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Volume 24, 2017
Editorial

Numéro Spécial
Recherches actuelles sur les MOOC



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Recherches actuelles sur les MOOC

 

Editorial

 

Jean-Marie GILLIOT (Lab-STICC, IMT Atlantique)

Éric BRUILLARD (EDA, Université Paris Descartes)

 

1. Introduction

Cinq ans après l’explosion du phénomène MOOC ou CLOM (pour cours en ligne ouverts et massifs), ce numéro spécial permet de donner une image de la recherche qui s’est développée dans la sphère francophone pour appréhender cette nouvelle forme de dispositif et ses usages.

Apparus tout d’abord dans le champ médiatique en 2012, les premiers questionnements concernaient rien de moins que les évolutions mondiales de l’enseignement supérieur. En termes de recherche, les MOOC ont remis en avant certains travaux sur l’enseignement à distance ou enseignement en ligne, en renouvelant de nombreuses questions sur des problématiques déjà établies (Bruillard, 2017a).

Ce phénomène a également bousculé l’offre de formation en ligne, au travers de l’apparition de plateformes ouvertes au grand public. La France compte ainsi deux plateformes complémentaires, FUN pour le monde académique avec 1,2 millions d’inscrits et OpenClassrooms pour le secteur EdTech avec une communauté de plus de 2,5 millions de membres en 2017, pour un total mondial estimé à 81 millions d’apprenants.

2. Présentation du numéro spécial

Parmi les 18 propositions reçues suite à l’appel à communications, 6 articles de recherche et 1 rubrique sont finalement publiés dans ce numéro spécial.

Dans les articles retenus, la question de la caractérisation de l’objet MOOC en tant qu’objet de recherche et la question de la conception du dispositif pédagogique MOOC sont les deux questions qui ressortent principalement. Cela peut s’interpréter comme une manière pour la communauté de s’approprier un dispositif apparu en dehors de son cercle. Chaque article s’appuie sur des analyses menées sur des MOOC existants. Le corpus détaillé s’élève à 19 MOOC, sans compter l’analyse de Vrillon qui porte sur l’ensemble des MOOC de 2015 de la plateforme francophone FUN.

Trois acteurs ou trois points de vue principaux structurent les MOOC et les recherches qui y sont consacrées : les plates-formes, les concepteurs et les apprenants (également appelés participants). Cette tripartition se retrouve dans les contributions qui constituent ce numéro spécial.

3. Les MOOC dans l’offre de formation

Deux propositions ciblent les MOOC en tant qu’élément d’une offre de formation. La première analyse la construction de l’offre de formation d’une institution, la seconde construit une partition de l’offre de formation d’une plateforme de MOOC.

Christelle Mariais, Aurélie Bayle, Marie-Hélène Comte, Jean-Marc Hasenfratz et Isabelle Rey proposent un retour d’expérience sur les MOOC Inria, en explicitant la variété des choix de conception opérés et en nous livrant un grand nombre de données issues de la conception et du déroulement de ces MOOC en 2014-2015. Cet effort de partage de la part de concepteurs est particulièrement intéressant pour la communauté de recherche, et il est heureusement consenti par de nombreuses équipes de par le monde. Pour répondre à l’enjeu d’Inria de diffuser et valoriser les recherches dans le domaine des sciences du numérique, les concepteurs proposent ainsi deux formes de MOOC, les uns dits de large audience en proposant des sujets classiques, les autres dits de recherche car issus directement de travaux de recherche menés par les équipes d’Inria. Si cette différenciation se retrouve dans le nombre d’inscrits, curieusement elle n’apparait pas dans le profil d’inscription selon le niveau d’études.

Eléonore Vrillon établit quant à elle 8 formes typiques de MOOC en analysant l’offre globale de la plateforme francophone FUN au travers de 195 MOOC. Cette typologie descriptive basée sur une analyse des correspondances multiples vise à mieux identifier la variété des MOOC, à la fois pour rendre compte de distinctions entre MOOC (composition du public, taux de complétion...) et pour permettre de comparer des résultats de recherche. Nous noterons parmi les difficultés rencontrées la question de l’évolution de l’offre et la limite d’une analyse externe qui ne permet pas d’accéder à des variables aussi précises que celles que nous livrent Mariais et al. Ces difficultés transparaissent également dans le questionnement autour de la logique d’offre de formation et du positionnement des établissements par rapport à leurs enjeux stratégiques. Cette étude dépasse ces difficultés en proposant une typologie qui couvre un large spectre de l’offre francophone.

4. La conception des MOOC

Trois contributions abordent les MOOC sous l’angle de la conception.

