AAAI (Association for the
Advancement of Artificial Intelligence). Depuis 2008, EDM désigne une
conférence internationale organisée annuellement. Par ailleurs,
une conférence sur la thématique voisine des Learning analytics
(LAK2011) est apparue en 2011. En 2009 a été publié le
premier numéro du journal international EDM, publication en accès
direct disponible à l’URL
<www.educationaldatamining.org/JEDM>. La société Educational
Data Mining a été fondée en 2011 pour organiser la
conférence et le journal.
Termes et expressions associés
Analytique des données éducationnelles, analyse des usages,
données sur l'apprenant, donné d'usage de l'apprenant,
découverte de la connaissance, fouille de données, apprentissage
automatique statistique, psychométrique, modélisation de
l’apprenant, classification, régression, classification, analyse
factorielle, recherche de règles associatives, visualisation,
découverte dirigée par les modèles, base de
données.
Traduction
English : Educational data mining
Remarques disciplinaires
Le domaine de la fouille de données éducative (EDM)
s’appuie sur des méthodes et théories issues de de
nombreuses disciplines telles que la fouille de donnée, la
découverte de connaissance, la psychométrie et
l’apprentissage statistique. Il a pour but de construire des
modèles et produire des résultats qui puissent aider à la
conception et la réalisation d’applications et
d’environnements innovants pour l’apprentissage, ainsi que
d’apporter une contribution théorique à la psychologie de
l’éducation ou d’autres domaines en éducation. Les
méthodes pour l’EDM incluent (sans y être limité) la
classification, la régression, l’analyse factorielle, la fouille de
relation, la prédiction de connaissances, la fouille de
corrélations, la recherche de règles associatives, la
visualisation, la découverte de structure de domaine, la
découverte dirigée par des modèles.
Principales références
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State-of-the-Art. IEEE Transaction on Systems, Man, and Cybernetics, Part C:
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EDM, International Working Group on Educational Data Mining: Educational data
mining. http://www.educationaldatamining.org/ (2009)