Si Eléonore Vrillon propose une cartographie selon l’axe de l’offre, Giulia Ortoleva, Claire Peltier et Mireille Bétrancourt visent une caractérisation orientée ingénierie pédagogique, avec un questionnement similaire sur le MOOC en tant qu’objet scientifique. En repartant de plusieurs travaux, spécifiques aux MOOC ou issus de la formation à distance, les auteures retiennent 7 dimensions descriptives pour établir leur typologie : 1) temporalité ; 2) objectifs d’apprentissage ; 3) collaboration entre pairs ; 4) parcours d’apprentissage ; 5) activités d’apprentissage ; 6) tutorat ; 7) évaluation/certification. Pour compléter cette typologie, les auteures nous proposent en outre d’analyser les MOOC sous l’angle des dispositifs de formation médiatisés en reprenant les fonctions proposées par (Peraya, 2008) : 1) information ; 2) production ; 3) interaction ; 4) soutien et accompagnement ; 5) évaluation ; 6) gestion ; 7) awareness ; 8) métaréflexion. Cette double caractérisation est examinée à l’aune de quatre MOOC, démontrant ainsi sa capacité descriptive. En conclusion, les auteures réconcilient MOOC et FOAD (Formation Ouverte À Distance), tout en reconnaissant aux MOOC le mérite double de renouveler le débat sur les questions liées à l’interaction entre l’ingénierie des dispositifs et les processus d’enseignement et d’apprentissage, d’une part, et d’inciter les universités à investir du côté du numérique, d’autre part.

Laure Chotel aborde également les MOOC sous l’angle de la conception d’un dispositif pédagogique. En s’intéressant aux dynamiques particulières de l’apprentissage des langues dans un contexte de massivité, elle centre son analyse sur six dimensions : le scénario pédagogique, composé 1) des activités pédagogiques et 2) du scénario de communication ; 3) les ressources ; 4) les aides ; 5) l’évaluation et 6) les artefacts techniques. Au travers de l’analyse critique d’un MOOC de langues proposé par le British Council, l’auteure démontre qu’il est ainsi possible d’examiner la pertinence des choix de conception d’un tel dispositif.

Rim Bejaoui, Gilbert Paquette, Josianne Basque et France Henri se concentrent pour leur part sur la question de la personnalisation des MOOC. Le cadre théorique s’appuie sur le concept de pédagogie ouverte et sur les cadres de l’auto-apprentissage et de l’auto-direction, sans exclure les propositions d’automatisation de la personnalisation. Les auteurs nous proposent ainsi une ontologie qui permet d’établir une grille extrêmement détaillée permettant d’éclairer les choix des concepteurs quant aux options de personnalisation et d’en mesurer un score. Là encore, cette grille permet d’analyser un MOOC existant et de montrer sa capacité à éclairer les choix effectués par les concepteurs.

5. MOOC et apprenants : processus de participation

Les chercheurs des deux derniers articles s’appuient sur les données produites par les apprenants, que ce soit pour conduire une analyse de l’attrition ou pour proposer un service de personnalisation.

Matthieu Cisel s’intéresse aux inscrits qui n’obtiennent pas de certificat à l’issue d’un MOOC. Il reprend les travaux sur l’attrition, une thématique de recherche issue de la formation des adultes, pour proposer une typologie de comportements et une analyse des barrières expliquant le désengagement des participants. Sa contribution à l’analyse de la non certification se base sur une étude mixte. D’une part, l’auteur effectue une analyse quantitative fine des modes de consommation des vidéos sur les données de 6 sessions de MOOC. Il confirme que la simple consultation de vidéos est insuffisante pour aller au bout d’un MOOC. Il montre également que le visionnement en ligne et le téléchargement correspondent à des profils différents, ce dernier étant moins engageant que le premier. D’autre part, l’auteur restitue son analyse d’entretiens semi-directifs tendant à illustrer les différentes décisions, positives ou négatives, ayant mené les participants à ne pas passer la certification. En conclusion, l’auteur souligne l’importance d’un certificat pour la persistance des apprenants, et pose donc la question de l’impact de la tendance actuelle aux certificats payants sur la participation aux différents MOOC.

Pour finir, Jill-Jênn Vie, Fabrice Popineau, Éric Bruillard et Yolaine Bourda abordent l’utilisation des modèles de tests adaptatifs dans les MOOC, en s’appuyant sur les données des participants. Ils proposent ainsi de limiter le nombre de questions posées pour des tests d’aide au positionnement, en s’appuyant sur un graphe de prérequis, des questions liées à ces prérequis et une approche à base de q-matrices reliant questions et connaissances testées. Ils montrent, au travers des données d’un MOOC sur l’analyse fonctionnelle, que de tels tests permettent de réduire le nombre de questions posées tout en garantissant la fiabilité du test.

6. Perspectives

La parution d’un numéro spécial comme celui-ci permet de prendre date sur la capacité d’une communauté à intégrer un nouvel objet dans ses thématiques et problématiques, d’en cerner les caractéristiques et de proposer des éléments de réponse validés pour accompagner son évolution. C’est aussi l’occasion de mesurer à quel point l’évolution d’un tel objet peut dépasser les cadres d’études proposés et inviter à relancer diverses pistes de recherche.

En ce début 2018, si l’on en croit le site Class-Central, moteur de recherche et observatoire en ligne, plusieurs tendances se dégagent (Shah, 2018). Tout d’abord le modèle économique et le marché des MOOC semblent arriver à maturité. Le produit MOOC se décline ainsi en une gamme allant du cours gratuit jusqu’à la proposition de formations dédiées pour une entreprise en passant par la délivrance de certificats en ligne, de crédits, de parcours complets, voire de diplômes.

Cette gamme est en phase avec son marché qui est devenu celui de la formation professionnelle (Condé et Huguenin, 2017). En effet, non seulement ce marché est plus prometteur que celui de la formation initiale, mais de plus les utilisateurs apprenants de MOOC sont majoritairement des personnes déjà formées. Non le MOOC n’est pas mort, il a changé de cible principale.

Ce changement de cible permet aux offreurs de MOOC d’assumer une plus grande flexibilité dans les rythmes et l’encadrement des MOOC. La dimension sociale et les discussions sur les forums semblent décroître. Ces points renforcent la nécessité, de la part des participants, d’une grande capacité d’auto-direction de leurs apprentissages. La personnalisation ne semble donc pas s’intégrer naturellement dans l’offre actuelle. Comment revisiter les cadres de l’auto-apprentissage et de l’auto-direction pour apporter une réponse qui puisse s’insérer dans cette offre, ou en complément de cette offre, afin de permettre à un public plus large de bénéficier de tels cours en ligne ? Il est en effet indispensable de dépasser le stade de l’injonction à l’autonomie dans les apprentissages (« apprendre à apprendre »), en promouvant le développement du pouvoir d’agir des apprenants (Gilliot et al., 2017) pour permettre une démocratisation effective des apprentissages en ligne.

Le certificat demeure finalement le point nodal : point de rencontre entre les modèles économiques, la « valeur » d’une inscription, le but d’un certain nombre de participants. C’est le seul élément de la formation effectivement contrôlé par l’institution de formation, puisque les participants, une fois inscrits, peuvent piocher ce qu’ils souhaitent dans ce qu’un MOOC peut leur offrir. Les analyses peuvent se conduire autour d’un triptyque certification / participation / intention, c’est-à-dire dans les liens entre l’obtention d’un certificat, les activités réalisées et l’intention avant la formation.

Les plates-formes communiquent sur le nombre d’inscrits et le nombre de certifiés, considérés comme des critères de succès et de qualité. Mais en quoi cela renseigne-t-il sur ce qui est appris ? Pour les concepteurs, quelles pourraient être les « bonnes » mesures de la qualité de leur cours et quelle peut être la légitimité d’une visite partielle ? Pour les participants, quel est le but recherché : l’acquisition de nouveaux savoirs et compétences, une évolution de carrière ou une autre reconnaissance ? Considérer un MOOC comme un livre éducatif contemporain (Bruillard, 2017b) permet de poser les questions autrement.

Les MOOC ont-ils vocation à se tourner principalement vers la formation professionnelle à distance, devenant de fait un élargissement de la formation ouverte à distance, ou s’agit-il simplement d’une étape dans le développement de cet objet qu’est le MOOC ? Les transitions dans le domaine du numérique nous ont habitués à ce développement en plusieurs étapes, avec un élargissement de l’offre après une première phase de consolidation. L’enseignement supérieur, lui-même entré dans un processus de transition numérique reste un acteur majeur dans cette évolution. D’autres propositions émergent, comme la mise en place de MOOC pour l’orientation à destination des lycéens.

Les articles proposés dans ce numéro spécial apportent en tout cas des éléments de réponse à la conception d’une telle offre élargie et les cadres d’analyse développés permettront de mieux suivre ces évolutions dans le futur.

REFERENCES

Bruillard, É. (2017a). Les Massive Open Online Courses (Mooc). Dans La recherche sur l’éducation. Contributions des chercheurs (rapport Athena-Allistene) (p. 109-112). Disponible sur internet

Bruillard, É. (2017b). MOOCs as contemporary forms of books: new educational services between control and conversation. IARTEM e-Journal, 9(1), 142-164. Disponible sur internet

Condé, J. et Huguenin, S. (2017). État des lieux des MOOC au prisme de la conférence EMOOCS 2017. Adjectif.net. Disponible sur internet

Gilliot, J.-M., Nagels, M., Abel, M.-H., Acensio, L., Algave, N. et al. (2017). Comment créer des environnements d'apprentissage formels, non formels, informels au service des apprenants pour accroître leur pouvoir d'agir ? Dans Actes ORPHEE RDV 2017 : Orphée Rendez-vous réseau d'e-Education (p. 1-4).Disponible sur internet

Peraya, D. (2008). Un regard critique sur les concepts de médiatisation et médiation. Nouvelles pratiques, nouvelles modélisations. Dans Les enjeux de l’information et de la communication. Disponible sur internet

Shah, D. (2018). 2017, a year in review. MOOC Report. Disponible sur internet

 

 
Référence de l'article :
Jean-Marie GILLIOT, Éric BRUILLARD , Éditorial du numéro spécial Recherches actuelles sur les MOOC, Revue STICEF, Volume 24, numéro 2, 2017, DOI:10.23709/sticef.24.2.0, ISSN : 1764-7223, mis en ligne le 27/04/2018, http://sticef.org
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Mise à jour du 27/04/18