ANNEXE 2 – Vocabulaire initial
A
1. Adaptive learning environment
2. Agent-based tutoring system
3. Agent-based learning environment
4. Ambient learning environment
5. Animated pedagogical agent
6. Artificial learning environment
7. Augmented learning environment
8. Authoring system
9. Authoring tool
10. Automatic diagnosis
11. Automatic generation of exercises
B
12. Blended learning
13. Buddy systems
C
14. Cognitive diagnosis
15. Cognitive engineering
16. Cognitive modeling
17. Cognitive tutor
18. Collaborative learning
19. Computational mathetic
20. Computational thinking
21. Computer-assisted examination
22. Computer-assisted instruction
23. Computer-assisted language learning
24. Computer-assisted learning
25. Computer-based instruction
26. Computer-based learning environments
27. Computer-based laboratory
28. Computer programming in support of learning
29. Computer-supported collaborative learning
30. Constructionism |
31. Course management system
32. Courseware
D
33. Didactical engineering
34. Distance learning
35. Distributed learning
36. Distributed learning environments
37. Dynamic geometry
E
38. e-Assessment
39. Educational affordance
40. Educational data mining
41. Edutainment
42. e-learning
43. Embedded phenomena
44. Epistemic affordance
45. Epistemic feedback
46. e-portfolio
47. Experiential learning
G
48. Game-based learning
I
49. Inclusive e-learning
50. Informal learning
51. Inquiry learning
52. Intelligent scaffolding system
53. Intelligent tutoring system
54. Interactive learning environment
55. Interactive white board
56. Integrated learning system
L
57. Learner modeling
58. Learning analytics
59. Learning companion
60. Learning design
61. Learning environment
62. Learning grid
63. Learning management systems
64. Learning objects
65. Learning scenario
66. Learning space
67. Learning trail
M
68. Microworld
69. Mobile learning
70. Multimedia learning |
N
71. Narrative learning environments
72. Networked learning
73. --- communities
74. --- environment
O
75. On-line learning environment
76. Overlay
P
77. Pedagogical agent
78. Personal learning environment
79. Pervasive learning environment
80. Programmable computer-based learning environment
81. Programmable course
R
82. Remote laboratories
S
83. Script ...
84. --- collaboration
85. --- external
86. --- internal
87. Seamless learning environment
88. Self-regulated learning
89. Simulation games
90. Simulation-based learning environment
91. Situated learning
T
92. Tangible learning environment
93. Technology Enhanced Learning
94. Techno-mathematical literacies
U
95. Ubiquitous learning
V
96. Virtual campus
97. Virtual learning environment
98. Virtual pedagogical agent
99. Virtual universities
W
100. Web-lecturing technologies |
1 Il y eut cependant des exceptions
notables, comme le projet TELMA dont l’objectif était de relier et
d’intégrer les cadres théoriques utilisés par
différentes équipes dans le domaine des EIAH pour
l’apprentissage des mathématiques (Artigue et al. 2009).
2 Le problème du projet
scientifique de l’équipe dans la communauté informatique a
été posé à la suite de son audition par la
Commission scientifique de l’institut IMAG en octobre 1993. Le nouveau nom
et le projet associé ont été validés en 1995 dans le
cadre de la restructuration quadriennale de l’institut. Pour la
période quadriennale 1995-1999, l’équipe EIAH a rejoint le
Laboratoire Leibniz fondé par Philippe Jorrand.
3Cette déclinaison du sigle
EIAO date de 1990 (Baron et al., 1991).
Elle succède à « Enseignement intelligemment
assisté par ordinateur » qui désignait un courant de
recherche en IA, né dans les années 80 dans le sillage des travaux
sur la représentation des connaissances (Baron, 1994).
4Redirection
vérifiée le 6 juillet 2018 à 17:18.
5 Directrice de
l’unité « Cultural Heritage and Technology Enhanced
Learning » de la direction générale « Information Society and Media » (Commission
Européenne).
6 Journal officiel du
14/05/2005 : « Définition - Formation faisant appel
à des moyens de communication électroniques. Note : Le terme
"e-formation" est à éviter. »
Le français canadien a retenu « apprentissage en ligne »
(Pavel 2002).
7« C’est
[Dedekind] qui introduit le mot corps (Körper en allemand,
d’où la notation K toujours très utilisée) pour un
ensemble où, à l’instar des rationnels ou des réels,
on a une addition, une multiplication et une division. Ce nom est motivé
par la richesse de cette structure. L’intention de Dedekind est
d’évoquer un organisme vivant. Les anglo-saxons, les
français et les russes traduisent Körper par le mot
passe-partout de champ. Mais les francophones finissent par adopter le
mot corps (est-ce l’influence de Bourbaki, très marqué
à ses débuts par l’école allemande ?), alors que
jusqu’aujourd’hui, "field" subsiste en anglais, "polié" ["Поле"] en russe » (Lafontaine, 2011).
8 Ces réglages empiriques,
dépendant de l’expertise des personnes qui conduisent
l’analyse, est une limite classique de la construction d’un
vocabulaire (Aussenac-Gilles et al., 2000).
9 vérifié à
18:19 le 28 décembre 2017.
10 Rosy Bottino (IT), Paul Brna
(UK), Tak-Wai Chan (TW), Charles Crook (UK), Ton de Jong (NL), Antonio Dias de
Figuereido (PT), Frank Fischer (DE), Monique Grandbastien (FR), Yasmin Kafai
(USA), Judy Kay (AU), Stefanie Lindstaedt (AT), Marcia Linn (USA), Chee Kit Looi
(SG), Sten Ludvigsen (NO), Richard Noss (UK), Mike Sharples (UK), George Siemens
(CA), Hans Spada (DE), Beverly Woolf (USA).
11 Vérifié à
10 :21 le 19 octobre 2018.